Les versets sataniques – Salman Rushdie – Résumé

Salman Rushdie

Les Versets Sataniques, tout le monde en a entendu parler pour les polémiques que l’ouvrage a suscitées et pour le terrible attentat dont son auteur, Salman Rushdie, fut victime le 12 août 2022. Il s’agit d’un livre complexe, foisonnant d’histoires, de rêves, de magie qui marie l’univers de Bollywood, le Coran et la tradition musulmane, le sexe… Mais surtout, l’ouvrage questionne sur l’identité, celle dont on hérite et celle dont on souhaiterait se parer.

Je vous propose ici un résumé long, trop long, qui tente néanmoins de condenser l’ouvrage pour s’en faire une idée plus précise, forcément incomplète et subjective, qui incitera donc peut-être à lire l’original.

LES VERSETS SATANIQUES

I – L’ange Gibreel – Les Versets Sataniques

1- Gibreel Farishta et Saladin Chamcha, deux acteurs indiens, chutaient au dessus de la Manche après que l’avion du vol AI-420 se fut coupé en deux. Ivre de vitesse, Gibreel dans sa saharienne violette faisait de grands mouvements en chantant : pour renaître il faut d’abord mourir tandis que Saladin, en costume et chapeau melon, tombait tête la première, les bras au corps. Le sol se rapprochait, les deux hommes s’agrippaient l’un à l’autre lorsque Saladin hurla à Gibreel de voler et de chanter. Il s’exécuta. La chute ralentit. Les deux hommes étaient vivants sur une plage anglaise enneigée.

2- Gibreel fut pendant quinze ans l’acteur le plus célèbre du cinéma indien. Avant d’attraper un mystérieux virus qui faillit le tuer, il tournait simultanément onze films passant de plateau en plateau à un rythme vertigineux. Après sa guérison, il se limita à sept films à la fois puis, un jour, il disparut, laissant un mot : Nous sommes des créatures de l’air, nos racines sont dans les rêves, et les nuages renaissent en vol. Au revoir. La nouvelle fit le bonheur des journalistes et le désespoir des producteurs. 

Dans le somptueux immeuble nommé Everest Vilas dont il occupait le dernier étage, Gibreel avait pour voisine du dessous Rekha Merchant, sa maitresse, riche négociante d’art, mariée à un magna des roulements à billes. Lorsqu’elle lut le mot d’adieu dans les journaux, elle emmena sur le toit du bâtiment ses deux filles et son fils et les précipita dans le vide avant de les suivre. 

Gibreel Farishta, né Ismaïl Najmuddin à Poona, demi-dieu du cinéma, était un homme ordinaire dont les partenaires féminines se plaignaient de l’haleine fétide. Comme son père, il avait exercé le métier épuisant de livreur de repas. Sa mère, protectrice à l’excès, l’appelait mon ange personnel. À la mort de ses parents, Ismaïl fut adopté par Babasaheb Mhatre, le président du syndicat auquel appartenait son père. Il lui transmit sa croyance dans la réincarnation et le dialogue avec les esprits et, pour ses vingt et un ans, Babasaheb Mhatre lui offrit le plus beau cadeau de sa vie : un contrat avec la maison de production de cinéma appartenant à un puissant ami. Ismaïl devint Gibreel Farishta, un prénom d’ange, un nom signifiant mon ange. Après des petits rôles, il devint une icône du cinéma en jouant à six reprises un dieu à tête d’éléphant. 

Devenu célèbre, Gibreel enchaina les aventures amoureuses, sans égards pour ses partenaires qui lui pardonnaient tout. Il rencontra alors Rekha Merchant, sa voisine, avec qui il vécut une histoire clandestine. Contrairement aux autres femmes, le pardon de Rekha passait par des colères que Gibreel acceptait.

Lors d’un tournage, Gibreel reçu un coup de poing de cinéma qui provoqua une hémorragie. Entre la vie et la mort son état de santé fit les gros titres de la presse et tint le pays dans l’angoisse. Au début de son calvaire, Gibreel priait Dieu. Puis il réalisa qu’il priait dans le vide. Lorsqu’il fut guérit, il avait perdu la foi.

Sorti de l’hôpital sous les ovations, il se rendit dans un palace pour y dévorer de la charcuterie, brisant l’interdît de l’Islam. À côté des photographes apparus comme par miracle, une femme, Alleluia Cone, le mit au défit : change ta vie, ou te l’a-t-on rendue pour rien ? Il en tomba fou amoureux et annonça à Rekha, anéantie, qu’il la quittait. Trois jours plus tard, Allie s’envolait pour Londres, le quittant à son tour. Après cette courte idylle, Gibreel retourna aux studio jusqu’au jour où, relevant le défi, il prit le vol AI-420 sans prévenir, sous le nom de Ismaïl Najmuddin.

3- Saladin Chamcha avait mis des années à élaborer son personnage, à donner à son visage une expression aristocratique, à perdre l’accent de Bombay. Enfant, Salahuddin Chamchawala rêvait de partir pour Londres, de quitter la riche demeure de son père, Changez, à l’autorité écrasante. 

Le miracle arriva. À l’âge de 13 ans, son père l’emmena à Londres pour qu’il y fasse des études, au grand désespoir de sa mère, une femme frêle, prudente, mondaine, aux habits extravagants qui craignait de voir son fils partir dans un pays aux coutumes si éloignées.

Changez Chamchawala resta à Londres avec son fils pendant un mois pour faire de lui un homme, l’obligeant à régler tous les frais avec le peu d’argent qu’il lui avait donné et ne lui accordant aucun loisir. Lorsqu’il fut seul, Salahuddin était devenu un homme sans foi. 

Libéré de la loi familiale, Salahuddin se plia aux rites d’accès au statut d’anglais comme il faut et devint Saladin. De retour à Bombay cinq ans plus tard pour attendre la rentrée universitaire, son regard critique sur l’Inde et ses coutumes blessa sa famille. Pendant son séjour, lors d’une réception, sa mère laissée seule avala par mégarde une arrête de poisson et mourut.

Moins d’un an plus tard, Saladin reçut à Londres une lettre de son père le sommant de se réjouir de son remariage. L’élue se prénommait Nasreen, comme la mère de Saladin. Le choc fut brutal et les deux hommes échangèrent des lettres injurieuses. Quand la crise fut passée, Saladin apprit que son père, musulman nonchalant, était devenu un ermite porté sur le surnaturel.

Devenu acteur Saladin épousa fin 1959 Pamela Lovelace, actrice elle aussi. Leur histoire ne dura que quelques années, peut-être parce qu’ils n’eurent pas d’enfant peut-être pour une autre raison. 

