Genèse de l’antisémitisme – Jules Isaac

Essai historique

Jules Isaac - 1

Genèse de l’antisémitisme est la suite nécessaire de Jésus et Israël. Le premier ouvrage démontrait que, contrairement à ce qu’affirme une certaine tradition chrétienne, Israël, le peuple juif dans son ensemble, n’a pas trahi ni crucifié le Christ, et que le Christ n’a pas maudit son peuple. Il s’agit maintenant, par l’étude rigoureuse de l’Histoire, de combattre les fondements de la haine antisémite. 

Dans le monde occidental, le christianisme n’a pas l’exclusivité de l’antisémitisme mais sa tradition séculaire en constitue le principal terreau. Ainsi, alors que l’antisémitisme nazi se doublait d’un néo-paganisme, les soldats de Hitler étaient néanmoins baptisés dans leur écrasante majorité.

1e PARTIE – DE L’ANTISEMITISME DANS L’ANTIQUITE PAIENNE

Préliminaires – Tout d’abord, dans l’étude de l’antisémitisme, la première difficulté sera de restituer au peuple juif ses traits authentiques, derrière les préjugés et les flétrissures métabolisés par l’Histoire.

Par ailleurs, certains auteurs différencient avec raison l’antijudaïsme, ne visant qu’un contenu religieux, de l’antisémitisme, visant l’intégralité du judaïsme. Toutefois, ces notions étant tellement imbriquées, l’étude qui suit ne les distinguera pas.

Enfin, il convient de mettre en garde contre les affirmations d’historiens chrétiens qui font remonter l’antisémitisme à l’antiquité et ne reconnaissent au christianisme qu’une responsabilité limitée, voire nulle.

Le thème de l’éternel antisémitisme – La thèse selon laquelle l’antisémitisme daterait de l’Alliance entre Dieu et Abraham, soutenue par des antisémites et par certains de leurs adversaires, doit être examinée du point de vue historique.

Dans l’Egypte antique, le seul document disponible dans lequel Israël est mentionné est la stèle Merenptah, fils de Ramsès II, datée des années 1220 avant JC. Elle relate des victoires militaires égyptiennes, notamment contre un peuple désigné Israëlou, sans qu’aucun antisémitisme n’y apparaisse. 

Par ailleurs, si certains textes de la Genèse laissent penser que les Égyptiens nourrissaient de la haine pour les enfants d’Israël, les écrits égyptiens ne relatent ni leur présence, ni leur asservissement ni leur fuite sous la direction de Moïse. En revanche, des textes attestent du mépris des Égyptiens pour les pillards asiatiques sémitiques qui menaçaient le pays. Aux XVIIe et XVIe siècles, l’Égypte passa sous la domination étrangère des Hyksos. Si on admet la véracité du récit biblique concernant la présence des Hébreux en Égypte, il est probable qu’ils soient arrivés pendant le règne des pharaons Hyksos et qu’ils y soient restés après la libération du pays, ce qui expliquerait qu’ils aient fait l’objet de la même haine de la part des Égyptiens. 

Premiers temps de la dispersion – Le IIe millénaire n’a laissé aucune trace d’antisémitisme démentant l’hypothèse de L’éternel antisémitisme. Que nous apprend le millénaire suivant, celui de la disparition des royaumes hébreux de Galilée et de Judée, celui du début de la diaspora dans tout le monde antique ?

L’affirmation selon laquelle l’attachement au culte conduisit un certain nombre de communautés à refuser toute assimilation avec les populations d’accueil doit être nuancée et précisée. Dix des douze tribus d’Israël ont été assimilées et seuls les éléments non assimilables sont, par nature, visibles. Enfin, cette absence d’assimilation est d’essence religieuse, non raciale.

Après après la destruction du Temple en 586, les Juifs déportés en Chaldée par Nabuchodonosor créèrent un foyer prospère. Compte tenu de leur situation confortable, beaucoup de leurs descendants ne retournèrent pas en Palestine lorsque le perse Cyrus les y autorisa. 

Par ailleurs, l’opulente Égypte exerça une telle attraction que le pays devint le principal foyer de la Diaspora.

Israël devant le monde grec, premières traces historiques de l’antisémitisme – Jusqu’au IIIe siècle, l’histoire ne montre aucune trace d’antisémitisme. Ni Hérodote, infatigable voyageur, ni Platon, ni Aristote  ne parlèrent des Juifs. Seuls quelques disciples d’Aristote les évoquèrent sans animosité. 

Alexandre et ses successeurs confièrent aux judéens des responsabilités militaires et administratives. Lors du démembrement de l’empire macédonien, les guerres entre nations rivales transformèrent la Palestine en champ de bataille. Les judéens émigrèrent en Egypte, furent recrutés dans une armée ou furent vendus comme esclaves. Mais, partout, ils se regroupèrent pour pratiquer leur culte et exprimer leur foi.

