Etienne de la Boétie (1530 – 1563)
Le Discours de la servitude volontaire est un texte de jeunesse, écrit vers l’âge de 18 ans, qui tente d’analyser les rapports qu’entretiennent les peuples et leur tyran ainsi que les méthodes qu’emploie celui-ci pour maintenir son pouvoir. La Boétie puise une grande partie de ses références dans l’antiquité grecque et romaine pour illustré son propos.
Discours sur la servitude volontaire – Etienne de la Boétie
La légitimité dont se réclame un tyran provient de la guerre, de l’héritage ou de l’élection. Selon les circonstances, il exerce donc son autorité en pays conquis en vertu de son mérite militaire, en considérant le peuple comme son bien héréditaire, ou encore, en prolongeant indéfiniment un mandat reçu du peuple avec parfois le désir d’en faire profiter ses enfants.
La liberté est une aspiration et un droit naturels de l’homme. Les animaux que l’on tente de contraindre défendent leur liberté de façon farouche. Toutefois, en de nombreuses occasions, les hommes font allégeance à un tyran, perdant ainsi volontairement leur liberté en échange de leur servitude.
Le pouvoir des tyrans n’est toutefois issu que du peuple qui accepte de lui obéir. Si les sujets décidaient de ne plus s’y soumettre, le pouvoir et le tyran disparaitraient aussitôt. Soyez résolu de ne plus servir et vous voilà libres. Nul besoin de révolution, de bain de sang ou d’héroïsme, il suffit de ne plus obéir.
A la servitude volontaire ont peut citer deux causes principales :
- l’habitude, qui a plus de force souvent que la nature. Après être resté longtemps sous le joug, un homme ne sent plus la contrainte. Et si l’on nait dans la servitude, il faut un recul peu commun pour prendre conscience de son état,
- la lâcheté qui vient souvent avec l’habitude. En état de servitude le courage face au tyran fait souvent défaut.
Le tyran dispose de moyens pour se maintenir :
- veiller à l’abêtissement de son peuple par des jeux, des distractions malsaines ou stupides,
- entretenir son avilissement par de courts moments de fausse prodigalité qui ne donnent lieu qu’à la redistribution d’une infime partie de ce qu’il s’est approprié indûment,
- s’assurer la confiance du peuple en prononçant des discours sur le bien public avant de commettre ses crimes les plus graves, utiliser la religion et donner un caractère divin à son personnage par exemple en raréfiant ses apparitions et en organisant des mises en scène grandioses et mystérieuses,
- le principale moyen est toutefois la mise en place d’une structure pyramidale : cinq ou six proches, les complices, détiennent le pouvoir et ont une réelle influence sur le tyran. Ils corrompent six cents hommes qu’ils font profiter de leur générosité. Ces six cents procurent des avantages à 6000 autres, moins influents et ainsi de suite jusqu’à ce que la densité de personnes qui profitent de l’organisation soit suffisante pour assurer la stabilité de l’édifice.
Du proche courtisan à l’homme de main le plus bas, tous acceptent de renoncer à leur liberté et à leur personnalité en contrepartie d’avantages accordés directement ou non par de tyran ou par l’organisation qu’il a mise en place. Pourtant, les proches courtisans sont souvent mal récompensés de leur dévotion et il leur arrive couramment de perdre vie et fortune pour avoir rendu leur maître soupçonneux, jaloux ou pour l’avoir indisposé. Quel bienfait et quelle amitié pourraient-ils en attendre ? Ces courtisans défendent ainsi des maîtres qu’ils haïssent et sont eux-mêmes haïs du peuple qu’ils participent à asservir. Malgré tout, ils persévèrent dans leur vie pénible et dangereuse, faite de renoncement et de crainte, en quête de gloire et d’honneurs.