Luc Ferry
Cet ouvrage, traite des évolutions que les nouvelles technologies s’apprêtent à faire subir à l’homme et à l’organisation de la société sous couvert d’humanisme et de partage. Il n’est pas certain que l’altruisme soit un guide dans ces domaines …
Résumé – La révolution transhumaniste – Luc Ferry
Introduction – La convergence des NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitivisme) dont le développement s’accélère en permanence va bouleverser nos vies et l’espèce humaine tout entière. Le mouvement transhumaniste, qui rassemble des scientifiques, des philosophes et des acteurs de l’économie numérique comme Google, est en plein travail. Les pistes sont multiples, depuis l’allongement de la vie par la réparation de tissus lésés et de gènes défaillants, jusqu’à la création d’une nouvelle espèce issue de l’hybridation homme-machine, décuplant les capacités humaines. La médecine ne visera alors plus seulement à guérir mais aussi et surtout à améliorer, à augmenter les capacités des individus.
Après l’effroi, il faut reconnaitre que le sujet est complexe. Tout d’abord, la limite entre thérapeutique et amélioration est floue : où classer la vaccination, la chirurgie esthétique ? Ensuite, peut-on refuser à un patient l’implantation d’un équipement qui lui rendrait par exemple la vue ? En revanche, on ne peut ignorer les problèmes majeurs liés à l’allongement de la vie : surpopulation, nouveau rapport à la vie… Le débat fait rage entre les bioprogressistes, qui attendent de grands bienfaits de la science et ne veulent pas laisser l’exclusivité de son utilisation à des dictatures peu préoccupées par l’éthique, et les bioconservateurs qui refusent cette compétition et veulent limiter l’usage des NBIC à la thérapeutique et à la sphère sociale.
Par ailleurs, il parait légitime de rapprocher le transhumanisme et l’économie dite collaborative, représentée principalement par des sociétés telles que Uber, Airbnb, BlaBlaCar, compte tenu des liens profonds qui les unissent : sur le plan technique, l’utilisation des mêmes infrastructures, sur le plan philosophique la défense de la liberté de choix, sur le plan politique un libéralisme teinté de sociale démocratie, sur le plan sociétal le rejet des traditions et des héritages jusque là intangibles.
Finalement la question n’est pas d’être pour ou contre les applications des NBIC dont la progression est inéluctable, mais comment les réguler pour en tirer le meilleur parti. L’objet de l’ouvrage est donc d’informer sur ces bouleversements encore presque insensibles en Europe et d’en présenter la nature et les enjeux.
Résumé – La révolution transhumaniste – Luc Ferry
CHAPITRE I – Qu’est-ce que le transhumanisme – Il s’agit du vaste projet d’amélioration de l’humanité actuelle sur tous les plans, physique, intellectuel, émotionnel et moral, grâce aux progrès des sciences et en particulier des biotechnologies.
En 2012, dans Le manifeste du transhumanisme, Max More et Nick Bostrom, deux des pères fondateurs du mouvement, en définissent les objectifs et les principes. On retiendra :
- l’élargissement du potentiel humain, grâce à la science et à la technologie, en surmontant le vieillissement, les lacunes cognitives, la souffrance et notre isolement sur la planète Terre,
- la nécessité du débat et de la concertation afin que les avancées soient guidées par une vision morale et fédératrice ainsi que par les intérêts des générations futures,
- la lutte contre les utilisations abusives de la technologies pouvant conduire à l’extinction de l’espèce,
- la défense du bien être de toute forme d’intelligence, humaine, animale ou issue de la technologie,
- la liberté d’utiliser ou non la technologie pour prolonger sa vie ou améliorer ses facultés.
Le transhumanisme est l’héritier à la fois des Lumières affirmant la perfectibilité humaine et refusant d’enfermer l’individu dans une nature rigide, de l’optimisme scientiste qui s’est développé à la même époque, de la science-fiction et de la contre-culture des années 1960, féministe, écologiste et libertaire.