De passage à Bombay pour y jouer dans La Milliardaire de George Bernard Shaw, Saladin vit surgir dans sa loge Zeenat Vakil, son premier amour, désormais trentenaire, médecin, critique d’art, auteur d’un livre sur l’éclectisme de la culture indienne au titre polémique Un bon indien, sous entendu est un indien mort. Leur nouvelle relation alterna entre amour à l’hôtel, sorties, discussion avec les amis de Zeeny et reproches. La jeune femme accusait Saladin de désertion, de reniement de sa couleur. Lorsqu’elle apprit qu’il était spécialisé dans le doublage, il devint évident pour elle que l’Angleterre le cachait et qu’il l’acceptait. 

Saladin comptait sur ce voyage pour se réconcilier avec son père. Le vieil homme vivait avec Nasreen II, dans un nouveau quartier et, chaque week-end, rentrait seul dans la maison qu’il avait partagée avec sa première épouse où Vallabh et Kasturba, le couple de serviteurs d’alors, continuaient de vivre. Lorsque Saladin accompagné de Zeeny rendit visite à Changez dans son ancienne demeure, il constata un lien charnel entre son père et Kasturba qui, vêtue d’habits de sa mère, lui ressemblait à s’y méprendre. Saladin en déduisit que Vallabh prostituait sa femme au profit de son père et une violente dispute éclata. Changez prit Zeeny à témoin de sa propre souffrance : sa déception était immense, il était voyait la culture de son pays se déliter ; il n’aurait pas de postérité, son fils, acteur en Angleterre, ayant préféré la futilité à la tradition familiale. Zeeny, touchée, l’embrassa sur les lèvres. Saladin, trahi, prit le vol AI-420 pour Londres.

4- Dans l’avion, Chamcha aperçut Farishta, l’acteur qui avait disparu sans laisser de trace. Soudain quatre pirates de l’air, trois hommes et une femme portant des explosifs prirent possession de l’avion. Saladin comprit immédiatement que la femme était déterminée. L’avion se posa sur la piste de l’oasis d’Al-Zamzam, construite en plein désert, caprice d’un émir. Les pirates gardèrent cinquante otages, relâchant les femmes, les enfants et les Sikh. Resté à bord, Farishta vint s’installer à côté de Chamcha.

Les jours passaient dans l’avion assiégé par la police et les journalistes. Saladin somnolait tandis que Gibreel luttait pour rester éveillé. Il se confia à son voisin : le sommeil l’effrayait car il rêvait invariablement qu’il devenait l’ange Gibreel ; leur future libération serait une nouvelle naissance et tous les otages seraient  frères ; il était là à cause d’une femme.

Le cent dixième jour, la terroriste annonça que leurs demandes n’étaient pas satisfaites. Elle tua un otage et ordonna le décollage de l’avion avant que l’assaut ne fût donné. Au dessus de la Manche, alors que ses acolytes tentaient de l’en empêcher, elle fit sauter les explosifs qu’elle portait.

II – Mahound – Les Versets Sataniques

En rêve, Gibreel voit Mahound, un homme d’affaires de Jahilia escaladant le Mont Cone. Jahilia est une ville de sable. Il n’y pleut jamais. L’eau vient de sources dont une est la célèbre Zamzam. Ses bâtiments sont construits en cercles concentriques autour de la maison de la pierre noire où se côtoient une multitude de dieux. L’un est nommé Allah. À Jahilia, Mahound fonde une des plus grandes religions du monde.

La ville fête l’anniversaire de la venue du patriarche Ibrahim qui abandonna dans le désert sa servante Hagar et leur fils Ismaël avant que l’ange Gibreel ne leur montrât la source Zamzam alors qu’ils mouraient de soif.

Dans le brouhaha des échoppes odorantes d’où émerge la voix de poètes déclamant des vers, avance Karim Abu Simbel, chef du conseil de la cité, homme de grande taille dont la richesse n’a d’égale que la beauté de Hind, son épouse. Il attire sans ménagement un jeune poète satiriste nommé Baal dans la maison de la pierre noire. Baal n’a pas son pareil pour écrire des poèmes satiriques commandés par un chef de clan pour dénigrer un rival. Baal est l’un des amants de Hind. Abu Simbel ferme les yeux. Il a aussi des concubines. Il ordonne à Baal d’écrire des vers assassins contre Mahound et ses compagnons. Abu Simbel craint l’ambitieux Mahound que son statut d’orphelin exclut de l’élite des marchands. Il redoute l’unification qu’il prêche, un seul un seul un seul, dans cette ville de voyageurs, de commerçants, de licence, de voleurs, d’enlèvements et de rançons à laquelle le polythéisme va si bien.

Abu Simbel, le maître de Jahilia, propose à Mahound, le Messager, de reconnaitre sa nouvelle religion et lui offre un siège au conseil de Jahilia à la condition qu’Allah approuve la présence dans la maison de la pierre noire de trois déesses particulièrement vénérées Al-Lat, Uzza et Manat et dont l’exploitation des temples qui leur sont consacrés rapporte gros à sa femme. Trois contre trois cents soixante aujourd’hui. Face à ses compagnons hostiles au marché, Mahound fait valoir que leur religion deviendrait plus importante et aurait plus de fidèles. Finalement, il retourne dans la grotte du Mont Cone prendre conseil auprès de Gibreel.

Gibreel Farishta, l’archange Gibreel est terrifié. Que répondre au Messager ? Allah ne pourrait-il pas faire un peu de place aux déesses ? Ne pourraient-elles pas être des anges ? Alors que Gibreel et Mahound sont reliés de nombril à nombril par un cordon de lumière, la révélation vient.

De retour à Jahilia, Mahound informe Abu Simbel des derniers versets reçus : les déesses sont acceptées. Joie dans le camp du maitre de Jahilia, consternation dans celui de Mahound. Ses compagnons déambulent ivres dans les rues et sont agressés. Hamza, l’oncle de Mahound, arrive à temps pour les défendre et tue deux hommes, les frères de Hind. 

Mahound s’éveille au matin chez Hind. Il a oublié la soirée de la veille. A-t-elle usé de ses charmes ?

Gibreel Farishta se rendort. Maintenant Mahound et Gibreel se battent dans la grotte du Mont Cone. Le Messager terrassé par l’archange comprend que les derniers versets ne lui ont pas été dictés par Gibreel mais par Shaytan, le diable. Mahound les renie à la grande joie de ses compagnons. Après le reniement des versets sataniques, Mahound rentre chez lui. Sa femme de 70 ans, Khadija, est morte.

Lorsqu’elle apprend la mort de ses frères, Hind est assoiffée de vengeance. Abu Simbel, son mari, organise la persécution des adeptes de la nouvelle religion nommée Soumission

Les habitants de l’oasis de Yathrib offrent alors l’hospitalité aux fidèles toujours plus nombreux de la religion de Mahound. Tous émigrent du sable vers l’eau et les palmiers. Une nouvelle ère s’ouvre.

