Voyages d’un philosophe aux pays des libertés : le revenu universel au Brésil
Depuis 2004, la législation brésilienne permet le versement d’un revenu uniersel. Aujourd’hui, seule la Finlande a fait ce même choix. Pourtant, de nombreux économistes, dont plusieurs prix Nobel, juristes et hommes politiques de tous bords défendent cette mesure.
La loi votée en 2004 est l’aboutissement du combat d’un de ses ardents défenseurs depuis 50 ans, Edouardo Suplicy. Cet économiste de formation est une figure de premier plan de la politique brésilienne, membre rebelle d’une richissime famille passé par le communisme malgré une foi chrétienne affirmée, membre fondateur du Parti des Travailleurs de Lula, infatigable défenseur des pauvres.
Cette base législative permet à l’ONG ReCivitas d’assurer depuis une dizaine d’années un revenu inconditionnel à la centaine d’habitants de Quatinga Velho, village agricole situé dans la forêt près de Sao Paulo. L’initiative a pu voir le jour grâce aux économies de sa fondatrice, Bruna Augusto, et au crowdfunding.
Les résultats de l’expérience confirment les deux postulats sur lesquels se fondent les défenseurs du revenu universel pour en justifier le caractère inconditionnel et la nature monétaire :
- l’argent distribué est utilisé de façon rationnelle, personne n’est tombé dans l’oisiveté et nombreux sont ceux qui ont investi dans leur outil de travail et ont retrouvé l’espoir,
- chaque individu sait mieux que quiconque ce dont il a besoin. Les sommes versées sont dépensées de façons diverses mais toujours justifiées.
Plus encore, malgré son caractère individuel, le revenu universel a renforcé le lien social entre les villageois.
Les défenseurs actuels du revenu universel s’appuient sur l’un des trois argument suivants :
- la révolution numérique a fait renaitre le mythe de la fin du travail et les dirigeants de la Silicon Valley craignent plus que tout que des destructions massives d’emplois conduisent des millions de chômeurs à se révolter. Ils défendent donc le revenu universel pour sauver le système capitaliste et par la même occasion leur tête. Ils oublient, dans leur élan d’altruisme feint, que de telles craintes se sont toujours révélées injustifiées et qu’il n’y a aucune raison pour que la théorie schumpeterienne soit démentie aujourd’hui,
- la théorie de la juste compensation, défendue par Thomas Paine au XVIIIe siècle, postule une répartition naturelle des ressources de la Terre, égale entre tous ses habitants. Celui qui s’enrichit s’approprie plus que sa part et doit dédommager ses semblables dépossédés. Mais les postulats jusnaturalistes concernant un état de nature et l’inscription de l’homme dans un projet global ont été remis en cause par la science. L’argument de la juste compensation a été réinterprété au XXe siècle, en remplaçant les ressources de la Terre par l’ensemble des connaissances humaines que chacun participe à élaborer. Un impôt sur le revenu correspondant à la consommation de ce bien commun immatériel permettrait sa redistribution sous forme de revenu universel. Le niveau de l’impôt et celui de la rémunération du mérite restent à déterminer,
- le revenu universel apporterait à chacun les moyens financiers nécessaires à l’exercice de sa liberté. Pour responsabiliser les individus et exclure l’assistanat, ce revenu doit être inconditionnel et sous forme monétaire. Il permettrait en outre de ne plus considérer le travail comme une obligation sociale et de disposer d’une sécurité pour enchainer, dans un monde en perpétuel changement, des périodes d’activité de différentes natures en tant que salarié, bénévole, indépendant, entrepreneur…
Pour les défenseurs de la liberté, ce troisième argument est le plus légitime. Sa mise en oeuvre pourrait consister dans un impôt fonction des revenus payés par tous, combiné à un revenu fixe versé à tous. Ceux dont le revenu est inférieur à un certain seuil toucheraient ainsi un complément, les autres payeraient un impôt d’où le montant du revenu universel aurait été déduit. Cette solution présente de nombreux avantages : l’absence de discrimination entre les riches qui paient des impôts, et les pauvres qui reçoivent des aides, la simplicité administrative pour l’Etat comme pour les citoyens, l’absence de contrôles intrusifs afin de déterminer l’éligibilité aux aides… Malgré un débat vieux de plusieurs siècles, de nombreux obstacles politiques se dressent encore sur la route du revenu universel, à commencer par une culture du paternalisme et de l’assistanat.
[…] 5. au Brésil où des expériences de distribution d’un revenu universel a permis à ceux qui … […]
J’aimeJ’aime