Au IIIe et au IIe siècle avant JC, séduits par l’hellénisme, comme les autres peuples de l’époque, les Juifs  traduisirent la Bible en grec. Cette Bible des Septante, rendit le texte accessible à tous et ouvrait la porte au judaïsme missionnaire puis au christianisme universaliste. 

Enfin, certains textes égyptiens écrits en grec par Hécatée d’Abdère ou Manéthon montrent l’ignorance de ces auteurs pour la religion des judéens. En soulignant leur séparatisme, ils réactivent l’hostilité des égyptiens envers les Hyksos avec lesquels les juifs sont confondus. En revanche, hors d’Égypte, dans le monde grec ce IIIe siècle, on ne trouve aucune trace d’antisémitisme.

IIe siècle (Av.JC). Le heurt de l’hellénisme et du judaïsme – Au IIe siècle, alors que la Palestine est sous domination grecque mais que la foi juive ne se soumet pas au despotisme des maîtres, un événement majeur se produit. En 168, le roi Antiochos IV Épiphane rentre humilié d’une campagne en Égypte et décide de se venger sur la Judée. Il met à sac le Temple de Jérusalem, massacre de nombreux hommes et interdit la religion d’Israël. Contre toute attente, les Judéens, conduits par Judas Macchabée, parviennent à chasser les Grecs vers 142. Cette victoire marque le début du prosélytisme juif porté par une nouvelle ferveur et un orgueil parfois excessif.

Les Grecs éprouvent alors de l’hostilité pour ce peuple qu’ils ne comprennent pas et qui semble les défier. Ce peuple uni dans la piété, mais sans dieu matériel à adorer. Ce peuple organisé en communautés solidaires dont celle d’Alexandrie, qui compte plus de cent mille âmes, a accueilli nombre de Judéens fuyant les persécutions. Ce peuple qui leur tient tête militairement, commercialement, et dont les érudits écrivent des textes réinterprétant la philosophie grecque pour la rallier aux valeurs du judaïsme. Les premiers écrits antisémites seront une réaction à un judaïsme devenu conquérant.

La première vague d’antisémitisme – Dans l’Egypte du IIe siècle, les querelles de palais sont nombreuses autant que sanglantes et les juifs occupant des postes élevés en font les frais, au même titre que les souverains qui les emploient. 

Les premiers écrits antisémites apparaissent au Ier siècle sous la plume d’auteurs gréco-égyptiens. Les principaux ont pour nom Posidonios d’Apamée ou Apollonios Molon. Les griefs sont toujours les mêmes : séparatisme et stérilité d’une tradition qui n’a rien apporté à l’humanité. Mais c’est avec Apion au Ier siècle de l’ère chrétienne à Alexandrie que l’antisémitisme greco-égyptien donna sa pleine mesure. Dans son ouvrage intitulé Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe rassemble les principaux griefs avancés : 

  • l’origine infamante : les Hébreux seraient des égyptiens qui auraient été chassés d’Égypte en raison de tares et de maladies, telles que la lèpre, dont ils étaient affligés,

  • la misanthropie : conduits par Moïse, ils auraient fait le serment de haine, en jurant ne vouloir de bien à aucun étranger,

  • le culte barbare de l’adoration d’une tête d’âne en or et du meurtre rituel d’un étranger, grief tiré de la description de ce qu’aurait vu Antiochos IV Épiphane en pénétrant dans le Saint des Saints du Temple lors du sac de Jérusalem,

  • La stérilité : le peuple juif n’a pas produit de savant utile à l’humanité.

Comment ne pas voir dans cette énumération un appel à la crédulité résultant de l’ignorance et de la sottise ?

Mesure et limites de l’antisémitisme grec – En même temps que l’antisémitisme préchrétien apparait au Ier siècle avant notre ère, des auteurs comme Timagène et Strabon qui parlent des Judéens sans animosité, parfois avec admiration, ne partageant avec Apion qu’une grande ignorance à leur sujet. Après Apion, progressivement, l’antisémitisme se réveille, incluant Juifs et Chrétiens. Réaction aux succès du prosélytisme des deux religions, l’antisémitisme païen n’est qu’une réplique. Aux IIe et IIIe siècle, cette hostilité s’orientera contre le christianisme, plus conquérant.

La question juive à Rome – Les relations entre le pouvoir romain et les communautés juives furent contrastées, des tensions sanglantes alternant avec des périodes de paix. Elle furent marquée par un épisode fondateur : Antipater, père de Hérode le Grand, à la tête de son armée, sauva César à Alexandrie. En remerciement, les Judéens bénéficièrent longtemps de privilèges religieux. En particulier, ils devaient prier pour l’empereur à la synagogue mais étaient exemptés de lui vouer un culte.

