Conférence de Douglas Kennedy le 27 mai 2017
La fête du livre accueillait dans son édition 2017 Douglas Kennedy pour l’ensemble de son œuvre. L’écrivain n’allait donc pas parler d’un ouvrage en particulier mais, avec l’humour qu’on lui connait, de son histoire, de sa vocation, de ses nourritures artistiques, de sa façon d’écrire et de sa vie. Bref, on allait découvrir un peu l’homme qui tient la plume.
Et tout ça en français ! On n’a pas été déçu.
Origine d’un écrivain
Les choses ont commencé tôt, à 8 ans. L’institutrice avait remarqué chez lui des dispositions pour raconter des histoires. Cela ne faisait pas encore du petit Douglas un écrivain. Puis une enfance dans la classe moyenne de Manhattan, des parents qui ne s’entendent pas, à la limite de la violence, la bibliothèque du quartier comme destination de sa fuite, le refuge dans les livres et la découverte du cinéma pour lequel il se prend de passion. Quelques pièces de théatre sans succès lui permettent d’acquérir l’expérience des dialogues qui parsèment ses romans. Le premier succès viendra avec Cul de sac, réintitulé Piège nuptial.
Références littéraires et artistiques
Parmi ses références littéraires Madame Bovary constitue pour Douglas Kennedy la naissance de la littérature moderne. Qui avant Flaubert aurait écrit un livre dont le thème était l’ennui ? Coté cinéma, plus précisément côté cinéma français, Douglas Kennedy aime Rohmer. Il se souvient que Le genou de Claire, tourné non loin du lieu de sa conférence, lui fit découvrir les paysages du lac d’Annecy. Son intérêt pour les arts ne s’arrête pas là. Il est un fou de musique classique, au point d’avoir un appartement à Berlin pour être plus près de la Philarmonie dont il assiste régulièrement aux concerts.
Le sens de l’écriture et les sources d’inspiration
L’intérêt principal que Douglas Kennedy trouve dans l’écriture est de raconter des histoires tirer de sa propre vie pour témoigner que nous ne sommes pas seuls dans nos expériences, même les plus dramatiques. Les retours de la part de lecteurs, parfois bouleversés et en même temps soutenus par certains de ses romans, valident son travail.
Parmi ses sources d’inspiration, figurent en bonne place les relations difficiles de ses parents et ses deux divorces qui ont fait de lui, comme il le dit avec humour, un expert en matière de mariages ratés.
Il nourrit également un intérêt particulier pour l’Australie : des espaces immenses, un pays grand comme les Etats Unis peuplé par seulement 25 millions d’habitants, des routes désertes et ininterrompues pendant 300 kilomètres, des agglomérations de 50 âmes qu’il est impossible de quitter la nuit venue en raisons des kangourous qui envahissent le bush et menacent les automobilistes, l’alcool comme seule distraction quotidienne pour ces autochtones. De son expérience en Australie naitra Piège nuptial.
Mais au delà de ses sujets de prédilection, un écrivain doit faire preuve de curiosité, de qualités d’observation et d’écoute, pour être capable d’inventer une histoire concernant des personnages du quotidien.
Conditions de travail de l’écrivain
Douglas Kennedy nous fait savoir qu’il écrit environ 500 mots par jour, soit deux pages de livre. Flaubert écrivait en moyenne 200 mots par jour. Le premier projet, terminé après 12 à 18 mois de travail, est suivi de 3 mois environ de relecture intense avant que le texte n’échappe à son contrôle et que commence une longue attente jusqu’au verdict de l’éditeur.
Il a tapé son premier roman sur une machine à écrire électrique, le berceau de son fils posé sur le bureau. Aujourd’hui, l’ordinateur portable s’est imposé. Pour l’écriture, pas de nécessité particulière en termes d’environnement ou de carburant. Pour écrire ses deux pages quotidiennes, il faut pouvoir écrire partout : chez soi, dans le métro, l’avion…
Le prochain roman est prêt. Il retracera le destin d’une famille américaine du milieu des années 1970 au milieu des années 1980. Sa sortie est prévisible en novembre prochain.
Vision de l’écriture
Aux étudiants qui lui demandent les secrets du métier d’écrivain, Douglas Kennedy répond par trois conditions à remplir :
- aimer la solitude car pendant son travail de création, l’auteur est absolument seul,
- ne pas craindre le doute qui est présent à chaque instant de l’écriture,
- avoir 20 années devant soit pour acquérir un style.
Pour autant, si son travail comprend quelques difficultés, il est également fait de grande satisfactions et les auteurs qui se plaingnent de saigner à chaque mot qu’ils écrivent devraient penser que leur vie est beaucoup plus agréable que celle d’un employé de blanchisserie industrielle.
Et puis la vie…
Douglas Kennedy nous a livré quelques considération sur la vie.
A ceux qui se plaignent d’une vie étriquée entre le travail quotidien et le crédit de la maison, il répond que chacun construit sa propre prison. Et cet enfermement est le résultat de la crainte de la liberté.
Enfin, il regrette amèrement l’élection de Trump au Etats Unis. Pour lui les 20 % d’Américains qui ont vraiment des idées progressistes ont été réduits au silence par l’extrème droite. Il regrette W – comprendre George Walker Bush – qui n’était pourtant pas de son camp. Trump ce n’est pas un président, c’est un régime, nous dit-il. Les Etats Unis sont partis dans une direction inconnue et il n’exclut pas d’utiliser son passeport irlandais pour se diriger vers la sortie.