Humanisme et post-humanisme – Deux principaux courants se côtoient au sein du mouvement. Le transhumanisme biologique vise, à la manière décrite par Condorcet dans l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, l’amélioration des capacités naturelles de l’homme. Le transhumanisme cybernétique ou de la singularité, dont la figure emblématique est Ray Kurzweil, patron de l’Université de la singularité financée par Google, vise la création d’une nouvelle espèce par l’hybridation homme-machine. Les tenants de ce courant croient à la possibilité d’aboutir à l’intelligence artificielle forte, c’est-à-dire au fait que des machines suffisamment complexes pourront accéder aux émotions et à la conscience et qu’il sera un jour possible de séparer l’intelligence et les émotions du corps biologique pour les sauvegarder sur des supports informatiques reliés en réseau. Le premier transhumanisme vise à rendre l’humain plus intensément humain, le second, qu’on peut qualifier de posthumanisme, à créer une autre forme d’intelligence.
Du transhumanisme biologique au posthumanisme cybernétique : vers la fin de l’humanité? – Le posthumanisme cybernétique rêve d’une humanité dématérialisée, connectée en une intelligence globale et surpuissante. Elle est proche en cela de l’écologie profonde qui conçoit l’humanité comme l’organe de la conscience de Gaïa, l’être vivant qu’est la Terre. Ce posthumanisme de la singularité, mot désignant le point à partir duquel l’homme sera supplanté par les machines, considère dans la pure tradition matérialiste que puisque la différence entre l’esprit et la matière est de degré et non de nature, une connaissance suffisante du cerveau permettra de reproduire l’esprit humain sur un support différent. Ces hypothèses défendues par la majorité des spécialistes de l’intelligence artificielle ne sont encore que des spéculations mais soulignons que si ces machines devaient acquérir une conscience, dans une logique darwinienne, elles voudraient éliminer ce qui les menace et peut les détruire : les êtres humains. Dans cette perspective, un millier de scientifiques dont Bill Gates et Stephen Hawking ont signé une pétition en 2015 concernant les dangers de l’intelligence artificielle pour la création des robots tueurs qui pourraient décider eux-mêmes qui doit vivre ou mourir.
Esquisse d’un type idéal du transhumanisme – Déclinons les caractéristiques du transhumanisme :
- un eugénisme éthique, qui propose de passer de la chance au choix, de réparer les injustices de la nature en corrigeant les gènes pathogènes et en améliorant les capacités individuelles. Ainsi, une correction interne des inégalités remplacerait la prise en charge par la société des individus lésés par la nature. Cet eugénisme permettrait également d’améliorer le patrimoine génétique humain menacé de dégradation depuis que la sélection darwinienne n’est plus opérante dans nos sociétés médicalisées,
- un antinaturalisme considérant que le patrimoine génétique de l’homme n’est pas sacré et qu’il est légitime de chercher à améliorer ses conditions de vie par la technique,
- la quête de la vie sans fin par la suppression des causes de la mort internes à l’organisme grâce à l’eugénisme choisi, aux nanotechnologies permettant la détection et le traitement précoce des maladies et à l’hybridation homme-machine augmentant les capacités individuelles,
- un optimisme techno-scientifique inébranlable, une foi dans la possibilité de résoudre tous les problèmes du monde, médicaux, sociaux, politiques… grâce aux technologies, croyance nommée solutionnisme,
- un rationalisme matérialiste, déterministe et athée réduisant l’homme à sa biologie et permettant de viser sa reproduction par la technologie,
- une éthique à la fois libertaire, sociale-démocrate, néolibérale et utilitariste, revendiquant la liberté de choix individuel concernant l’accès aux nouvelles technologies, concernée par le traitement des problèmes sociaux et ayant pour objectif principal d’apporter le plus de bonheur au plus grand nombre d’êtres susceptibles d’éprouver du plaisir et de la souffrance, machines intelligentes et animaux compris,
- une idéologie déconstructionniste, égalitariste, antispéciste et proécologiste rejetant l’anthropocentrisme et ne retenant de l’humanisme que l’esprit critique, la liberté, l’égalitarisme, les droits de l’homme,
- une invitation à la prudence, à la démocratie et au débat pour traiter de façon concertée les questions posées par l’utilisation des technologies.