Un siècle de luttes meurtrières – La période allant de la mort de Tibère en 37 à celle d’Hadrien en 138 fut  ensuite l’une des plus sanglantes pour le peuple juif, du fait de l’hostilité de certains empereurs, de la jalousie des Grecs et des Égyptiens, mais aussi du prosélytisme juif confinant au fanatisme. 

Alors qu’en 19, Tibère avait expulsé les Juifs de Rome, Caligula fit installer en 38 des statues de lui dans le Temple de Jérusalem et les synagogues. Claude évita une révolte, en rétablissant dès 41 les privilèges religieux des judéens.

En 66 les Judéens se lancèrent dans une guerre d’indépendance. L’armée de Titus y mit un point final en 70 avec la destruction du Temple de Jérusalem. Entre 115 et 117 une révolte juive dans toute la Diaspora, de la Cyrénaïque à la Mésopotamie, commença par le massacre de païens, notamment de Grecs, avant d’être matée par Rome dans le sang. Enfin Hadrien déclencha une nouvelle guerre judéo-romaine en décidant la construction d’une citée païenne Ælia Capitolina à l’emplacement du Temple de Jérusalem et en interdisant la circoncision à tous les peuples qui la pratiquaient. À l’issue des combats qui firent rage entre 132 et 135, la Judée fut dévastée et Jérusalem interdite au Juifs. Contrairement à ce qu’affirme la tradition, tous les Juifs ne s’exilèrent pas. Nombreux furent ceux qui demeurèrent dans l’Empire, retrouvèrent leur statut de citoyens romains et leurs privilèges religieux. 

Dans ces combats, les Juifs furent moins des victimes de Rome que des combattants farouches ayant gagné par les armes le respect de l’Empire. 

Mesure et limites de l’antisémitisme latin – Que nous apprend la littérature latine sur l’antisémitisme ? Malgré la fierté et le sentiment de supériorité de la civilisation romaine, les textes antisémites sont rares. Quelques écrits épars de Cicéron, Sénèque, Juvénal, Pétrone, Quintilien, Martial ou Pline l’Ancien méprisant  les Juifs devant la splendeur de Rome, leur reprochant leurs superstitions, l’oisiveté du sabbat, le non respect des lois romaines, leur prosélytisme, la pratique de la circoncision ou les interdits alimentaires. Seul Tacite au début du IIe siècle se révèle antisémite résolu. Il reprend les thèses d’Apion complétées de nouvelles inventions : le culte de la tête d’âne viendrait du fait que Moïse aurait suivi des ânes sauvages pour trouver de l’eau dans le désert. L’interdit du porc s’expliquerait par le souvenir de la lèpre qui aurait valu aux judéens d’être chassés d’Égypte et au fait que cet animal peut contracter la maladie. Sans voir de contradiction avec l’accusation du culte de la tête d’âne, Tacite reproche au Judéens leur refus des statues dans les synagogues. L’antisémitisme laisse bientôt place à l’antichristianisme, plus puissant, mais recyclant les mêmes griefs.

Il est à souligner que le goût de l’argent ne faisait pas partie des reproches des antisémites égyptiens, grecs et romains qui moquaient les Juifs pour leurs haillons non pour leurs riches vêtements.

Conclusion – L’antisémitisme n’est pas aussi vieux que le judaïsme. Rien jusqu’au VIe siècle avant JC. Dans l’Egypte du Ve siècle, les Hébreux furent confondus dans une même haine avec des envahisseurs sémitiques d’Asie. Puis, alors que la diaspora se développait dans tout le monde antique, des communautés juives entraient en concurrence avec l’hellénisme dominant produisant un antisémitisme de réaction virulent du 1er siècle avant au 1er siècle après JC, dans les grandes citées, notamment à Alexandrie. Chaque fois, les mêmes griefs : communauté constituée à l’origine de lépreux chassés d’Égypte, misanthropie liée au séparatisme, superstitions, rejets des dieux et des lois. Enfin, les relations que Rome entretint avec les Juifs furent tantôt apaisées, tantôt violentes. 

Mais quelles que furent ses formes, l’antisémitisme païen fut conjoncturel. L’antisémitisme chrétien serait continu, cohérent, au service de la théologie et nourri par elle. 

2e PARTIE – DE L’AVÈNEMENT DE L’EMPIRE CHRÉTIEN À LA FIN DU PREMIER MILLÉNAIRE – L’ENSEIGNEMENT DU MÉPRIS ET LES DÉBUTS DU SYSTÈME D’AVILISSEMENT

Point de départ et note bibliographique – Alors que le judaïsme avait jouit de privilèges dans l’Empire romain et que les chrétiens avaient été persécutés, la situation s’inversa au IVe siècle. Ce qui suit vise à analyser et comprendre l’origine de l’antisémitisme chrétien qui eut cours pendant les deux millénaires suivants.