III – Ellehoenne déèreheuesse – Les Versets Sataniques

1- Sur la plage enneigée du sud de l’Angleterre où ils reprenaient leurs esprits, Rosa Diamond, une femme de 88 ans, vint à la rencontre de Gibreel et Saladin. Était-elle la Mort ? Elle leur offrit l’hospitalité, gênée par l’haleine de Saladin alors que celle de Gibreel était fraîche. Symétrie miraculeuse. 

Saladin, soucieux de sa plastique, découvrit dans le miroir deux petites bosses sur les tempes. Ses idées étaient confuses. Il appela sa femme pour la rassurer, mais inconnu décrocha sans répondre, puis raccrocha. 

C’est alors que des policiers, avertis par un voisin de la présence de rôdeurs, entrèrent dans la maison et arrêtèrent Saladin en pyjama. Prévenu par le vacarme, Gibreel enfila une tenue du défunt mari de Rose et apparut en haut de l’escalier, en maître de maison, indifférent à son compagnon embarqué dans le panier à salade, tandis que des cornes poussaient sur sa tête.

2- Gibreel vécut chez Rosa pendant quelques jours. Sa santé déclinait rapidement mais elle eut le temps de lui raconter son histoire, son mariage à 40 ans avec un anglo-argentin qu’elle avait suivi en Patagonie. Unis par un cordon brillant qui reliait leur nombril la vie de la vieille femme passa devant les yeux de Gibreel : l’Argentine, son mari assassinant son amant, le retour du couple en Angleterre. Lorsqu’elle eut rendu son dernier souffle, Gibreel prit le train pour Londres.

3- Dans la panier à salade, Saladin vivait un cauchemar. Il assistait impuissant à sa métamorphose en une sorte de bouc. Ses jambes poilues se terminaient par des sabots, des cornes avaient poussé sur sa tête et du crottin jonchait le sol du véhicule. Ses geôliers le frappaient violemment sans s’étonner de sa transformation ce qui lui était insupportable. Lorsqu’il put enfin prouver à la police sa citoyenneté britannique, ils réalisèrent leur méprise et trouvèrent préférable de l’assommer.

Saladin se réveilla dans un hôpital où résonnaient, dans l’air chargé d’odeurs animales, des bruits de jungle et des cris de désespoir. L’officier de l’immigration qui le gardait lui apprit qu’il avait attrapé une infection pulmonaire, que Mrs Diamond avait été retrouvée morte et que l’homme qui vivait chez elle avait disparu. La nuit suivante, un homme-lion passa voir Saladin pour l’informer que plusieurs patients de l’hôpital se transformaient en bêtes. Quelques nuits plus tard, eut lieu une grande évasion. Pendant sa fuite, Saladin vit des créatures humaines transformées en animaux, en plantes et en pierres.

4- Jamshed Joshi, surnommé Jumpy en raison son agitation, était un ami d’université de Saladin devenu professeur d’arts martiaux. Dès l’annonce de l’accident du vol AI-420, il s’était rendu chez Pamela, la femme de Saladin. Elle avait bu lorsqu’il arriva. Ils devinrent amants. Le téléphone sonna. Jumpy reconnut la voix et raccrocha. Il annonça à Pamela que son mari était vivant. Quand Pamela se fut apaisée, ils évoquèrent le souvenir de Saladin, sa réserve mâtinée de curiosité lorsque Jumpy lui proposait de participer à ses actions militantes gauchistes. Le matin, Pamela appela l’aéroport : il était impossible que son mari soit en vie. Elle chassa alors Jumpy qui lui avait donné de faux espoirs.

Pamela prit sa voiture et roula vite pour réfléchir. Elle pensa à sa voix qui lui donnait un air bourgeois que Saladin aimait tant mais qu’elle ne supportait pas, cette voix héritée de ses parents, bourgeois ruinés par le jeu, qui avaient fini par se suicider. La voiture quitta la route mais Pamela sorti indemne de l’accident. Le soir même, elle dinait dans un hôtel luxueux où elle passa la nuit pour dit adieu à son passé et à Saladin dont elle ne supportait plus le comportement autocentré.

Après la dispute avec Pamela, Jumpy alla au bed and breakfast Shaandaar de son ami Muhammad Sufyan qui le réconforta. Trois jours plus tard, il reçut un appel de Pamela. Les deux amants réunis chez Pamela passèrent une semaine à s’aimer. Le septième jour, Saladin entra dans l’appartement avec ses cornes et ses sabots, faisant fuir le couple à l’étage, terrorisés.

5- Dans le train pour Londres, Gibreel s’interrogeait sur sa santé mentale. Dans le compartiment qu’il partageait avec un autre voyageur, il prononça le nom de celle qu’allait retrouver, Alleluia. Entendant le mot, son compagnon de voyage devint volubile. Nommé John Maslama, Indien originaire de Guyana, il était père de douze enfants. Panthéiste, ayant reconnu Gibreel Farishta, il engagea la conversation sur le Ça. Gibreel, la tête était miraculeusement coiffée d’une auréole lumineuse, accepta de lui donner la réplique avant de fuir le compartiment quand son nouveau disciple entonnait des cantiques. C’est alors qu’il aperçut Rekha Merchant hors du train sur un tapis volant dans la tempête de neige.

Arrivé à Londres, Gibreel voyait Rekha partout. Il tenta en vain de la fuir dans une course effrénée sous la neige qui jusque dans un square lugubre d’un quartier sale de la ville. Alors qu’il s’écroulait, Rekha lui accorda la vision d’Allie Cone lui déclarant que l’important était qu’il soit vivant. 

IV – Ayesha – Les Versets Sataniques

Les mondes rêvés par Gibreel, son statut d’archange, ses visions de Rosa Diamond et de Rekha Merchant sont aussi tangibles que le monde réel. Cette fois, il voit un Imam barbu. Il habite un immeuble de Kensington. Sa garde est assurée par des jeunes gens logés aux étages inférieurs et supérieurs au sien qui  l’escortent lors de ses rares sorties. Dans son appartement, pas d’affiches hormis quelques cartes postales de son pays nommé Desh. Dans sa chambre, le portrait d’une femme puissante, Ayesha, l’Impératrice, son opposée, son ennemie. L’imam vit rideaux fermés pour se protéger de la souillure de cette ville honnie. Il sait que son exil prendra fin, que sa vie reprendra. Il boit de l’eau, elle le purifie. Son fils Khalil lui en apporte souvent. Ayesha boit du vin comme les apostats et les démons. Tous seront punis.

L’Imam s’exprime sur les ondes par la bouche de Bilal X, un ancien chanteur américain converti à l’Islam. De sa voix posée et autoritaire, il commence ses émissions en insultant l’Impératrice, puis critique les créations du diable que sont l’Histoire, la science, le progrès, le droit et affirme son aspiration à l’éternité infinie de Dieu avant de conclure par un Ameen.