Résumé – La révolution transhumaniste – Luc Ferry
CHAPITRE II – L’antinomie des biotechnologies, bioconservateurs contre bioprogressistes – Le débat peut être résumé comme suit : les bioconservateurs avancent que l’être humain est le résultat d’un équilibre issu d’une longue évolution, voire le chef d’œuvre d’un créateur, et qu’à ce titre, toucher à son génome présentent des risques déraisonnables ; les bioprogressistes répondent que le résultat de l’évolution est un bricolage dû au hasard et que rien ne doit interdire d’améliorer la vie des êtres humains.
Les critiques de Francis Fukuyama – Le philosophe américain oppose trois objections au transhumanisme :
- comme le pensent les religions mais aussi de nombreux laïcs, le fondement de notre éthique s’inscrit dans la nature humaine. Modifier notre génome compromettrait notre nature donc notre morale. Toutefois, inspiré de l’idée d’Aristote que les fins morales sont domiciliées dans la nature, cet argument ne contient aucune démonstration et nie la capacité de l’homme de juger pour établir sa propre morale,
- les choix individuels impliquent toute la société. Par exemple, vivre plus vieux signifierait vivre plus longtemps avec des capacités réduites, donc à la charge de la société. Argument effrayant : à quel âge faudrait-il arrêter de soigner les personnes ? Ne doit-on pas soigner les fumeurs atteints d’un cancer ?
- l’évolution aurait rendu les hommes biologiquement altruistes comme l’affirment certains néodarwiniens. Modifier le génome anéantirait le résultat de ce processus. L’examen de l’histoire permet pourtant de douter du caractère biologique de l’altruisme humain qui semble plutôt un acquis lié à la civilisation.
Les critiques de Michael Sandel – Les principales objections au transhumanisme qu’émet le philosophe américain Michael Sandel portent sur :
- la perte de trois valeurs morales indispensables à la vie commune :
- la maîtrise toujours plus grande des caractéristiques humaines nous ferait perdre notre humilité c’est-à-dire la gratitude pour ce qui est donné, que ce soit par Dieu ou par la nature, et notre capacité d’accepter ce qui n’est pas souhaité,
- notre innocence envers nos enfants se transformerait en une immense responsabilité, puisqu’ils seraient le résultat des choix que nous aurions faits pour eux ;
- la solidarité, qui se justifie par le caractère imprévisible de la vie, disparaitrait compte tenu de la responsabilité de chacun et de ses parents sur sa condition individuelle,
- l’apparition de deux humanités, telles Cro-Magnon et Néandertal, l’une bénéficiant de technologies couteuses et se développant de façon exponentielle, l’autre restée en arrière qui en serait privée,
- les risques de l’utilisation de ces technologies par des dictatures ou à des fins terroristes.
Les critiques de Jürgen Habermas – Le philosophe allemand Jürgen Habermas envisage la modification du génome sous l’angle de l’enfant dont la liberté a été entravée par le choix de ses parents : il souhaitait être musicien et ils lui ont donné un don pour les mathématiques. Alors qu’un individu peut prendre du recul et même rejeter son éducation et les valeurs qui lui ont été transmises, il ne peut rejeter les gènes qui le déterminent. Habermas en conclut la nécessité de limiter les manipulations génétiques aux fins thérapeutiques, aucun enfant n’étant susceptible de reprocher à ses parents de lui avoir évité une maladie grave.