Le judaïsme et l’avènement de l’empire chrétien – Les guerres du Ie et du IIe siècles, avait fait passé la proportion des judéens dans la population de l’Empire de 8 à 5 % environ, mais ils y avaient conservé leurs privilèges religieux. Riches ou pauvres, ils exerçaient tous les métiers. Leur influence était significative. Les prosélytes étaient nombreux ainsi que les sympathisants, les craignant Dieu. La vivacité de leur spiritualité était restée intacte. La loi mosaïque, socle de la foi juive, fut même complétée : à Jérusalem le Talmud, l’enseignement, composé de la Mischna, la deuxième loi, et de la Guemara, le commentaire, fut écrit du IIe au Ve siècles ; au même moment, à Babylone, fut rédigé un autre Talmud, plus riche. Sur le plan politique, le chef spirituel des Judéens, le patriarche, était reconnu comme tel par Rome.

Du judéo-christianisme à l’antagonisme judéo-chrétien – Que s’est-il passé pour qu’en 60 ans apparaissent entre Juifs et Chrétiens un antagonisme réciproque extrêmement fort. Pour ces derniers, il est dû au fait que les Juifs n’ont pas reconnu Jésus, le Messie et le fils de Dieu, et qu’ils se soient alliés à Caïphe pour le mettre à mort. Pour les Juifs, dans les premières années qui suivirent la crucifixion, les colères de l’orthodoxie visaient les païens, ceux qui rejetaient la Loi, le Dieu un, le Temple, non la secte naissante des Judéo-chrétiens. Ce ne fut que lorsque Paul de Tarse rompit avec la Loi que les Judéo-chrétiens devinrent des hérétiques. Les deux orthodoxies se rejetèrent alors réciproquement.

Les Juifs rejetaient la légitimité des premières communautés chrétiennes auprès de Rome en veillant à conserver leurs privilèges dans l’Empire. Les chrétiens quant à eux affirmaient constituer Israël selon l’esprit, voué à remplacer Israël selon la chair, qui avait rejeté et crucifié le Messie fils de Dieu. L’enseignement du mépris avait débuté. 

Mais l’essentiel des juifs et des chrétiens vivait souvent fraternellement, ignorant cet antagonisme qui ne les concernaient pas. Bien des chrétiens avaient d’ailleurs conservé des rites juifs.

La révolution constantinienne et ses suites – Tout bascula le 28 octobre 312 à la bataille du pont de Milvius  où Constantin défit Maxence. Alors que ce conflit entre deux ambitions ne présentait aucun enjeu religieux, Constantin sa victoire et son destin à celui de l’Eglise pour des raisons obscures. Le christianisme avait désormais un appui de taille, l’Empire. L’orthodoxie chrétienne affronterait désormais en position de force tous ses ennemis, toutes les hérésies, tous les prosélytismes concurrents, celui du judaïsme comme celui des sectes d’inspiration judéo-chrétienne qui se multipliaient.

L’enseignement du mépris – Par nécessité doctrinale, l’Église rompit avec le judaïsme et avec le  judéo-christianisme, sa forme primitive. Très vite, son antijudaïsme se transforma en un antisémitisme radical porté par presque tous les Pères de l’Église, les plus virulents et les plus créatifs étant le grand orateur grec saint Jean Chrysostome et le grand docteur de la latinité chrétienne saint Augustin.

Tout juste ordonné prêtre en 385, Jean écrivit huit homélies dans lesquelles il calomniait les Juifs afin d’en éloigner les Chrétiens et de convertir les Judéo-chrétiens. Ses propos, d’une grossièreté et d’une violence inouïes, rabaissant les Juifs au rang d’animaux, les désignant comme lubriques et cupides, les accusant du crime suprême de déicide, eurent des conséquences terribles dans l’histoire. 

Saint Augustin, d’expression plus élégante, accusa les Juifs de déicide en insistant sur la Passion et en dégageant les Romains de toute responsabilité. Mais surtout, il inventa la théorie du peuple-témoin promise à un grand avenir. Dieu aurait voulu que le peuple juif témoigne de la vérité du message de l’Église de deux manières concomitantes : en portant avec lui l’Ancien Testament qui fonde la Nouvelle Alliance, et par sa condition de peuple déchu, dispersé, réprouvé, puni pour n’avoir pas reconnu Jésus comme Messie et fils de Dieu.

Cet enseignement du mépris, la théorie, se matérialisa dans le système d’avilissement, la pratique.

Première ébauche du système d’avilissement – A partir de la révolution constantinienne et tout au long du Ve siècle, la condition des Juifs dans l’Empire se dégrada, les décisions des conciles se reflétant dans les lois laïques. Le prosélytisme juif, toléré jusque là, devint passible de sanctions de plus en plus lourdes et, à partir de 438, de la peine capitale. En revanche, les enfants juifs qui recevaient une éducation chrétienne contre l’avis de leur famille ne purent plus être déshérités. 