Le rêve se poursuit. L’Imam demande à Gibreel de l’emmener à Jérusalem et monte sur ses épaules. Sa barbe pousse à une vitesse vertigineuse. Soudain, alors qu’ils volent, ils aperçoivent le palais de l’Impératrice en bordure d’une ville au pied d’une montagne. L’Imam ordonne : descends, je vais te montrer l’amour. Tous les habitants de la ville convergent vers l’entrée du palais. Par vagues successives, des fronts de soixante dix personnes approchent du portail et tombent sous les balles des mitrailleuses des gardes. Après de nombreux assauts faisant une montagne de morts les gardes sont neutralisés et les assaillants entrent dans le palais. Regarde comme ils m’aiment dit l’Imam. Le palais s’effondre et Al-Lat, la déesse maléfique, en jaillit. Tue-la ordonne l’Imam. Gibreel engage le combat. Il est victorieux. Le corps de l’Imam grossit monstrueusement et, de sa bouche démesurée, il avale tous les habitants. À Desh, les pendules se mettent à sonner indéfiniment, le temps est aboli, remplacé par l’éternité.

Le rêve suivant se passe à Titlipur, un village qui se confond avec un arbre de 800 mètres de diamètre. Le zamindar Mirza Saeed Akhtar, au matin de son quarantième anniversaire, contemple avec amour sa femme Mishal qui dort. Le village de Titlipur est envahi de papillons. Ils avaient disparu à la mort d’une sainte du village cent vingt ans plus tôt, puis sont revenus il y a dix neuf ans. Par la fenêtre, Mirza voit dans le jardin de sa demeure une jeune fille qui mange des papillons qui l’entourent et paraissent consentir à leur sort. Soudain, elle est prise de convulsions. Mirza accourt, rejoint par sa femme et les domestiques alertés par ses cris. Mishal connait cette jeune orpheline d’une grande beauté. Son nom est Ayesha.

Après avoir éconduit tous ceux qui tentaient de la séduire, Ayesha a acquis la réputation d’être possédée par le démon de l’épilepsie. Plus personne ne s’intéresse à elle, excepté Osman, un ancien intouchable de la ville voisine de Chatnapatna, converti à l’Islam pour vivre dans le village musulman de Titlipur. Osman attend silencieux. Il exerce le métier de clown avec son boeuf Boum Boum. Depuis qu’il a avoué à Ayesha que sa conversion était intéressée, la jeune fille lui en fait grief. 

Ayesha fabrique de petits personnages qu’elle vend à une fabrique de jouets de Chatnapatna, tenue par un certain Srivinas. Un jour, elle apporte des figurines représentant Osman et son boeuf. Srivinas les refuse : ce garçon est le diable. 

Sur le voyage du retour, prise de fatigue, elle s’allonge. L’archange Gibreel vient s’étendre à côte d’elle. Lorsqu’elle rentre à Titlipur, nue sous sa robe de papillons, ses cheveux sont blancs et sa peau est celle d’un bébé. Osman pleure. Il sait qu’une femme ayant aimé un archange est perdue pour les humains. Pourtant, dans son rêve, Gibreel n’a fait que s’allonger.

Depuis son anniversaire Mirza éprouve un désir effréné pour sa femme. Pour avoir enfin un enfant, Mishal accepte tout de son mari, même le retour aux anciennes coutumes de séparation entre hommes et femmes dans leur maison. Mrs Qureishi, la mère de Mishal, reproche à son gendre sa conduite et sa mollesse. Mirza en convient. Cette mollesse est l’héritage de sept générations de zamindar ayant vécu dans cette maison en bordure de l’arbre-village. Il sait aussi que son soudain désir n’est plus pour Mishal mais pour Ayesha dont il est amoureux fou.

Alors qu’elles passent l’essentiel de leur temps ensemble, Mishal apprend qu’elle a un cancer de la bouche d’Ayesha. Ses mois sont comptés. L’archange Gibreel l’a annoncé à la jeune fille. Mirza furieux contre Ayesha refuse d’accompagner sa femme chez le médecin qui confirme pourtant sa maladie.

Sept jours plus tard, Ayesha annonce que Gibreel a demandé que la population du village parte en pèlerinage à La Mecque Sharif pour embrasser la Pierre Noire. Après 300 kilomètres de marche, la mer d’Arabie s’ouvrira pour les laisser cheminer. Le conseil du village décide d’obéir. 

Mirza est furieux contre Ayesha et Mishal qui préparent le voyage. Il les accompagnera pour les dissuader de poursuivre cette folie. Athée, il ne peut se résoudre a voir les habitants abandonner le village.

V – Une cité visible mais inaperçue – Les Versets Sataniques

1- Jumpy Joshi retourna avec Saladin Chamcha au Shaandaar Bed and Breakfast. Muhammad Sufyan, homme de nature empathique, voulut immédiatement aider le malheureux, tandis que sa femme poussait des cris d’horreur et que ses deux filles Mishal et Anahita jugeaient l’homme-bouc intéressant et terrible. 

En Inde, Sufyan avait été instituteur et sa famille jouissait d’un certain prestige. Après la naissance de leurs deux filles, sa femme, Hind, s’était refusée à lui. Plutôt que de fréquenter les bordels, il avait milité au parti communiste ce qui avait valu à la famille de devoir s’exiler en Angleterre. Le couple y avait ouvert un hôtel restaurant dont Hind était le chef, Sufyan le serveur. Ils avaient tout perdu : leur statut, leur culture, jusqu’à leur langue que leurs filles refusaient de parler. La tristesse et l’aigreur s’était installées dans leur vie.

Saladin buvait une soupe au poulet tandis que Sufyan lui ventait les vertus d’être parmi les siens. Mais Chamcha ne voulait pas de leur présence ni de leur compassion, lui qui avait fait tant d’efforts pour être un vrai anglais. Installé dans une chambre sous les toits, il passa une première nuit agitée par des cauchemars et un coeur qui donnait des signes de faiblesse. Qu’avait-il fait de mal pour se transformer en diable ? Ne s’était-il pas plié à tous les codes de la société anglaise qui le rejetait ? Et où était ce salaud de Farishta ?

Les jours suivants, Chamcha appela des connaissances. Mimi Mamoulian, d’abord, une ancienne maitresse, qui lui apprit qu’elle était en couple avec Billy Battuta, un play boy pakistanais misogyne, coureur et escroc. Les remarques de Saladin à l’encontre de Billy fâchèrent Mimi et il ne pu lui expliquer ce qui lui arrivait. Il appela ensuite Hal Valence, un publicitaire vulgaire, raciste, obnubilé par l’argent qui l’avait souvent employé pour des doublages. Hal n’avait aucun travail pour Chamcha et lui balança que compte tenu de sa couleur, il s’en tirait bien.

