Qui était Confucius ?
Adèle Van Reeth reçoit :
Anne Cheng,
sinologue, titulaire de la chaire d’histoire intellectuelle de la Chine au Collège de France
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Première des quatre volets consacrés à Confucius : qui était Confucius
Qui était Confucius ? Confucius est la forme latinisée de Kong Fuzi, Maitre Kong. Ce nom a été donné à cette figure majeure de la pensée chinoise par ses traducteurs, missionnaires jésuites présents en Chine aux XVIe et XVIIe siècles. Parmi les rares autres penseurs chinois dont le nom fut ainsi transformé, on peut citer Meng Tseu qui devint Mencius et Mo Tseu traduit Mocius.
Confucius vécut aux VIe et Ve siècles av. JC (551-479). Il est contemporain des Présocratiques. A cette même époque émerge un peu partout des discours de sagesse, de spiritualité et de philosophie : le Bouddha en Inde, la culture hébraïque au Moyen Orient, les Présocratiques en Grèce.
Peut-on parler de philosophie concernant Confucius ? Si la pensée chinoise et notamment celle de Confucius ne correspondent pas aux préoccupations des philosophes européens académiques des XVIIIe et XIXe siècles, il s’agit pourtant bien de philosophie en ce qu’elle se rapporte à la nature de l’homme et à sa place dans l’ordre cosmique et l’ordre social. Il serait toutefois erroné de considérer Confucius comme le père de la philosophie chinoise et notamment de comparer sa place dans la pensée chinoise à celle des Présocratiques dans la pensée grecque.
Pourquoi la lecture des Entretiens, une de ses œuvres principales, est souvent une expérience déconcertante ? Les entretiens sont constitués de courts aphorismes sous forme de petits dialogues aboutissant à des conseils empiriques. L’absence de doctrine explicite de portée générale peut dérouter. La plupart des Entretiens commencent par le maitre dit suivi de phrases au discours direct. On suppose que le maitre est Confucius mais certaines écoles affirment qu’il peut s’agir d’un des nombreux autres maitres de l’antiquité pré-impériale chinoise, c’est-à-dire de l’époque qui a précédé la création du premier empire centralisé en 221 av. JC.
Dans quelle mesure l’époque de Confucius a-t-elle un rôle dans l’élaboration de sa pensée ? Confucius vit dans une période de mutation. Il regrette un âge d’or qu’il situe à la fondation de la dynastie des Tcheou aux alentours de l’an 1000 av.JC. Les Tcheou tenaient leur légitimité d’un mandat du ciel dont ils se prévalaient, un décret céleste garant d’une bonne marche de la société. Ce mandat impliquait qu’un souverain ne devait pas se servir lui même mais servir la société. Confucius adhère à ce discours à une époque où le pouvoir des Tcheou se délite sous la pression de vassalités qui nourrissent des projets de domination. La fin des Tcheou débouchera sur la période dite des Royaumes Combattants, pendant laquelle, de la fin du Ve siècle au début du IIIe siècle, des principautés seront en guerre permanente en vue d’établir leur hégémonie. La vassalité des Qin unifiera finalement la Chine en y instaurant le premier empire centralisé.
Ce délitement est évoqué à plusieurs reprises dans les Entretiens où il est question d’usurpation du pouvoir. Confucius défend l’idée que pour que la voie règne sous le ciel il convient que le pouvoir soit détenu par celui qui tient sa légitimité d’un mandat du ciel. La voie, ou le Tao qui signifie le chemin, correspond à des conceptions et des règles de bonne conduite, permettant à la vie de s’épanouir harmonieusement. Confucius défend le Tao des rois fondateurs de la dynastie Tcheou. Si le pouvoir est usurpé par des vassaux, la voie ne règne plus sous le ciel et le désordre prend place, un chaos à la fois humain, politique et cosmique. L’ordre que défend Confucius n’est pas celui d’un Etat autoritaire pratiquant un contrôle politique strict du corps social mais une organisation qui rend la vie possible au fil des générations. Le mot chinois ancien traduit par ordre est un terme quasi médical qui décrit l’état de fonctionnement harmonieux d’un organisme vivant. La hiérarchie confucéenne doit se comprendre en ce sens : une seule tête et des individus qui tiennent leur rôle en participant à la vie de la société conçue comme une unité organique.
Comment faire coïncider cette hiérarchie et la conception de l’homme que défend Confucius ? Cette hiérarchie qui appelle à accepter sa condition sans se révolter peut paraitre contradictoire avec la place centrale que l’homme et sa perfectibilité occupent dans la pensée de Confucius. Pour comprendre l’articulation entre ces deux aspects de la pensée de Confucius, il faut revenir à la clé de la parole confucéenne et au premier mot des Entretiens : l’étude. Confucius invite à l’étude qui permet le perfectionnement et la joie. Cet extrait des Entretiens illustre ce recours : A quinze ans, je résolus d’apprendre, à trente ans, j’étais debout dans la voie, à quarante ans, je n’éprouvais plus aucun doute, à cinquante ans, je connaissais le décret du ciel, à soixante ans, j’avais une oreille parfaitement accordée, à soixante-dix ans, j’agissais selon les désirs de mon coeur sans pour autant transgresser aucune règle. Confucius décrit ici, peu avant sa mort, la façon dont il s’est construit en tant qu’humain : il commence par l’étude, sort de la confusion, se sent investi d’une mission céleste qui consiste à rétablir la voie de la dynastie des Tcheou, atteint la sagesse que représente l’oreille accordée puis atteint une forme particulière de liberté.
De quels éléments biographiques disposons-nous ? La première biographie de Confucius, largement hagiographique, a été constituée par Sima Qian, le premier historien chinois, vers le IIe ou Ie siècle av. JC. D’après cette biographie écrite plusieurs siècle après sa mort, Confucius se considérait comme un raté ce qui est paradoxale au regard de l’importance de sa parole dans la culture chinoise. Il se pensait investi d’une mission céleste consistant à conseiller les souverains locaux et à les guider sur la voie. Toutefois, le souverain du pays de Lu, sa terre natale, aujourd’hui dans la province de Shandong, était plus préoccupé par son propre plaisir que par les affaires du pays. Convaincu d’avoir failli à sa mission, Confucius quitta le pays de Lu à plus de 50 ans, à la recherche d’un souverain qui accepterait d’écouter ses conseils. Ce rôle de conseiller du prince sera repris par les lettrés confucéens qui lui succéderont et qui se mettront au service de l’Etat impérial. Confucius est l’archétype du conseiller du prince itinérant. Insatisfait, il abandonne toute fonction politique et rentre à Lu pour se consacrer à l’enseignement. Ce passage de la politique à l’enseignement n’est pas une résignation mais une autre façon d’aller vers la voie.
Que reste-t-il de Confucius dans la Chine actuelle ? Confucius a été critiqué pendant tous le XXe siècle et notamment pendant la Révolution culturelle, mais aujourd’hui il est présenté comme un personnage majeur de la culture chinoise par ceux-la même qui l’en avaient exclu. Ce retour est conjoncturel. On constate une instrumentalisation idéologique de la pensée confucéenne par le pouvoir Chinois. Voilà quelques années, Hu Jintao affirmait s’inspirer de Confucius en gouvernant avec humanité. Aujourd’hui, Xi Jinping convoque Confucius pour justifier son pouvoir autoritaire.
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