Au début du Ve siècle, la construction des synagogues fut soumise à une autorisation très restrictive, certaines furent détruites, d’autres transformées en églises et, pour illustrer la déchéance du peuple juif, leur restauration ou l’embellissement furent interdits.

Une grande partie de l’économie, notamment l’agriculture, reposait sur l’esclavage. Les Juifs convertissaient systématiquement leurs esclaves en les faisant circoncire. Dès le IVe siècle, cette pratique sur des esclaves chrétiens fut punie de mort et, au Ve siècle, l’acquisition d’esclaves chrétiens par des juifs fut interdite. Privés de main d’œuvre, les Juifs délaissèrent l’agriculture.

D’autres mesures contraignantes et humiliantes furent décrétées : interdiction d’occuper un emploi dans  l’armée ou l’administration, d’exercer la profession d’avocat, proscription des mariages entre Juifs et Chrétiens sous peine de mort, droit de succession conditionné au baptême.

Le clergé organisa de nombreuses actions violentes contre les Juifs visant en particulier la destruction des synagogues comme à Callinicon sur l’Euphrate en 388. Devant l’impuissance de l’autorité romaine les Juifs tentèrent de rendre coup pour coup et le sang coula de part et d’autre, dans des combats opposants parfois deux fanatismes. En 414 la communauté juive d’Alexandrie fut décimée et dispersée définitivement.

En moins d’un siècle les juifs de l’Empire perdirent leurs privilèges et devinrent des citoyens de seconde zone. Israël selon l’esprit avait mis fin à la concurrence d’Israël selon la chair.

Vicissitudes juives au cours du haut Moyen Age chrétien – La période suivante, celle du haut moyen âge, du Ve au Xe siècles, fut marquée par le chaos, en Occident plus qu’en Orient. Tantôt puissante, tantôt soumise à la personnalité d’un souverain, l’Église défendit les intérêts de la foi qu’elle avait fixée. Quant aux conditions de vie des Juifs, elles varièrent dans l’espace et le temps, paisibles sous le règne d’un puissant monarque, soumises au système d’avilissement quand l’Église inspirait les décisions politiques.

Dans le monde byzantin – À Constantinople, l’empereur Théodose promulgua en 438 un code qui rassemblait les lois émises depuis Constantin, incluant le système d’avilissement inventé par l’Eglise. Sous le règne de Justinien, de 527 à 565, l’État renforça l’application des interdictions faites aux Juifs et en allongea la liste sur le plan religieux : recours exclusif à la Bible des Septante plus favorable au christianisme, et interdiction du Talmud.

Face à un Empire toujours plus hostile, les Juifs prirent régulièrement les armes, seuls ou aux côtés de membres de sectes chrétiennes persécutées par l’Église. Choisissant le moindre mal à l’humiliation continuelle, ils combattirent aussi aux côtés des Perses, des Arabes, des Goths qui menaçaient les frontières orientales de l’Empire. Au cours du VIIe siècle, le sang coula continuellement, le sang chrétien, le sang juif, le sang perse, le sang arabe. À chaque confrontation, difficile de savoir qui avait attaqué et qui avait riposté.

En 610 débuta le règne d’Héraclius qui s’affermit après sa victoire sur les Perses en 630. Alors qu’il entretenait avec eux de bonnes relations, l’empereur imposa le baptême aux Juifs par un édit de 634. Cette décision, vécue comme une catastrophe détruisit le reste de loyauté des Juifs envers l’Empire. Comment les blâmer d’avoir pris le parti des conquérants arabes et d’avoir combattu dans leurs rangs ? 

Une partie de l’Église était réservée sur la volonté de l’Empire de convertir les Juifs de force. Ceux qui continuaient à pratiquer leur culte risquaient d’apostasier à la première occasion et d’avoir une mauvaise influence sur la communauté. Et puis, depuis saint Augustin, les Juifs étaient utiles au christianisme en qualité de peuple témoin. 

Bien que le destin des Juifs dans l’Empire byzantin fut marqué par une volonté de conversion de l’État et de l’Église se traduisant par des lois et par l’enseignement du mépris, le judaïsme et même le prosélytisme juif restaient vivants grâce aux relations commerciales avec l’Afrique et l’Asie, où s’établit pour un temps le royaume des Khazars qui atteint son apogée au VIIIe siècle.

Il est surprenant de voir des historiens honorés pour leur érudition nier toute responsabilité à l’Église dans la condition faite au Juifs dans l’Empire byzantin, affirmer que les Chrétiens avaient considéré les Juifs comme peuple-témoin avant qu’Augustin n’eût inventé cette théorie, accuser les Juifs d’avoir massacré les chrétiens alors que l’immense majorité des victimes des conflits sanglants furent juives, présenter la Dispersion d’Israël comme une sanction de la crucifixion, alors que la Diaspora remonte à plusieurs centaines d’années avant le Christ. Que de mensonges, d’anachronismes et d’invraisemblances pour défendre l’Église.