Toutefois, on peut apporter les réponses suivantes aux arguments d’Habermas :
- il est peu probable que la génétique permette un jour de programmer un don pour la musique ou les mathématiques. Le transhumanisme vise une amélioration générale de l’individu,
- rien ne justifie la caractère prépondérant du génome sur l’éducation transmise par les parents,
- à partir du moment où la technique le permet, augmenter les capacités des enfants est un choix qu’ils peuvent reprocher à leurs parents au même titre que de ne pas avoir fait ce choix,
- rien ne justifie de ne pas lutter contre les maux non-pathologiques que sont la vieillesse et la mort,
- Habermas confond situation et détermination au sens sartrien : le patrimoine génétique comme l’éducation font partie de la situation dans laquelle se trouve un enfant, d’où il exercera quoi qu’il en soit sa liberté humaine, que certains éléments de sa situation aient ou non été choisis par ses parents.
Synthèse des objections au transhumanisme – Les principaux arguments des bioconservateurs portent sur :
- la surpopulation et la nécessité de réglementer les naissances,
- le financement des retraites et de la fin de vie suite au vieillissement de la population,
- les inégalités en matière d’accès à des soins, l’augmentation extraordinaire des dépenses de santé, la médecine visant l’amélioration des individus s’ajoutant à la médecine curative,
- le risque de produire deux humanités, l’une ayant accès aux nouvelles technologies, l’autre pas,
- le risque de terrorisme technologique ou que des dictatures améliorent le QI de leurs citoyens,
- la perte d’identité de l’espèce humaine induisant la disparition de sa morale et de ses droits propres,
- la perte du sens de la vie humaine par la perte de volonté d’agir au cours d’une vie infiniment longue,
- le risque de destruction de ce qui resterait d’humanité par des machines dotées de l’intelligence artificielle forte ayant identifié dans les hommes leurs principales menaces d’anéantissement.
Les limites du matérialisme transhumaniste – La thèse du transhumanisme de la singularité repose sur l’hypothèse matérialiste que l’esprit est de même nature que la matière et que l’esprit humain pourra être reproduit avec de la matière organisée. Or cette thèse, comme la thèse contraire, sont non scientifiques au sens de Popper car elles ne sont pas réfutables. Il est impossible de démontrer que ce que nous faisons est déterminé à l’avance donc reproductible par une machine ou bien s’il est le résultat de notre libre arbitre. En outre, cette pensée matérialiste est contradictoire : si tout effet a une cause, qu’en est-il du début de la chaîne, de ce que Leibniz nomme la cause première ? Ainsi, le transhumanisme de la singularité reste une utopie matérialiste fondée sur une croyance métaphysique, non-scientifique et contradictoire.
Résumé – La révolution transhumaniste – Luc Ferry
CHAPITRE III – L’économie collaborative et l’ubériqation du monde – Internet a bouleversé l’économie, créant des réseaux supranationaux, mettant en contact des particuliers en court-circuitant les professionnels. Selon Jeremy Rifkin, venu de la gauche libertaire, ce nouveau modèle dit collaboratif pourrait faire disparaitre le capitalisme.
Les trois révolutions industrielles – A la fin du XVIIIe siècle, l’association de la machine à vapeur et de l’imprimerie permit l’essor de l’industrie, du chemin de fer, de la presse et de l’instruction publique grâce à la diffusion des livres. Un siècle plus tard, le moteur à explosion et l’électromagnétisme permirent le développement de la radio, du téléphone, du télégramme et des moyens de transports par route. Enfin, selon Rifkin, nous vivons la troisième révolution industrielle, alliant énergies renouvelables décarbonées et réseaux de communications, qui accouchera d’une société post-capitaliste basée sur la partage et la gratuité.