Hind lut dans un journal que Gibreel Farishta avait raté le vol AI-420, qu’il était vivant et préparait un nouveau film produit par Battuta, une fiction sur la rencontre d’un prophète et d’un archange. Parcourant l’hôtel en annonçant la grande nouvelle, elle fut choquée de croiser Mishal, très déshabillée, dans un couloir. Elle ignorait que sa fille sortait de la chambre de Hanif Johnson, un avocat des quartiers chics qui préparait une carrière politique et vivait au Shaandaar pour séduire l’électorat travailliste.

Ces nouvelles de Farishta rendirent Chamcha furieux. Alors que ses cornes s’allongeaient, que son corps grandissait, qu’une queue lui poussait, Sufyan tenta en vain, citation d’Ovide à l’appui, de le rassurer sur la permanence de l’être malgré les modifications du corps. Mishal et Anahita s’étaient attachées à leur étrange invité mais Anahita manifestait une jalousie féroce à l’égard de Mishal et de sa vie amoureuse.

Pamela se considérait comme veuve et voulait ignorer la métamorphose de son mari. Lorsqu’elle appris à Jumpy qu’elle était enceinte de lui, il fut soulagé. Il n’avait pas eu à décider, la vie avait choisi.

L’existence d’un homme-diable se répandit dans Londres par les rêves. Chamcha devint malgré lui le symbole de la rébellion des gens de couleur et une crainte pour les blancs. Mishal l’informa de sa soudaine célébrité et l’invita à passer à l’action en tant que héraut de sa communauté. Saladin considéra qu’Ovide avait tort, que sa nature avait changé et accepta. Mishal et Hanif l’emmenèrent passer la nuit au Club du musée de cire après sa fermeture, une boîte de nuit appartenant à John Maslama. La spécialité de l’endroit et de son disc jockey, Rosewalla, était de faire fondre dans un rite vengeur une des statues de cire de célébrités disposées sur la piste. Le matin, quand Saladin s’éveilla, son haleine chaude et fétide avait fait fondre toutes les statues, et il avait retrouvé forme humaine.

2- Alleluia Cone était la fille d’Otto et Alicja Cohen, émigrés polonais survivants des camps. Otto, homme autoritaire, avait changé son nom pour Cone et imposait à sa famille les coutumes de l’aristocratie anglaise. Après la mort accidentelle d’Otto, Alicja renoua avec la religion juive et Allie se consacra à l’alpinisme.

Gibreel effondré, se présenta chez Allie, flattée qu’un homme ait tout abandonné pour elle. Quand Gibreel se réveilla d’un sommeil de sept jour, il entama un marathon sexuel avec Allie. Le calme revenu fut propice au confidences. La jeune femme avoua à son amant qu’elle recherchait au sommet des montagnes la vérité qui avait fui la ville, qu’elle voulait échapper au bien et au mal.

En prenant un livre, Gibreel fit tomber la photo de la soeur aînée d’Allie dont il voulu connaitre l’histoire. Elena était devenue top modèle et avait conquis Londres avant de mourir à vingt et un an d’une over-dose. Malgré ses photos suggestives, elle était restée volontairement vierge et avait giflé Allie en apprenant qu’elle ne l’était plus. En réaction, Allie avait multiplié les conquêtes avant de découvrir sa passion pour l’alpinisme. Contre l’avis des médecins, elle avait gravi l’Everest sans oxygène, triomphe de la rage et de la volonté sur la science. Elle  en avait gardé quelques séquelles, notamment des pertes de mémoire. Ses pieds plats l’avaient privée d’autres exploits mais la célébrité lui avait permis de développer sa marque de matériel d’alpinisme.

Alicja pensait que Gibreel, avec ses manières d’enfant gâté, n’était pas un homme pour sa fille. Allie savait qu’en dehors de leurs ébats passionnées, Gibreel était difficile à vivre. Allie avait eu de nombreux amants et la jalousie s’emparait de Gibreel chaque fois que des photos ou des cadeaux le lui rappelaient. Au plus fort d’une colère, Dieu le rappela à l’ordre et il prit conscience de son égarement. À la demande d’Allie il quitta l’appartement et erra dans Londres désireux d’accomplir sa mission d’ange.

Il voulu d’abord aider un paumé, une âme en peine et reçut en retour un coup sur le nez. Rekha Merchant apparut alors sur un tapis volant affirmant qu’elle avait été prête à tout quitter pour lui. Gibreel lui rappela qu’elle avait jeté ses enfants en premier dans le vide et elle disparut dans un nuage de soufre nauséabond. Gibreel restait décidé à chasser le démon de la ville. Il tenta de résoudre une affaire de coeur entre deux femmes et un homme employés du métro. Nouvel échec. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Gibreel doutait.

De retour, Rekha proposa un marché à Gibreel : elle arrêterait de le tourmenter s’il acceptait de lui faire l’amour une fois par semaine. Gibreel refusa et vit Rekha se décomposer. Soulagé, débarrassé du désir des femmes, il allait enfin pouvoir être archange. Il grandit de façon démesurée jusqu’à dominer la Tamise mais les créatures insignifiantes qui grouillaient sous lui ne le remarquaient pas.

Gibreel se fit renverser par la limousine de Sisodia, un célèbre producteur de cinéma qui le reconduisit chez Allie, sérieusement contusionné. La détresse nerveuse avait transfiguré Gibreel, parvenu exubérant, en un être fragile et attachant et Allie en retomba amoureuse, malgré les mises en garde de sa mère. Pendant sa convalescence, Sisodia s’occupait de Gibreel, assommé de médicaments. Allie lui en était reconnaissante car elle pouvait poursuivre ses occupations. 

Sisodia reprit contact avec les producteurs que le départ de Gibreel avait lésés et le convainquit de tourner une série de films dans lesquels il jouerait le rôle d’un archange. Battuta produirait. Allie s’opposa violemment à ce projet qui allait rendre son amant à son ancienne vie. À son grand désespoir, Gibreel  accepta, emménagea chez Sisodia et retrouva sa vie de star à l’emploi du temps saturé et son tempérament jaloux. Quand Allie avoua à sa mère qu’elle aurait voulu un enfant de Gibreel, Alicja n’écoutait pas. Elle refaisait sa vie avec un généticien en Californie.

Farishta devait faire son come-back lors d’un grand spectacle vivant produit par Battuta, mais rien ne se passa comme prévu. S’apercevant qu’il la faisait suivre, Allie rompit. Battuta et sa femme, Mimi Mamoulian, furent arrêtés à New York pour escroquerie. Enfin pendant le spectacle, alors que Gibreel descendait vers la scène dans un chariot suspendu à un câble, la scène fut envahie par un public. Gibreel réalisa alors qu’il était à un tournant de sa vie. Voyant des cornes en caoutchouc sur la tête des gens monté sur scène pour l’accueillir, il décida de remonter. Il vola, la tête surmontée d’une auréole lumineuse. Les producteurs déclarèrent que le chariot était remonté mais le bruit d’un miracle se répandit.