En Occident – La situation des Juifs en occident après la chute de l’Empire fut contrastées. Les royaumes barbares qui s’établirent sur ses ruines traitèrent les Juifs comme des sujets romains dont ils ne se distinguaient que par la religion. Puis, ils reprirent à leur compte certaines lois romaines dont celles contre les juifs mais de façon moins rigoureuse.

En Italie, le Goth Théodoric – Théodoric, l’ostrogoth qui dirigeait l’Italie de la fin du Ve au début du VIe siècle était convaincu qu’on ne pouvait imposer de force une religion. Il appliqua donc le code de Théodose sans ajout. Cette modération lui valut une place de personnage diabolique dans la tradition médiévale.

Le pape Grégoire le Grand – Cent ans après Théodoric, le pape Grégoire Ier qui régna de 590 à 604 reprit une position proche de celle du Goth : le code de Théodose, dans ce qu’il avait de contraignant et de protecteur pour les Juifs. Il y ajouta une volonté de convertir par le prêche mais aussi par des avantages matériels tels que des baisses de droit de fermage ou l’aide aux indigents. Prêt à négliger la foi du converti, il misait sur celle de ses descendants.

Espagne visigothique – Alors que depuis la chute de l’Empire, l’Espagne était gouvernée par des rois Visigoths adeptes d’arianisme et relativement tolérants envers les Juifs, la conversion du roi Reccared au catholicisme à la fin du VIe siècle marqua une rupture. Désormais l’Eglise, en particulier l’évêque de Séville, eut une influence politique majeure. Reccared appliqua les décisions du IIIe concile de Tolède et rétablit les anciennes lois contre les juifs tombées en désuétude : interdiction de posséder des esclaves chrétiens, de se marier avec des chrétiens ou d’occuper une charge donnant autorité sur des chrétiens. Vers 615, le zélé et pieux roi Sisebut donna aux Juifs le choix entre la conversion et le bannissement. À Tolède, les conciles se succédaient rapidement et la situation des Juifs d’Espagne empirait : retrait des enfants baptisés à ceux qui refusaient eux-même le baptême, interdiction aux convertis de fréquenter ceux qui ne l’étaient pas sous peine d’être fouettés, obligation pour le roi de prêter serment de ne pas tolérer l’impiété juive, bûcher pour les juifs convertis ayant apostasié. En 681, le XIIe concile de Tolède décida que les Juifs devaient abjurer leur foi et recevoir le baptême. Le caractère répétitif de certaines dispositions traduit leur faible efficacité. 

Au VIIIe siècle quand l’armée de l’Islam envahit l’Espagne, les Juifs l’accueillirent en libératrice. Comment les en blâmer ? Mais affirmer que les Juifs ont livré l’Espagne aux Arabes comme le font certains apologistes chrétiens est un mensonge. Les traitres sont de hauts dignitaires et bons catholiques, le Comte Julien, exarque de Ceuta, et Oppas, l’archevêque de Séville. Les historiens catholiques ont retenu le nom des félons, rarement leur titre.

Gaule franque – Dans la Gaule franque, jusqu’au VIIe siècle, bien que les rois ne fussent pas ariens mais catholiques, le sort des Juifs était un peu meilleur qu’en Orient et qu’en Espagne. Soumis à des interdits moins radicaux, ils entretenaient avec les Chrétiens des relations plus cordiales. Mais à la fin du VIe siècle, l’Église se montra plus pressante. Les évêques d’Uzès, d’Arles, de Clermont, de Tour, pour éviter les conversions par la force, leur donnèrent le choix entre le baptême et l’exil. Histoire répétée à l’infini : parmi ceux qui se firent baptiser, beaucoup continuèrent à judaïser en cachette, tentant d’échapper au regard zélé des vrais convertis ou achetant le silence de prêtres. La population chrétienne quant à elle éprouve généralement de la sympathie pour ces voisins infortunés. 

Constatant le peu de conversion par le prêche, au début de VIIe siècle, le roi Dagobert emboitant le pas du clergé décida que les Juifs devaient se convertir ou s’expatrier. Que ce soit dans l’Empire byzantin avec Héraclius, en Espagne visigothique avec Sisebut ou en Gaule franque avec Dagobert, le début du VIIe siècle marqua une terrible dégradation de la condition des Juifs.  