Quatre Internet – Rifkin définit :
- l’Internet de la communication, utilisé couramment sur les ordinateurs,
- l’Internet de l’énergie désignant des communautés, immeubles, villages, régions, reliées en réseau, produisant et échangeant de l’énergie décarbonée quasi-gratuite après amortissement des infrastructures,
- l’Internet de la logistique consistant, suivant les recommandations des spécialistes, à supprimer le gâchis lié à une gestion non-optimisée des véhicules et des entrepôts en faisant progresser les marchandises de centre de distribution en centre de distribution jusqu’à leur destination par des chauffeurs et des véhicules différents à chaque étape, afin de supprimer les trajets à vide ou à charge partielle,
- l’Internet des objets connectés qui vont envahir notre quotidien pour optimiser l’efficacité des trois Internet précédents dans une optique d’amélioration du bien-être global de la planète.
La longue traine et le coût marginal zéro – Le coût marginal zéro est un concept lié au fait qu’une fois amorties les infrastructures informatiques, la distribution de produits dématérialisés ne coûte plus rien : pas de boutique, de manutention, ni de stockage. Seulement quelques clics du client. Ainsi, il est possible de proposer en plus des bestsellers, des produits démodés ou marginaux. Or, il apparait que la longue traine des ventes de ces produits alternatifs rapporte plus que celles des articles en vue. Ce concept fonctionne aussi pour des sociétés qui, comme Amazon, vendent également des articles réels : la gestion des stocks, l’absence de magasin et le nombre restreint d’employés réduisent considérablement le coût marginal.
Le prix du gratuit – Pour faire fortune avec du gratuit, la solution classique, inventée par Gillette au début du XXe siècle, consiste à donner ou vendre à perte un équipement, un rasoir, un téléphone ou une cafetière et de faire une grosse marge sur les consommables : les lames, les forfaits ou les capsules. La seconde solution, adoptée par les acteurs de l’économie numérique, tels que Google ou Facebook, consiste à fournir un service gratuit aux particuliers en collectant des données personnelles, le big data, puis à les revendre à des sociétés qui veulent cibler leurs publicités ou réaliser des études de marché. Jean Tirole nomme cela le marché biface : gratuit d’un côté, payant de l’autre.
Les données personnelles collectées, qui constituent aujourd’hui l’essentiel des actifs vertigineux des géants du numérique, sont analysées par des algorithmes sophistiqués sans aucune garantie de confidentialité. Il sera bientôt envisageable qu’une société d’assurance puisse vérifier l’état de santé d’un client ou un employeur l’engagement politique d’un postulant. Selon Tim Cook si c’est gratuit c’est que c’est vous le produit. Une question très sérieuse se pose : sommes nous prêts à renoncer à une partie de notre liberté contre l’augmentation de la durée de notre vie comme le promet Google ?
La fin du capitalisme ? – Certains, comme Rifkin, voient dans le développement des Internet l’avènement d’une économie de partage fondée sur le coût marginal zéro. D’autres, plus réalistes, l’interprètent comme une victoire de l’ultralibéralisme : Blablacar, UberPop et Airbnb ont fait passer dans la sphère commerciale l’autostop et l’échange de logements, pratiques hier marginales et gratuites ; les compagnies aériennes ou les distributeurs low-cost confient à leurs clients les formalités d’enregistrement et le scan des articles, réalisés hier par leurs salariés. Ces sociétés s’affranchissent ainsi de la règlementation : les chauffeurs Blablacar et UberPop ne sont soumis à aucune règle de repos ni de compétence, les logements Airbnb ne sont soumis à aucune norme, les clients d’Easyjet ou de Lidl ne coûtent rien en charges sociales. Le capitalisme est vivant.
Les générations Y et Z plus généreuses que les précédentes ? – L’argument de Rifkin selon lequel les nouvelles générations seraient plus altruistes n’est pas sérieux. Il est évident que le recours à Uberpop, Airbnb ou à Autolib’ tient uniquement à un intérêt financier et pratique. On assiste depuis les années 2000, selon une étude de l’Université du Michigan, à une baisse notable de l’empathie des jeunes qui serait liée au narcissisme que créent l’usage des réseaux sociaux. Pas d’augmentation de la générosité à l’horizon.
