Wilhelm Reich (1897 – 1957)
Wilhelm Reich est un des principaux penseurs de la révolution sexuelle des années 1970. Il prône une sexualité libérée et saine depuis l’enfance. Il pense que l’homme accumule une libido qu’il doit libérer par des actes sexuels satisfaisants sous peine de produire des stases qui le conduisent à des maladies psychologiques comme les névroses, physiologiques, comme le cancer, ou sociales comme de fascisme. Il affirmera également que le monde est mu par une énergie cosmique, l’orgone, qu’il tentera d’accumuler dans des caissons pour guérir ses patients. Il tentera également de faire pleuvoir dans des régions arides à l’aide de son briseur de nuage. Il sombrera dans la folie après avoir été persécuté par les nazis, les communistes et la droite américaine suite à son installation aux Etats Unis.
Dans Ecoute, petit homme ! Wilhelm Reich s’adresse, sous le nom de petit homme, aux hommes moyens qui par leur lâcheté et leur mesquinerie suivent les idéologies totalitaires sans volonté de construire leur propre pensée. Le petit homme, en ne visant que sa sécurité et la défense de ses intérêts, en s’opposant au progrès et à la liberté, entretient son propre malheur, celui de sa famille et des membres de la société. Wilhelm Reich fait le bilan d’un médecin qui a voué sa vie à soulager la misère psychologique de ses contemporains, notamment leur misère sexuelle. Le petit homme est venu le consulter souvent et sans contre-partie. Il a été élogieux pour le jeune et brillant psychanalyste avant de le trahir, de le diffamer et d’attaquer ses théories au nom de l’idéologie totalitaire d’un führer ou d’un père du peuple. Mais le petit homme n’a plus de secret pour Wilhelm Reich, il l’a vu nu.
Le texte est un dialogue imaginaire dans lequel Wilhelm Reich admoneste le petit homme qui lui répond par de courtes phrases qui lui permettent de développer son propos et de répondre aux calomnies dont il a été l’objet et qui concernaient principalement :
- ses positions politiques et de prétendues activités d’espionnage pour l’Allemagne ou la Russie,
- ses moeurs et de prétendues relations avec des enfants, des femmes ou avec des hommes.
Les principaux reproches qu’il fait au petit homme sont :
- sa peur de la liberté qu’il est incapable de conserver. Après avoir démis un tyran, il fait de son libérateur un nouveau maître et le laisse transformer l’idéal de liberté personnelle en liberté nationale, celui de grandeur personnelle en grandeur nationale. Le petit homme reste ainsi dans son bourbier mais crie heil, heil ou viva, viva, refusant de prendre en charge son destin. Il a ainsi permis les drames du XXe siècle, préférant souscrire aux totalitarismes que de s’y opposer,
- son opposition à une sexualité saine et naturelle. La sexualité réprimée qu’il connait et qu’il défend fait son malheur, celui de sa femme et de ses enfants. Elle est la cause de maladies psychologiques, telles que des névroses et des phobies, ou de maladies physiologiques comme le cancer. Le petit homme est travaillé par des pensées obscènes qui se traduisent dans ses plaisanteries, ses comportements ainsi que dans les intentions perverses qu’il prête à ceux qui connaissent le bonheur sexuel et la vie saine,
- sa conviction que les problèmes sexuels se résoudront d’eux mêmes dans le cadre du régime politique totalitaire qu’il soutient. Le viol à grande échelle des femmes allemandes par les troupes soviétiques lors de la seconde guerre mondiale a fait la preuve du contraire concernant le marxisme,
- son attachement au certificat de mariage tout en ignorant le véritable amour de sa femme. Il vénère Jesus et Marie sans voir en elle la fille mère,
- son absence de réflexion politique. Il désigne les juifs comme responsables de ses problèmes sans savoir pourquoi ni ce qu’est réellement un juif. Il refuse de se forger son opinion par mépris de lui même qui suis-je pour avoir une opinion ? et accorde une confiance aveugle à l’idéologie dominante,
- son hostilité vis à vis du progrès lorsque celui-ci remet en cause ses intérêts. Toutefois, il sera prompt à qualifier le chercheur de génie dès que ses découvertes auront été validées par des articles de presse dans laquelle il a toute confiance
- son aptitude à prendre sans savoir donner : Tu ne désire être qu’un consommateur et un patriote.
Si malgré les attaques dont il été l’objet Wilhelm Reich veut encore faire avancer la société, ce n’est par pour le petit homme mais pour la grandeur qui est en lui et qui se réveillera dans les siècles voire les millénaires à venir. Ce réveil suppose que nous prenions conscience de la valeur de notre opinion personnelle et que nous la laissions nous guider. Il nous appartient également de donner congé aux tyrans ou aux hommes politiques qui veulent penser à la place du peuple.
Citations du texte :
- Le grand homme souffre à ta place, non parce que tes méfaits sont grands mais parce qu’ils sont mesquins. Il aimerait savoir ce qui te pousse à faire certaines choses, à salir un conjoint qui t’a déçu, à tourmenter un enfant qui déplaît à un méchant voisin, à railler ou à exploiter une personne aimable, à prendre où l’on donne, à donner où l’on exige, mais à ne jamais donner là où l’on te donne avec amour ; à donner le coup de pied de l’âne à l’homme qui tombe ou qui est sur le point de tomber ; à mentir quand il faudrait dire la vérité, à persécuter toujours la vérité et non le mensonge. Tu es toujours du côté des persécuteurs, petit homme !
- Je suis un métis biologique et culturel, je suis fier d’être le produit intellectuel et physique de toutes les classes, races et nations, de ne pas appartenir, comme toi, à une « race pure », de ne pas être un chauvin comme toi, de ne pas être le petit fasciste de toutes les nations, races et classes.
- Un homme se présente et te parle de l’économie sexuelle, science faite pour te comprendre et t’aider. Elle voudrait que tu vives ta sexualité la nuit pour ne pas en être obsédé le jour et pour te permettre d’accomplir ta tâche. Elle voudrait que ta femme soit heureuse dans tes bras et non désespérée. Elle voudrait que tes enfants soient roses et non pâles ; aimants et non cruels. Mais quand on te parle de la sexualité, tu t’écries : » Le sexe n’est pas tout dans la vie. Il y a dans la vie des choses bien plus importantes ! » Voilà comment tu réagis, petit homme !
- Tu avais le choix entre la montée aux cimes pour devenir le « surhomme » de Nietzsche et la descente pour devenir le « sous-homme » d’Hitler. Tu as crié « Heil » et tu as choisi l’Untermensch.