L’époque carolingienne – On ne connait quasiment rien de la condition des Juifs entre le début du VIIe siècle et l’époque carolingienne, si ce n’est qu’il est vraisemblable que certains d’entre eux, non baptisés, soient restés en Gaule. Sous la dynastie carolingienne instaurée par Pépin de Bref, du milieu du XIIIe au milieu du IXe siècles, ils connurent une extraordinaire prospérité, notamment dans la région narbonnaise où ils étaient nombreux. Le système restrictif était peu appliqué et ils purent jouir du droit de propriété et faire du commerce avec l’Orient, notamment pour le compte des empereurs et des dignitaires religieux friands d’étoffes précieuses, de beaux cuirs et d’épices. Malgré des éléments historiques peu nombreux, la tradition juive a gardé la mémoire de la bienveillance de Charlemagne envers ceux que l’église traitait en parias.

Agobard contre les Juifs – Louis le Pieux, fils de Charlemagne, a laissé en revanche des écrits clairs sur sa volonté de traiter les Juifs comme ses autres sujets, tant en ce qui concerne le droit de propriété que la pratique de leur culte. L’empereur délivra à certaines personnalités du judaïsme des diplômes par lesquels il accordait sa protection et, à Lyon, il nomma un maître des Juifs, magister Judaeorum, pour les protéger. 

L’Eglise ne resta pas sans réaction. L’évêque de Lyon, Agobard, homme brillant et impétueux, adressa plusieurs lettres à l’empereur ainsi qu’à des hommes puissants pour les convaincre du bien fondé de son antijudaïsme. Il défendit l’affranchissement par le baptême des esclaves d’un maître juif, rappela les règles de l’Eglise à leur égard, fit courir des bruits concernant des enlèvements d’enfants, reprochant aux Juifs des commentaires de la Bible qui la dénaturent, des écrits blasphématoires contre le Christ et des superstitions. Enfin, dans une lettre à l’évêque de Narbonne, il affirma la nécessité d’éloigner les Chrétiens de tout contact avec les Juifs et avec leur prosélytisme.

À l’époque où l’antisémitisme populaire n’existait pas et où les gens du peuple étaient parfois séduits par la cohérence et la simplicité du judaïsme, les textes d’Agobard illustrent l’enseignement du mépris visant le système d’avilissement. Si l’énergie déployée par l’évêque ne fit pas fléchir l’empereur, de tels mots ne furent pas sans conséquence sur les drames qu’ont traversé l’histoire des Juifs dans les siècles qui suivirent, des pogroms au génocide.

Formes diverses d’antijudaïsme chrétien – Laissons de côté Agobard et recherchons la position de l’Église relative aux Juifs dans les écrits de Grégoire le Grand, pape mesuré, légaliste et opposé à la conversion forcée. Sous sa plume réputée modérée, on retrouve les griefs traditionnels faits aux Juifs : peuple orgueilleux aveugle à la vérité et à l’Incarnation ne voulant voir en Jésus qu’un homme, peuple charnel allié du Diable dans son combat contre le christianisme. Grégoire assimile peuple juif à l’ensemble des ennemis de l’Église et présente sa Dispersion comme une punition pour son incroyance et pour la persécution des apôtres. Ces arguments ont motivé la violence de personnages plus impétueux que la pape Grégoire.

En ce même VIe siècle, alors que la foi juive restait insensible aux prêches chrétiens, les écrivains d’Église inventèrent, comme consolation, toutes sortes de récits de conversions miraculeuses, avec intervention de la Vierge ou suite à un exorcisme, mettant également en scène la violence des Juifs envers leurs apostats. 

« Oremus et pro perfidis Judaeis » – Alors que l’ancienne liturgie chrétienne comprenait plusieurs prières pour les Juifs, aux alentours du VIIe siècle, seule subsistait celle du vendredi saint : pro perfidis Judaeis, pour les Juifs perfides. Elle s’insérait parmi les autres oraisons, dites pour tous les hommes, païens, hérétiques,  schismatiques, infidèles, fidèles… Au IXe siècle fut précisé dans les missels qu’après le pro perfidis Judaeis, il ne fallait ni se mettre à genoux ni dire Amen, contrairement à ce qui se faisait pour les autres oraisons.

L’Église justifia ces offenses par des explications bien peu crédibles :

  • en essayant de jouer sur les mots, la traduction de perfidis ne serait pas perfides mais infidèles,

  • les juifs se seraient agenouillés devant le Christ par dérision et il convient de ne pas faire de même pour eux. Or, les Évangiles indiquent que ce sont les Romains non les Juifs qui se moquèrent du Christ en s’agenouillant devant lui,

  • la génuflexion aurait été retirée pour éviter les émeutes dues au ressentiment populaire contre les Juifs.  Le manuscrit du Xe siècle, appelé Sacramentaire de Saint-Vast, qui fonde cette affirmation a été mal traduit à dessein. Il est en outre peu probable que la liturgie se fût pliée à la pression populaire. Enfin, il n’existait pas pas d’antijudaïsme populaire à cette époque et, au désespoir de l’Église, de nombreux chrétiens étaient judaïsants, séduits par le discours des rabbins plus que par celui des prêtres.