L’avenir du travail – Il est peu probable que la digitalisation et l’automatisation des tâches conduisent, comme certains le craignent, à la disparition du travail. Selon la théorie de Schumpeter, la logique du capitalisme est celle de la destruction créatrice : de nouveaux produits ou de nouvelles techniques provoquent la destruction des éléments de l’économie devenus caducs pour en créer d’autres. Mais ceux qui perdent leur emploi du fait de ces évolutions ne profitent pas des emplois qu’elles créent. Par exemple, les libraires qui ferment boutique ne travailleront pas pour Amazon, responsable de leur faillite. Il est probable que, dans la logique de Schumpeter, les emplois nouveaux créés par l’économie numérique compensent en nombre les emplois détruits et que la vie de l’économie poursuive sa route. Le mouvement étant impossible à arrêter, la seule solution pour ceux qui en font les frais est d’améliorer la formation continue, aujourd’hui indigente en France, pour leur permettre de s’adapter. Certains économistes comme Daniel Cohen remettent toutefois en cause cette perspective du fait que, contrairement aux mutations passées, l’économie numérique est peu productive et risque de ne pas créer autant d’emploi qu’elle en aura détruit.
Résumé – La révolution transhumaniste – Luc Ferry
CONCLUSIONS – L’idéal politique de la régulation – La seule perspective envisageable est de réglementer. La tâche sera difficile dans la mesure où le transhumanisme et l’économie collaborative s’inscrivent parfaitement dans la dynamique de nos sociétés mondialisées conduisant à l’accroissement de l’autonomie individuelle, au rejet des coutumes et à l’affaiblissement des Etats.
On assiste à un renversement dialectique de la démocratie en son contraire. Au XVIIe et XVIIIe siècle, la maîtrise des sciences promettait d’apporter la liberté et le bonheur à tous dans un esprit d’humanisme démocratique. Aujourd’hui, le progrès technique est le résultat de la compétition que se livrent les entreprises pour leur survie. Il est devenu incontrôlable par les Etats démocratiques et ne porte plus de projet de société.
Face à cette dynamique du choix, deux attitudes sont possibles : l’optimisme souvent partagé par les chefs d’entreprise qui rêvent de développement économique et d’innovation ; le pessimisme partagé par de nombreux intellectuels qui épousent les thèses du déclin et de la décadence de l’Occident. Il est toutefois bon de rappeler que, malgré leurs défauts, les démocraties occidentales sont les sociétés les plus douces et les plus protectrices de l’histoire. Jamais auparavant le niveau et l’espérance de vie, la culture et l’éducation n’avaient atteint un tel sommet.
Pour penser l’opposition entre les bioprogressistes et les bioconservateurs comme celle entre les partisans du commerce dérégulé sur Internet et les défenseurs de la réglementation, il faut comprendre qu’il s’agit d’une situation tragique au sens grec : comme dans une tragédie, des individus s’opposent, animés par une logique légitime et un idéal élevé, en dehors de toute morale.
Réglementer les usages des nouvelles technologies est la seule réponse pour éviter de vivre dans un mélange entre liberté absolue et Big Brother. L’établissement de ces règles doivent, pour être efficaces, répondre à plusieurs impératifs :
- dans sa tâche, le législateur ne doit pas se laisser guider par son intime conviction ou des principes religieux mais par la démonstration. Son projet ne doit pas être d’imposer une éthique personnelle mais de fixer des règles de droits valables pour toute la société,
- elle doit avoir une portée internationale, au moins à l’échelle de l’Europe,
- elle doit être portée par les hommes politiques garants de l’intérêt général et non par des représentants de la société civile susceptibles de défendre des intérêts particuliers.
[…] Sur notre site partenaire : la philosophie des quatre chemins […]
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