Gibreel était conscient de sa mission : combattre Shaytan, le détruire dans cette ville de pluie et de crachin. Il avait compris que la météo de Londres, toujours identique, ne prédisposait pas ses habitants à choisir entre le bien et le mal. Pour y faire naitre la morale et y combattre le démon, il décida de tropicaliser la ville.

Il se réveilla à nouveau devant la porte d’Allie qui l’accueillit et le mit au lit d’où il repartit pour Jahilia, ses rêves ayant franchi la frontière entre le sommeil et la veille. Allie appela sa mère en Californie, qui lui conseilla d’envoyer Gibreel à l’asile. Au détour de la conversation, elle s’étonna du climat tropical qui s’était durablement installé sur Londres.

VI – Retour à Jahilia – Les Versets Sataniques

À l’âge de soixante-cinq ans et après vingt-cinq années d’absence, Mahound revient à Jahilia. Tout ceux qui l’ont connu ont vieilli. Seule Hind est restée étrangement jeune, peut-être comme cela ce dit grâce à la pratique de la nécromancie. Elle règne désormais sur la ville à la place de son mari vieillissant.

Baal, le poète aux vers assassins, reçoit la visite de Salman, l’ancien scribe persan du Prophète qui lui annonce l’arrivée du Mahound. Inquiets du sort qui les attend les deux hommes parlent. Salman chargé d’écrire sous la dictée de Mahound les versets révélés par Gibreel raconte comment il s’est mis à douter lorsqu’il dut consigner d’innombrables règles fixant la conduite des fidèles dans les moindres détails : l’interdiction de consommer des crevettes alors que personne n’en avait jamais vu, la liste des positions sexuelles autorisées, du missionnaire à la sodomie, la consigne de se mettre dans la direction du vent pour évacuer un pet… puis lorsqu’il réalisa que la Révélation était toujours propice aux affaires de Mahound ou confirmait ses décisions. Vinrent ensuite les versets sataniques concernant la présence des déesse Al-Lat, Uzza et Manat dans la maison de la pierre noire, l’obligation pour les survivants d’épouser les veuves des combattants morts, les règles imposant l’obéissance aux femmes qui soumirent même celles de Yathrib réputées indomptables. Salman introduisit alors de petites erreurs dans le texte dicté par Mahound. Comme elles passèrent inaperçues, il en augmenta la portée, jusqu’à remplacer Chrétiens par Juifs. Le Prophète ne vit rien. Salman perdit la foi et quitta Yathrib pour Jahilia. Maintenant que Mahound était de retour, ses jours étaient comptés. Quant à Baal, qu’allait-il advenir de lui. Il était désormais un poète vieillissant que le talent depuis longtemps avait abandonné ?

Dans le rêve de Gibreel, Abu Simbel s’est converti et invite tous les habitants de Jahilia à rentrer chez eux car le Prophète a promis la vie sauve à ceux qui seraient dans leurs murs. Hind au contraire invite la foule à aller prier Al-Lat à la maison de la Pierre noire. Hind a raison d’avoir peur. Un quart de siècle plus tôt, elle a mangé les entrailles de Hamza, l’oncle du Prophète et l’assassin de ses frères.

Jahilia se soumet à la nouvelle religion dès que Mahound y pénètre. Le prophète fait détruire le temple de la déesse d’Al-Lat et les trois cent soixante idoles de la maison de la Pierre Noire. Hind, lui rend un hommage appuyé en lui léchant les pieds. Malgré la gêne, il accepte sa soumission. Le lendemain Khalid, le porteur d’eau devenu général, amène Salman au Prophète. Le scribe dénonce Baal comme véritable ennemi et Mahound lui laisse la vie.

Baal reste introuvable. Il a perdu la foi à l’annonce de la destruction du temple d’Al-Lat. Une vraie déesse se serait défendue. Traqué, il trouve refuge au Rideau, le bordel le plus célèbre de la ville. L’établissement est un tel labyrinthe qu’il y est en sécurité. Baal émet l’idée de changer les noms des douze pensionnaires de l’établissement par ceux des douze épouses du Prophète pour attirer les clients. Madame du Rideau, la tenancière qui vit sous des voiles et que personne n’a jamais vraiment vue, accepte et chaque pensionnaire adopte la personnalité de celle dont elle est le double : Ayesha est la plus jeune et la préférée, Hafsa est colérique … Ce stratagème connait un grand succès auprès des clients. Les pensionnaires du Rideau demandent alors d’épouser Baal. Les prostituées de l’époque épousaient des maris symboliques et peu jaloux. Celles du Rideau étaient mariées au puits de l’établissement dont elles divorcent pour un être de chair. Chacun se prend au jeu. Les filles oublient leur ancien nom et organisent un roulement pour partager la compagnie de Baal qui retrouve son inspiration poétique. 

Deux ans et un jour après qu’il a trouvé refuge au Rideau, Baal y est reconnu par Salman, venu en client avant de repartir pour la Perse. Salman raconte à Baal les dernières nouvelles :  Gibreel a autorisé Mahound à avoir autant de femmes qu’il souhaitait et il a disculpé Ayesha d’un soupçon d’adultère.

Plusieurs années passent avant que Mahound revienne à Jahilia pour y interdire les bordels au nom de la vertu. Madame du Rideau absorbe du poison. Derrière ses voiles, on découvre le corps d’une grosse poupée d’un mètre. Les douze putains sont lapidées. Baal, arrêté, comparait devant Mahound. Face à la foule hostile, il raconte comment le Rideau est devenu la parodie du harem du Messager. Condamné à la décapitation il prononce ses derniers mots en public : Les putains et les écrivains, Mahound. Nous sommes ceux à qui tu ne peux pardonner ; Mahound répond : les écrivains et les putains. Je ne vois aucune différence.

La nouvelle de la maladie et de la mort prochaine de Mahound se répand dans Jahilia. Hind, recluse dans ses appartements depuis la destruction du temple d’Al-Lat, sort pour la première fois depuis deux ans et deux mois pour organiser un festin. Mais personne, pas même son mari n’y assiste.

Gibreel rêve de la mort du Messager. Mahound, la tête sur les genoux d’Ayesha aperçoit une silhouette et lui demande si c’est Azraeel ; Al-Lat répond qu’elle est venue se venger et Mahound la remercie. Ayesha annonce la mort du Prophète : s’il en est ici qui adoraient le Messager, qu’ils s’affligent, car Mahound est mort ; Mais s’il en est ici qui adorent Dieu, qu’ils se réjouissent, car Il est vivant. Fin du rêve de Gibreel.

