Comprendre la nature humaine – The Blank Slate. Steven Pinker

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Steven Pinker

Comprendre la nature humaine – The Blank Slate – est pour ainsi dire une suite de l’ouvrage de Richard Dawkins Le gène égoïste. Toutefois, alors que Richard Dawkins s’en tenait aux comportements animaux, Steven Pinker nous parle de notre espèce et de notre nature.

Avant-propos – Existe-il une nature humaine ? Question taboue. Envisager que les gènes et l’éducation interagissent pour façonner un individu est scandaleux aux yeux de ceux voient l’esprit comme une page blanche que seule l’éducation peut impressionner. Les tenants de cette position extrémiste, qu’on peut appeler théorie de la Table rase, s’opposent au débat, ignorent délibérément les données scientifiques et affirment qu’admettre l’existence d’une nature humaine peut conduire à des fléaux tels que le racisme ou le sexisme. La rigueur scientifique impose pourtant de poser la question.

Comprendre la nature humaine – The Blank Slate – Résumé

PARTIE I – LA TABLE RASE, LE BON SAUVAGE ET LE FANTÔME DANS LA MACHINE.

Environ 75 % des Américains croient aux récits de la Bible et seulement 15 % adhèrent à la théorie de l’évolution. Au sein du monde intellectuel moderne qui appartient à cette minorité, la vision judéo-chrétienne de l’homme a été remplacée par la nouvelle religion laïque de la théorie de la Table rase.

Chapitre 1er – La théorie officielle – La doctrine de la Table rase influença au XXe siècle les sciences humaines, les sciences sociales ainsi que les croyances politiques et éthiques. Elle est indissociable de deux autres théories : le Bon Sauvage et le Fantôme dans la machine.

La théorie du Bon Sauvage, apparue en 1670 dans l’ouvrage de John Dryden The Conquest of Granada puis popularisé par Rousseau, affirme que les hommes étaient pacifiques avant que la civilisation ne leur eut fait connaitre la cupidité et la violence, par opposition à Hobbes pour qui l’absence d’un pouvoir fort, le Léviathan, conduit les hommes à la guerre de tous contre tous, à la crainte perpétuelle et au danger de mort violente.

La théorie du Fantôme dans la machine, attribuée à Descartes, affirme que le comportement d’un individu est entièrement choisi par son esprit indépendamment de son corps. Descartes fonde ce dualisme sur le fait que le corps, contrairement à l’esprit, peut être divisé. La perte d’un membre n’affecte pas l’esprit ce qui prouve leur indépendance. Le débat actuel sur le statut de l’embryon et sur le moment de l’émergence de l’âme témoigne que la théorie du Fantôme dans la machine n’a pas disparu des sociétés modernes.

Quelle est la cohérence entre ces trois théories ? Si la Table est rase, elle ne commande pas au sauvage de mal agir avec ses semblables et c’est au fantôme qui habite chaque individu de décider de son comportement.

Chapitre 2 – La pâte à modeler – Le darwinisme a vite été dévoyé dans des tentatives de hiérarchisation des races humaines, consistant à interpréter leurs différences en termes de degré d’évolution plutôt que d’adaptations à des conditions géographiques. Transposées sur le plan politique, elles ont conduit, dans certains pays occidentaux, à des lois visant l’eugénisme et à l’élimination de millions de juifs, de gitans et d’homosexuels par le régime nazi. Depuis les années 1920, aux États Unis, la réussite sociale d’immigrants appartenant à tous les groupes ethniques, Noirs, Juifs, Asiatiques, a démontré l’absence totale de fondement du darwinisme social et installé la doctrine de la Table rase sous le nom de Modèle standard des sciences sociales ou Constructivisme social. L’enfant à éduquer devait être le centre des préoccupations.