Il est vraisemblable que ces pratiques, qui n’ont été abandonnées que dans la seconde moitié du XXe siècle, furent établies par l’Église, dans son élaboration de l’enseignement du mépris, afin de mettre l’antijudaïsme dans le coeur de ses fidèles et de les tenir éloignés des Juifs. Les résultats ont dépassé les espérances.

De l’ « Oremus » aux « Impropères » – L’enseignement du mépris prend une place de plus en plus importante dans la liturgie. Les missels regorgent de phrases dégradantes pour les Juifs et la semaine sainte constitue un point d’orgue. Le vendredi saint, après les oraisons, viennent les Impropères. Le texte, chanté, met dans la bouche du Christ une suite de reproches envers les Juifs : malgré ses bienfaits, ils l’ont humilié, torturé, fait crucifier. Les paroles sont émouvantes, qu’importe si elles contredisent l’Ancien et le Nouveau testaments, si elles accusent les Juifs d’humiliations que les Évangiles disent avoir été commises par les Romains, si elles attribuent à Jésus des actions de Moïse, comme la sortie des Hébreux d’Égypte, et réalisent une synthèse des deux personnages. Dans l’enseignement du mépris, qu’importent la cohérence et la vérité. 

Cette liturgie, répétée de génération en génération, a gravé durablement le mépris des Juifs dans le subconscient chrétien.

Au terme du premier millénaire – Trois ans après la mort de Louis le Pieux, le traité de Verdun, en 843, partagea l’empire carolingien entre ses trois fils. Charles le Chauve devint roi de la Francie occidentale et continua de protéger les juifs. Lothaire, héritier de la couronne d’empereur, favorisa au contraire l’Église dans sa mission de conversion. Quant à Louis le germanique, on ne sait rien de son attitude vis à vis du judaïsme. L’action du clergé resta inchangée. À Lyon l’évêque Amolon succéda à Agobard et poursuivit sur le même chemin. Pour ces deux personnages emblématiques, combien d’anonymes ?

Du milieu du IXe siècle à l’an 1000, la société vacille sous les assauts des Normands au Nord, des Sarrasins au Sud et des Magyars à l’Est. L’État se dissout au profit de seigneurs capables de protéger la population locale. Ainsi naquit le régime féodal.

Pendant cette première Grande peur qui saisit le royaume, l’Église vint à occuper une place prépondérante dans les esprits et désigna les Juifs comme responsables de bien des catastrophes, à des populations qui ne montraient aucune hostilité envers eux. On les accusa d’avoir livré Bordeaux aux Normands et Toulouse aux Sarrasins. Qu’importait que les Sarrasins n’eurent pas pris Toulouse. Les humiliations s’ajoutaient aux accusations. À Toulouse, chaque vendredi saint, le chef de la communauté juive recevait un soufflet devant la cathédrale, pratique connue sous le nom de colaphisation. À Bézier, les Chrétiens pouvaient jeter des pierres aux Juifs le jour des Rameaux et à Narbonne Charles le Simple attribua à l’Église des terres appartenant à des juifs. Au Xe siècle, la position de l’Église vis-à-vis des Juifs resta inchangée sous la plume du pape Léon VII : prêcher l’Évangile et chasser les incrédules.

Si le sort des juifs s’est aggravé en ce Xe siècle, leur foi restait puissante. Le Judaïsme n’avait pas perdu son prestige qui conduisait à des conversions retentissantes. En terre chrétienne comme en terre musulmane de nouvelles écoles bibliques et talmudiques se créèrent, traduisant une ferveur intacte.

CONCLUSION

Contrairement à ce qu’affirment nombre d’historiens de l’Église, l’antisémitisme chrétien n’a pas une origine populaire. Il a d’abord été initié par les Pères de l’Église puis, à partir du IVe siècle, Rome et la hiérarchie épiscopale, inquiètes des trop bonnes relations entre Chrétiens et Juifs, voire de l’attirance d’une partie de leurs fidèles pour le judaïsme, ont mis en place l’enseignement du mépris pour lutter contre cette religion qu’ils considéraient faire obstacle au développement du christianisme. Fondé sur la thèse du peuple déicide, cet enseignement a donné lieu à des humiliations et des exclusions que l’on peut qualifier de système d’avilissement.

Au cours de ce premier millénaire, le sort des Juifs aura dépendu de la résistance du monarque à la pression de l’Église. Leur sort ne s’améliora pas dans les siècles qui suivirent où ils furent obligés de pratiquer le prêt, nommé alors l’usure, pour financer les Croisades ce qui leur valu l’opprobre de la population.

Jésus et Israël ainsi que le présent ouvrage ont pour vocation d’exhumer les origines de l’antisémitisme chrétien dans l’espoir d’une prise de conscience et d’un apaisement.

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Une réflexion sur “Genèse de l’antisémitisme – Jules Isaac

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