VII – L’ange Azraeel – Les Versets Sataniques

1- Pour Saladin, tout se résumait à l’amour, l’amour d’une culture, d’une ville, d’une épouse, du rêve d’un enfant qu’il n’avait pas eu. Après la nuit au cours de laquelle il avait recouvré forme humaine retourna vivre chez sa femme enceinte de Jumpy. Tous deux éprouvaient une gêne à cohabiter. Saladin sortait beaucoup pour oublier et tenter de retrouver son ancienne vie mais ses nuits étaient tourmentées par Mishal Sufyan et Zeeny Vakil, deux femmes importantes dans sa vie. Sur la demande de Pamela, Saladin autorisa Jumpy, reconnaissant, à venir vivre sous leur toit. La cohabitation de passa bien.

Jumpy et Pamela emmenèrent Saladin à un meeting de soutien au Dr Uhuru Simba, accusé du meurtre de vieilles dames. Dans la salle bondée, acquise à la cause de l’accusé, Hanif Johnson, son avocat, était accompagné de Mishal Sufyan. Taisant les anciennes accusation d’agressions sexuelles dont le Dr Simba avait naguère fait l’objet, les orateurs dénoncèrent une justice raciste envers les Noirs. 

Dans le taxi qui le ramenait, Saladin sentait que la transformation qui s’était opéré en lui depuis sa chute de l’avion était irréversible. Il arrivait à la croisée des chemins. 

2- Battuta et Mimi Mamoulian, qui avaient été arrêtés à New York pour escroquerie, écopèrent de faibles peines et rentrèrent à Londres. Pour leur retour, ils donnèrent une grande réception pour le monde du cinéma. Invités, Jumpy et Pamela emmenèrent Saladin. Gibreel était là. Son animosité n’avait pas pour seule origine la trahison de son ancien ami. Elle tenait aussi à leur caractères : Gibreel Farishta, un homme continu, vrai, attaché à son passé ; Saladin Chamcha, discontinu, faux, prêt à tout pour épouser la mode. 

Saladin trouva Gibreel assommé par les médicaments contre la schizophrénie. Lorsqu’il lui apprit que Pamela était enceinte de Jumpy, réagissant à un étrange écho de sa propre vie, Farishta bondit à la poursuite de Jumpy qui fut retrouvé assommé sans qu’on sût jamais ce qui s’était passé.

Après cet épisode, Gibreel et Allie partirent se reposer en Ecosse. Saladin, que le couple considérait comme un ami, leur rendit visite. De retour à Londres, Gibreel, en confiance, racontait à son ami des détails concernant l’anatomie d’Allie et leur vie de couple. 

Saladin tenait sa vengeance. Il téléphona régulièrement au domicile de Gibreel et Allie pour leur tenir des propos salaces sur leur pratiques sexuelles. Pour rendre ces appels crédibles, il prenait des voix différentes, utilisant son talent professionnel pour le doublage. Le personnage qui produisit le plus gros effet sur Gibreel parlait en vers de mirliton d’une naïveté ambiguë. Persuadé de l’existence d’un amant, Gibreel quitta Allie qui, accusée à tort, décida la rupture définitive. 

John Maslama, propriétaire du Club du musée de cire, possédait également un magasin d’instruments à vent nommé Bons Vents. Gibreel s’y rendit pour acheter une trompette. Maslama s’occupa de lui avec la déférence due à un maître. En sortant, Gibreel annonça qu’il nommait la trompette Azraeel, le nom de l’ange de la mort, l’exterminateur des hommes.

3- Dr Uhuru Simba mourut en garde à vue. Selon la police, il se serait élevé dans les airs au cours d’un rêve et se serait rompu le cou en retombant. L’émotion était d’autant plus vive dans la communauté indienne et afro-cubaine de Londres que le tueur de vieilles dames fut arrêté après un nouveau crime et que les émeutes qui éclatèrent furent durement réprimées par la police.

Gibreel, entre conscience et sommeil, déambulait depuis des jours dans Londres, avec sa trompette Azraeel, au milieu d’une foule qu’il voyait comme des morts-vivants. Douze très jeunes prostituées vinrent à lui, attirées comme par un aimant, puis s’agenouillèrent. Ils savait que chacune portait le nom d’une femme du Prophète. Quant les maquereaux arrivèrent, Gibreel souffla dans sa trompette et les consuma. 

Arpentant les rues en crachant le feu devant lui, il se dirigea vers le Shaandaar à la recherche de Chamcha. Soufflant dans sa trompette, il mit le feu à l’établissement. Saladin se précipita à l’intérieur porter secours aux pensionnaires mais fut stoppé par une poutre. Gibreel hésita puis alla aider celui dont la voix l’avait si cruellement trahi. Les flammes s’écartaient sur le passage de Gibreel qui ramenait Saladin sur le trottoir où Hanif soutenait Mishal, effondrée par la morts de ses parents dans l’incendie. Tous les quatre montèrent dans l’ambulance. Gibreel, épuisé, repartit dans ses rêves à épisodes.

VIII – Le partage de la mer d’Arabie – Les Versets Sataniques

Les habitants de Titlipur, guidés par Ayesha, se sont mis en marche, accompagnés par les papillons. Seul Mirza Saeed Akhtar, le zamindar, accompagne le cortège dans son break Mercedes Benz, haranguant les pèlerins lors des haltes pour qu’ils rebroussent chemin et réalisent que la mer d’Arabie ne s’ouvrira pas devant eux. Lors d’une étape à Chatnapatna, Srivinas, le patron de la fabrique de jouets, venu par curiosité à la rencontre des voyageurs se laisse convaincre par Mirza Saeed Akhtar de l’accompagner pour former, contre cet obscurantisme, un front laïque, constitué d’un musulman et un hindou.

Le 18e jour, Khadija, la femme du sarpanche Muhammad Din, le chef du village, meurt. Le sarpanche bouleversé rejoint les deux passagers de la Mercedes. Au fil des semaines, une dizaine des cent cinquante pèlerins trouvent la mort. Ayesha, secondée par Mishal Akhtar, dirige les pèlerins d’une main de fer. Quand le boeuf Boum Boum meurt, Ayesha annonce à Osman déjà bouleversé qu’un boeuf n’a pas d’âme et que Boum Boum n’ira pas au paradis. Désespéré, il monte à son tour dans la Mercedes. La mère de Mishal Akhtar, qui fait elle aussi partie du cortège, prend conscience de la situation et monte dans la voiture. Malgré ces rares défections le Hadj Ayesha poursuit sa route sous l’autorité de la jeune fille servie par la poigne de Mishal très malade mais convaincue qu’elle guérira miraculeusement de son cancer à La Mecque.

