Commentaire de lecture de 1984 part.1

cropped-cropped-anciennemachineLes fondements de la dictature dans Mille neuf cent-quatre-vingt-quatre de Georges Orwell

Lors de sa publication en 1949, Mille neuf cent-quatre-vingt-quatre était une œuvre de science fiction. Désormais, l’essentiel de ce qui relevait de la pure imagination est devenu possible. En particulier, les progrès de la vidéo et la disparition progressive du papier au profit de documents dématérialisés rendent techniquement envisageables la surveillance quasi-permanente de la population et la modification des publications aussi souvent que nécessaire pour présenter le pouvoir comme infaillible.

Le péril totalitaire décrit par George Orwell est ainsi devenu possible.

Aussi, il m’est apparu utile de proposer une synthèse des moyens mis en oeuvre pour assoir la dictature du Parti et de Big Brother, à titre de vaccin, pour fournir des repères à l’aune desquels pourront être comparés les tendances et les évolutions de notre société. Chacun de ces moyens est regroupé sous l’une des trois devises de l’Océania en forme d’oxymore.

L’ignorance c’est la force

  • la limitation du langage par le développement du Novlangue dans le but de priver la pensée humaine de mots capables de véhiculer des idées et des concepts subversifs,
  • la manipulation de l’opinion publique notamment par :
    • le caractère divin donné à Big Brother dont l’affiche est partout, dont on entend les discours, mais que personne n’a jamais rencontré puisqu’il n’est qu’une création, la personnification du Parti,
    • l’invitation faite à la population de manifester de la haine, élevée au rang de valeur morale, l’encontre d’un ennemi intérieur, Emmanuel Goldstein, inventé par le Parti,
    • la diffusion de propagande en continu au moyen des télécrans, postes emetteurs et récepteurs impossibles à éteindre dont sont dotés les lieux publics et les logements des membres du Parti,
  • la formation des membres du Parti, dès leur plus jeune âge à :
    • l’arrêtducrime, ou capacité de stopper la poursuite d’une pensée hérétique,
    • la doublepensée, ou capacité de faire coéxister dans un même esprit deux pensées contradictoires,
    • la dénonciation des actes suspects, même de la part de ses propres parents,
  • la privation de la population océanienne d’éléments de comparaison pour juger de sa condition grâce à :
    • l’organisation de la disparition de toute information directe sur la période antérieure à la Révolution et la diffusion, concernant cette période, d’une description impriécise d’un état de servitude de la majorité au profit d’une minorité,
    • la falsification du passé postérieur à la Révolution par la modification continuelle de l’ensemble des publications de façon à ce que le Parti et Big Brother paraissent infaillibles,
    • l’organisation de l’absence totale d’information concernant les régimes politiques des autres puissances du monde,
    • le maintien des prolétaires dans une ignorence qui exclut toute possibilité de révolte collective,
  • l’ignorance concernant le sort des personnes accusées d’être des opposants au Parti, qui pour la plupart disparaissent définitivement après leur arrestation,
  • le contrôle de la culture par la fabrication par l’Etat d’œuvres destinées à éviter toute réflexion,

La guerre c’est la paix

  • le maintien d’un état de guerre permanent destiné à utiliser les surplus de production sans enrichir ni instruire les classes les plus pauvres et ainsi conserver une société hierarchisée stable,
  • la chute régulière de bombes fusées dans les quartiers des prolétaires de Londres afin de les sensibiliser à la guerre, de maintenir une atmosphère de crise et de terreur, et d’attiser la haine envers l’ennemi.

La liberté c’est l’esclavage

  • la disparition de l’individu au profit d’un Parti tout puissant et immortel, notamment par :
    • le remplacement de l’amour charnel par le devoir de procréer,
    • la disparition des émotions et des sentiments familiaux et amicaux au profit de l’ivresse du pouvoir,
  • la surveillance permanente des membres du Parti afin qu’ils ne manifestent, même inconsciemment, aucun signe d’opposition, sous peine d’être arrêtés et de voir disparaître toute trace de leur existence,
  • la rééducation de l’esprit insoumis des personnes arrêtées afin de ne pas faire de martyrs, comme jadis l’Inquisition ou le communisme russe. Ainsi, ce n’est pas un impénitent qui est éliminé mais un individu qui s’est mis à aimer le Parti et Big Brother et comprend la nécessité de son sort.

*

On est frappé de constater que la société océanienne constitue une solution particulière de la mise en œuvre des outils du tyran énumérés dans le Discours de la servitude volontaire par La Boêtie. Rappelons les :

  • veiller à l’abêtissement de son peuple par des jeux, des distractions malsaines ou stupides,
  • entretenir son avilissement par de courts moments de fausse prodigalité qui n’est en fait que la redistribution d’une infime partie de ce qu’il s’est approprié indument,
  • s’assurer la confiance du peuple en prononçant des discours sur le bien public avant de commettre ses crimes les plus graves,
    utiliser la religion et donner un caractère divin à son personnage par exemple en raréfiant ses apparitions et en organisant des mises en scène grandioses et mystérieuses,
  • le principal moyen est toutefois la mise en place d’une structure pyramidale : cinq ou six proches, les complices, détiennent le pouvoir et ont une réelle influence sur le tyran. Ils corrompent six cents hommes qu’ils font profiter de leur générosité. Ces six cents procurent des avantages à 6000 autres, moins influents et ainsi de suite jusqu’à ce que la densité de personnes qui profitent de l’organisation soit suffisante pour assurer la stabilité de l’édifice.

Des compléments ont certes été ajoutés ce qui montre que les tyrans aussi ont de l’imagination et de la fantaisie.

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