Commentaire de lecture de : La Commune, histoire et souvenirs.

cropped-cropped-anciennemachineEn lien avec : La Commune, histoire et souvenirs de Louise Michel

Le silence autour de la Commune de Paris, cette guerre civile qui ensanglanta Paris entre le 18 mars et le 28 mai 1871 interroge : peu de livres en librairie en comparaison des nombreux ouvrages sur la Révolution Française ; pas d’émissions télévisées ; quasiment rien dans les programmes scolaires. Dans la population française, rares sont ceux pour qui la Commune de Paris évoque quelque chose de plus précis qu’une vague émeute après la chute de Napoléon III et la victoire prussienne de la Guerre de 1870. 

Pourtant, la Commune de Paris a fait à peu près 25 000 morts dont 20 000 pendant l’assaut de l’armée de Versailles, entre le 21 et le 28 mars 1871. Ces chiffres seraient très sous évalués d’après Louise Michel qui affirme que le nombre de morts serait supérieur à 100 000.

Cette méconnaissance de la Commune de Paris n’est pas le résultat d’une quelconque censure. Tout est disponible pour celui qui veut s’intéresser au sujet. On peut commander des livres, consulter des sites Internet spécialisés en histoire, tenter sa chance auprès des bouquinistes. La Commune est simplement tombée dans l’oubli faute d’avoir été métabolisée par notre histoire nationale comme a pu l’être la Révolution Française.

Cet oubli est à ce point criant que le nom d’Adolphe Thiers, le boucher de Paris, a été donné à des rues, des boulevards ou des avenues dans toute la France, à Paris, Lyon, Saint-Etienne, Dijon… et même à un grand lycée de Marseille. Il en est de même pour le maréchal de Mac Mahon qui, en dépit de ses revers militaires dans la guerre franco-prussienne et de sa responsabilité de premier ordre dans la répression féroce de la Commune en tant que chef de l’armée versaillaise, s’est vu honoré par l’attribution de son nom à différents lieux prestigieux.

De toute évidence, l’histoire de France ne voit en M. Thiers et M. de Mac Mahon que les deux premiers présidents de la IIIe République qui a mis un terme définitif à l’instabilité politique que connaissait la France depuis près d’un siècle, ouvrant ainsi la voie au système dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’histoire n’a que faire de leur répression sanglante de la Commune de Paris. Sa proposition politique, à la fois originale et hétéroclite, était trop éloignée des principes fondateurs de la République naissante, héritière de la Révolution du Premier Empire et de la monarchie. Le soulèvement parisien puisait son inspiration dans les valeurs de la première Internationale fondée sept ans plus tôt tout en revendiquant une gestion politique décentralisée à l’échelle de la commune, le rejet de la peine de mort, le partage du pouvoir plutôt que le recours à un homme providentiel. Notons à ce propos qu’aucun nom parmi ceux qui ont dirigé l’insurrection n’est devenu véritablement célèbre. Pas de Robespierre, de Danton ni de Saint-Just. La postérité n’a retenu que le nom de Louise Michel, non pour son rôle politique qui fut très secondaire, mais pour son caractère, son courage et parce qu’elle a vécu suffisamment longtemps pour consigner ses souvenirs. L’histoire a oublié Flourens, Delescluze, Dombrowski, Ferré et le vieux Blanqui. 

Au delà de l’admiration qu’on peut éprouver pour ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour leur dignité dans une lutte sans espoir contre un pouvoir sanguinaire, on ne saura jamais si l’organisation politique proposée par la Commune aurait permis l’avènement d’une société libre et heureuse et si l’esprit d’humanisme, de générosité et de sacrifice qui l’animait aurait gardé longtemps sa pureté originelle. Les exemples de révolutions ayant atteint leur terme ne nous permettent pas d’être très optimistes à ce sujet.

Si la Commune de Paris laisse des questions sans réponse, l’oubli dont elle fait l’objet est riche d’enseignements. Tout d’abord, il illustre le fait que seuls les vainqueurs écrivent l’histoire et décident des épisodes structurants qui doivent être intégrés à la mémoire nationale et figurer sur la liste des récits qui flattent la grandeur du pays et renforcent son unité. Rappeler que la naissance de notre démocratie a commencé par un bain de sang, même s’il ne s’agit pas là d’un acte fondateur, aurait desservi ces objectifs. Par ailleurs, cet oubli montre que nous ne sommes pas extérieurs au processus. Il traduit notre attachement à ce choix de récits nationaux et la partialité de notre regard sur l’histoire.

4 réflexions sur “Commentaire de lecture de : La Commune, histoire et souvenirs.

  1. Quand on dit « un terme à l’instabilité politique », ce n’est pas tout à fait exact : Napoléon III a régné de 52 à 70, ce qui n’est pas si mal. Il a permis l’essor industriel en France ce qui n’est pas non-plus négligeable.
    Le retour d’expérience de ce type de révolution humaniste (sur le papier) est assez fourni : aucune n’a abouti à un monde meilleur. Les conditions ont été égalisées (Viet-Nâm d’Oncle Hô, Cambodge de Pol-Pot, Chine de Mao, URSS de Staline (plébiscitée par Sarte et De Beauvoir notamment) , Castro, Maduro). Elles sont toutes parties d’un projet ambitieux de partage de richesses et se sont toutes achevées dans le sang. Le communisme a fait bien plus de morts que le nazisme et le capitalisme réunis. Le communisme s’est toujours accompagné d’une police politique pour « redresser » les esprits déviants et la mise en place d’un parti unique. Il n’y a pas de contre-exemple.
    Plutôt que l’égalité, il faut de la justice : que chacun soit rétribué en fonction de son mérite, des efforts qu’il consent à produire. Mais laissons le dernier mot à Jean-Jacques ROU8SSEAU
    Le premier et le plus grand intérêt public est toujours la justice. Tous veulent que les conditions soient égales pour tous et la justice n’est que cette égalité. Le citoyen ne veut que les lois et que l’observation des lois. Chaque particulier dans le peuple sait bien que s’il y a des exceptions, elles ne seront pas en sa faveur. Ainsi tous craignent les exceptions et qui craint les exceptions aime la loi. Chez les chefs, c’est tout autre chose [..], ils cherchent des préférences partout. S’ils veulent des lois, ce n’est pas pour leur obéir, c’est pour en être les arbitres. Ils veulent des lois pour se mettre à leur place et pour se faire craindre en leur nom. Tout les favorise dans ce projet. Ils se servent des droits qu’ils ont pour usurper sans risque ceux qu’ils n’ont pas. Jean-Jacques ROUSSEAU

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    • Sur l’instabilité politique, en moins d’un siècle la France a connu la monarchie, la Révolution, l’Empire, la Restauration, la deuxième République, le Second Empire et la République du 4 septembre, le tout ponctué par quelques soulèvements populaires noyés dans le sang. Ce n’est pas vraiment la stabilité. Le règne de Napoléon III a été la plus longue période de calme mais il s’est terminé lamentablement au bout de 18 ans ce qui n’est pas très long.

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