A Sarang, le premier faubourg de la grande métropole de la mer d’Arabie, des habitants barrent le route aux pèlerins. La tension monte mais, juste avant la confrontation, un déluge s’abat et inonde la bourgade. Les passagers de la Mercedes font monter de force Ayesha et Mishal et se réfugient sur les hauteurs. Devant un puits de mine inondé où des gens se noient Ayesha se réjouit : ils ont creusé leur propre tombe. Lorsque la pluie cesse, la voiture redescend vers les rues inondées. Les pèlerins ressortent de leurs abris, guidés par les papillons qui les accompagnent depuis le début du voyage.

Le cortège poursuit sa marche, absorbé par la ville. Un vendredi, alors que les pèlerins et les fidèles sortent de la mosquée, un attroupement occupe le bas des escaliers du bâtiment. Un bébé pleure dans un panier. L’Imam et Ayesha examinent le nourrisson. L’Imam le désigne comme un enfant du Diable né dans le péché. Ayesha approuve et la foule lapide le bébé. 

Parmi les pèlerins, dont aucun n’a participé au crime, un esprit de révolte contre Ayesha se répand. Croyant le bon moment venu pour aider sa femme agonisante, Mirza Saeed propose un marché à la prophétesse : l’abandon du Hadj contre un voyage en avion à La Mecque avec douze pèlerins de son choix. Après consultation de l’ange Gibreel, Ayesha refuse, rend publique la proposition du zamindar et demande à être jugée sur la preuve que constituera le partage des eaux.

Arrivée devant la mer d’Arabie, le cortège n’est plus qu’une foule affaiblie et claudiquante. Deux hommes soutiennent Mishal livide. Mirza Les papillons, qui n’ont pas quitté les pèlerins, forment alors au dessus de l’eau la silhouette d’un être gigantesque. Ayesha le désigne comme l’ange qui les accompagne depuis le début. Les pèlerins entrent dans l’eau et disparaissent. Mirza Saeed et les autres passagers de la Mercedes, Osman, Muhammad Din, la mère de Mishal, Srivinas tentent vainement de les sauver. Lorsque les policiers sidérés recueillent leur déposition et alors qu’ils ne se sont pas parlé depuis le drame et que la mer rend les premiers corps, tous à l’exception de Mirza Saeed déclarent avoir vu les eaux s’ouvrir et les pèlerins marcher au fond de la mer.

Mirza Saeed rentre chez lui pour vivre en reclus. Désespéré, il assiste à un autre drame : l’incendie de l’arbre de Titlipur suivi de la monté des flots. Sous l’eau, il aperçoit Ayesha qui lui demande de s’ouvrir. Lorsque ses poumons sont remplis d’eau, il s’ouvre. Ils sont tous ouverts et marchent vers La Mecque au fond de la mer d’Arabie.

IX – Une lampe magique – Les Versets Sataniques

Averti que son père était mourant, Saladin Chamcha s’envola pour Bombay malgré sa peur de l’avion. En embarquant, il tomba sur Sisodia qui lui imposa sa présence durant le vol et lui apprit que Gibreel Farishta avait rompu avec Alleluia Cone et que ses deux derniers films, Le partage de la mer d’Arabie et Mahound, avaient été des bides absolus. Mais Saladin était ailleurs, bouleversé malgré les rapports conflictuels qu’il avait entretenus avec son père. Il repensa à Mishal Sufyan accablée par la mort de ses parents, à son mariage avec Hanif Johnson, à la fête qui suivit dans le Shaandaar reconstruit. Petits moments de joie soustraits au continuum de malheur d’une vie. Les journaux qu’il parcourut traitaient de la condition de la femme en Inde, du massacre de Musulmans dans le nord du pays, de la corruption d’un ministre. Son esprit se fixa sur Zeenat Vakil. Il l’avait prévenue de son arrivée à Bombay mais elle n’était pas à l’aéroport.

Saladin fut accueilli par Nasreen II et par la servante Kasturba, les deux femmes de son père. Changez souffrait d’’un cancer des os qui pouvait l’emporter à tout moment. Les retrouvailles furent affectueuses. Le vieil homme avait perdu l’agressivité dont il avait fait preuve toute sa vie. Saladin ému redevint Salahuddin Chamchawala. À son réveil, le mourant voulut ouvrir la maison. Amis et parents se succédèrent à son chevet, attentifs et affectueux. 

La nuit suivante, il fut pris de diarrhées. À l’hôpital, Salahuddin, Nasreen et Kasturba lui firent leurs adieux et, dans l’agitation des médecins qui tentaient de le sauver, Salahuddin vit sur le visage de son père l’expression d’une peur puissante qui le glaça, laissant place à un sourire figé.

En revenant du cimetière, Salahuddin pris une lampe à huile qu’il connaissait depuis son enfance. Elle était désormais à lui. Au moment où il la frotta Zeenat Vakil entra dans la pièce et alluma les lumières, s’excusant de ne pas être venue plus tôt. Les jours suivants, ils reprirent leurs relations amoureuses. L’agonie et la mort de son père avaient provoqué chez Salahuddin un processus de régénération. Il était redevenu lui même. Il se surprit à accompagner Zeeny à une réunion du Parti Communiste de l’Inde pour préparer une manifestation consistant à réaliser une chaîne humaine à travers la ville. 

Le bruit courait que Farishta était revenu à Bombay pour un nouveau film qu’il finançait lui-même et qu’une partie de la distribution avait quitté le tournage en raison de son caractère blasphématoire. Il se disait aussi que Gibreel se comportait parfois comme un dieu tout puissant. Certains l’accusaient même d’avoir blessé des prostituées dans un quartier chaud. Deux jours plus tard, Salahuddin apprit par les journaux qu’une équipe d’alpinistes dont faisait partie Alleluia Cone était à Bombay pour tenter l’ascension du Pic Caché. 

La chaîne humaine eut lieu mais les journaux titrèrent sur la mort de Sisodia retrouvé avec une balle dans le corps dans l’appartement de Gibreel Farishta et sur celle d’Alleluia Cone, retrouvée au bas de l’immeuble après la même chute que celle qui avait ôté la vie à Rekha Merchant. Quant à Gibreel il était introuvable.

Salahuddin éprouva un terrible sentiment de culpabilité et, alors qu’il vivait chez Zeeny, s’isola dans la maison de son père. Gibreel lui rendit visite peu après dans un état proche du délire : Sisodia de s’être moqué de lui alors il l’avait abattu. Puis il avait fait monté Allie sur le toit, sur ordre de Rekha qui avait poussé dans le vide la femme qu’il aimait.

La police, appelée par Kasturba, frappa à la porte. Gibreel frotta trois fois la lampe magique qui se trouvait dans la pièce. Un pistolet lui sauta dans les mains depuis l’intérieur. Déclarant à Salahuddin qu’il ne pouvait plus supporter sa maladie, il mit le canon dans sa bouche et pressa la détente. 

Salahuddin ressentait sa faiblesse, sa culpabilité, son humanité. Zeeny qui l’avait rejoint l’emmena, une autre chance lui était donnée.

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