Economie du bien commun : politique de la concurrence et politique industrielle – Jean Tirole

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Politique de la concurrence et politique industrielle
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Tiré de Economie du bien commun, l’enjeu industriel.

Les économistes ont toujours vanté les mérites de la concurrence. Dans ce cadre, l’Etat a un rôle majeur : organiser la concurrence de façon à ce qu’elle profite à tous.

 

Contrairement à une croyance répandue en France, la concurrence bien organisée :

  • fait baisser le prix des produits et des services et en améliore la qualité,
  • favorise l’innovation et l’efficacité,
  • crée de l’emploi,
  • permet aux décideurs publics d’avoir les meilleurs services aux meilleurs prix grâce au principe des appels d’offres, tout en d’évitant l’attribution de marchés publics à des amis ou selon des règles opaques.

Par exemple, l’ouverture du transport ferroviaire intervenu en Allemagne, en Grande Bretagne et en Suède s’est traduite par une hausse du nombre de voyageurs. En France, le transport ferroviaire stagne, son ouverture n’est prévue, en principe, qu’en 2019.

L’économie industrielle tente, depuis son apparition au milieu du XIXe siècle, de décrire et de prévoir quantitativement des situations économiques grâce à l’usage de modèles. Depuis, elle a inspiré de nombreuses politiques publiques destinées à s’opposer aux comportements anticoncurrentiels.

Malgré ses vertus, la concurrence n’est pas toujours bonne ou possible. Il serait par exemple aberrant de construire plusieurs réseaux ferrés ainsi que de multiples infrastructures de transport et de distribution d’électricité. Pourtant, dans de tels cas, la concurrence peut être introduite de deux manières :

  • pour le marché, en attribuant une position de monopole pour un temps limité après un appel d’offres, pour l’exploitation de l’infrastructure de réseau,
  • dans le marché, en permettant à plusieurs entreprises de fournir en même temps un même service par l’utilisation de la même infrastructure.

*

La politique industrielle est souvent synonyme d’aides de l’Etat, attribuées au coup par coup pour soutenir certains secteurs en difficulté. Les économistes sont en général réservés sur les vertus des politiques industrielles, nombre d’entre elles s’étant révélées coûteuses et inefficaces. Parmi les entreprises ayant bénéficié d’aides de l’Etat, si on peut citer le succès d’Airbus, Bull n’est jamais devenu un géant du secteur informatique et les ordinateurs de Thomson n’ont jamais rivalisé avec ceux d’Apple. Soulignons au passage que la concurrence d’Airbus dans un marché initialement dominé par Boeing a permis aux compagnies aériennes de disposer d’avions moins chers et de meilleure qualité, et aux voyageurs du monde entier de voir les prix des vols baisser.

La politique industrielle pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, une fois amorcées, les aides se poursuivent généralement même si les résultats ne sont pas au rendez-vous. En outre, les effets de ces politiques sont rarement évaluées a posteriori. Enfin, détecter les secteurs qui seront demain créateurs de richesses relève souvent du pari. Les financements privés sont alors plus légitimes que l’argent public.

Quoi qu’il en soit, l’Etat ne renoncera jamais à conduire une politique industrielle. La question est donc de déterminer les règles générales à respecter pour en optimiser les effets bénéfiques. Voici les principales :

  • identifier le problème à résoudre afin de définir l’action de l’Etat : aides transverses destinées par exemple au financement des PME ou aides plus ciblées.
  • soumettre le choix des projets destinés à bénéficier d’aides publiques à des experts indépendants afin d’en évaluer la pertinence et garantir l’absence de lien avec de quelconques intérêts particuliers,
  • évaluer la qualité des projets et la compétence des personnes qui les proposent afin d’avoir des garanties de résultats. Des spécialistes de renommée internationale attirent leurs pairs et augmentent les chances de réussite d’une aventure industrielle,
  • évaluer sans complaisance les politiques ayant été des échecs et y mettre fin,
  • développer les co-financements avec des acteurs privés afin de partager les risques et bénéficier de leur expertise concernant l’intérêt du projet,
  • ne pas viser un retour en arrière en voulant à tout prix réindustrialiser la France mais comprendre que l’avenir des pays développés est tourné vers l’économie des connaissances et des services ainsi que vers les niches industrielles à forte valeur ajoutée.

Le tissu industriel français se caractérise par de nombreuses PME, peu d’entreprises moyennes et des grandes entreprises anciennes. L’âge moyen des entreprises du CAC 40 est de 101 ans. Celui des 500 entreprises américaines ayant le chiffre d’affaire le plus important, n’est que de 15 ans. Conscient que le dynamisme de l’économie passe par le développement des PME, l’Etat tente de les aider. Toutefois, la complexité des dispositifs mis en place est souvent incompatible avec les structures à qui ils s’adressent. Par ailleurs les PME sont confrontées à de nombreux obstacles dont les principaux sont :

  • les effets de seuils : les contraintes étant croissantes selon que le nombre de salariés dépasse 10, 20 ou 50, les entreprises hésitent à franchir ces seuils, notamment celui des 50 salariés,
  • l’extrême complexité du code du travail, du système fiscal et de l’accès aux marchés publics,
  • le droit des faillites qui désavantage les créanciers et laisse du pouvoir aux dirigeants qui ont échoué,
  • les retards de paiement des acheteurs publics et des grandes entreprises.

Le développement des PME passera par des réformes concernant chacun de ces sujets.

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