Voyages d’un philosophe aux pays des libertés : le libre échange à l’OMC, Genève – Gaspard Kœnig

Voyages d’un philosophe au pays des libertéLe libre-échange – OMC, Genève.

L’organisation mondiale du commerce, l’OMC, basée à Genève, travaille à libéraliser les échanges commerciaux et à établir des règles internationales en ce sens. Elle a pris le relais  en 1995 du General Agreement on Tarriffs an Trade, le GATT, créé en 1947. Son directeur général, le brésilien Roberto Azevêdo est convaincu que le libre échange est un jeu à somme positive, que le commerce international permet de sortir de la misère des continents entiers et d’augmenter le pouvoir d’achat des plus modestes, alors qu’il ne joue tout au plus qu’un rôle d’accélérateur dans les pertes d’emplois, dont 80 % sont dues à l’automation. Ces idées s’inscrivent dans la continuité des travaux de David Ricardo concluant, au début du XIXe siècle, que chaque pays a intérêt au commerce à condition de se spécialiser.

La plupart des pays du monde font partie de l’OMC et il est notable qu’aucun de ses membres n’ait souhaité en sortir. Son fonctionnement est multilatéral : le directeur général n’a aucune délégation. Son rôle se limite à organiser les débats et assurer le secrétariat des séances. Seuls les délégués des pays membres prennent les décisions. L’OMC dispose en outre d’un atout majeur : l’organe de réglement des différends, l’ORD, dont les décisions sont respectées par tous les pays, contrairement à celles de bien d’autres structures internationales.

Le commerce international est devenu plus complexe depuis plusieurs années : les caractéristiques des pays ont évolué et il n’est plus possible de caractériser les pays en voie de développement, les pays émergeants et  les pays développés. Ou placer la Chine qui représente la moitié du commerce international ? Cette homogénéisation rend fluctuantes les alliances commerciales, souvent scellées hors de l’OMC, et un accord global semble devenu impossible. La stratégie de l’Organisation a donc évolué vers deux directions :

  • se fixer des objectifs précis comme simplifier les procédures douanières ou réglementer l’e-commerce,
  • favoriser des accords entre une partie de ces membres en espérant que les autres y adhéreront plus tard.

Aujourd’hui, l’OMC doit son efficience à son fonctionnement multilatéral qui lui assure un respect unanime y compris de la part de nombreux altermondialistes.

Le sujet de la liberté des échanges nous interroge sur notre avenir cosmopolitique. Kant avait envisagé que, de la même façon que les individus ont confié leur sécurité à des Etats-nations dotés de lois, ceux-ci pourraient adhérer à une structure de régulation mondiale. Au niveau individuel comme au niveau international, l’organisation politique serait ainsi le résultat de deux pressions antagonistes : une détestation mutuelle des acteurs et la nécessité pour eux de vivre ensemble. Les institutions de régulation internationales, les fonds monétaires et les banques de développement ont été créés dans cet esprit kantien. Yuval Harari montre dans son ouvrage Sapiens que depuis son apparition, l’humanité est engagée dans un mouvement d’unification qui pourrait aboutir à un empire mondial, relégant le Breixit ou l’élection de Trump aux Etats Unis au statut de soubresauts de l’histoire.

Ces épisodes dépassent pourtant la simple poussée xénophobe. Nombre de citoyens considèrent que la modialisation économique n’est pas organisée de façon démocratique. En conséquence, si l’on considère souhaitable, voire inéluctable, l’émergence d’un empire mondial, une nouvelle forme de démocratie reste à inventer. En premier lieu, compte tenu du mélange des cultures sur un même territoire, il parait nécessaire de faire disparaitre l’Etat-nation. L’Etat, en tant que niveau de prise de décisions politiques doit s’étendre progressivement au niveau mondial en respectant chaque appartenance culturelle que traduit la nation. Mais dans un tel schéma, la démocratie telle que nous la connaissons deviendrait une tyranie de la majorité. De nombreux chercheurs imaginent une nouvelle forme de démocratie basée sur le principe du lobbying. Des agences traitant de différents sujets recevraient les contributions des différentes composantes de la société, ONG, entreprises, associations… dans lesquelles les citoyens du monde entier pourraient s’investir selon leur compétences et leurs préoccupations. De tels mécanismes décisionnels existent déjà dans différentes structures internationales et notamment l’OMC. Pour comprendre et admettre une telle organisation il est important de substituer à l’Etat la notion d’empire dont une des vertus majeures est la tolérance et qui autorise en son sein l’épanouissement de plusieurs cultures, dissociées de l’échelon décisionnel.

Voyages d’un philosophe au pays des liberté

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