Les fondements des théories modernes d’éducation furent posés par John Locke et John Stuart Mill : partant d’une table rase, l’enfant associe différentes sensations correspondant à chaque objet qu’il rencontre pour les reconnaitre ensuite. Le béhaviorisme alla plus loin. En attribuant l’intégralité de la construction psychologique de l’enfant à son environnement, il ne s’intéressa qu’au comportement manifeste de l’individu, écartant la biologie, la génétique, les envies et les instincts. Ainsi, une éducation de masse adéquate permettrait d’éradiquer des fléaux tels que la violence, la surpopulation ou la pollution.

Au début du XXe siècle, Franz Boas, le père de l’anthropologie moderne, affirma que, sauf preuve du contraire, les différences entre les groupes d’individus n’étaient pas d’ordre biologiques mais culturel, c’est-à-dire non héréditaires. Le mot culture désignait ici tout ce qu’une société transmet au fil des générations, les usages, les valeurs…, et non la seule création artistique. Oubliant la réserve du maître, les élèves de Boas développèrent l’idée que la culture était superorganique, sui generis, qu’elle évoluait dans son propre univers sans lien avec la biologie et la psychologie individuelles. Émile Durkheim, le fondateur de la sociologie, alla dans la même direction en affirmant que la cause d’un fait social devait toujours être recherchée dans des faits sociaux antérieurs, jamais dans les états de conscience individuels.

Concevant l’individu comme une pâte malléable, informée uniquement par une culture indépendante de la biologie, les chercheurs en sciences sociales se mirent à rêver de perfectionner l’humanité. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, ils adoptèrent la théorie du Bon Sauvage visant le retour à l’esprit fraternel d’un l’âge d’or originel. La doctrine du Fantôme dans la machine compléta l’édifice afin d’affirmer que les choix des individus sont parfaitement libres et non soumis à quelque déterminisme biologique.

La théorie officielle reposait désormais sur le triptyque de la Table rase, du Bon Sauvage et du Fantôme dans la machine.

Chapitre 3 – Le dernier mur à tomber – Au milieu du XXe siècle, la science était parvenue à relier le terrestre et le céleste en prouvant que les lois de Newton s’appliquaient partout. Elle avait réuni le non-vivant et le vivant en montrant qu’ils étaient régis par les mêmes lois de la chimie. Bientôt, le mur entre la matière et l’esprit, entre la biologie et la culture, soutenu par la théorie officielle et son triptyque, vacillerait sous l’effet des sciences cognitives, des neurosciences, de la génétique du comportement et  de la psychologie évolutionniste.

Les sciences cognitives permirent de tirer plusieurs conclusions :

  • l’esprit humain, tel un ordinateur, suit des algorithmes : il acquiert des informations sur l’état du monde, évalue l’écart le séparant de la situation souhaitée et agit pour réduire cet écart. Le raisonnement, l’intelligence, l’imagination apparaissaient ainsi comme des processus physiques,

  • tout apprentissage suppose une capacité innée de lire et d’organiser les données. Une table rase qui ne ferait qu’imprimer des informations ne pourrait pas apprendre et en tirer parti,

  • de même qu’un nombre fini de règles de grammaire et de mots forment une infinité de phrases, un nombre fini de mécanismes, de logiciels de l’esprit, produisent une infinité de comportements,

  • les interdits alimentaires, les superstitions, les rites de mariage… varient d’une culture à l’autre et doivent s’apprendre. En revanche les mécanismes qui les produisent sont universel : ce qui est perçu comme un affront varie suivant les cultures, mais la notion d’affront existe partout et toutes les cultures divisent le monde entre eux et nous. Seule la frontière varie,

  • l’esprit n’est pas une sphère homogène. Les comportements humains ne sont pas les choix d’un fantôme mais résultent du fonctionnement de modules mentaux innés, gérant l’acquisition de l’information, les savoir-faire, la mémoire, le contrôle du corps… auxquels se superposent les facultés mentales gérant le langage, l’espace, la numération…

Les neurosciences ont quant à elles montré que certaines capacités intellectuelles dépendaient de certaines parties du cerveau et que la personnalité d’un individu pouvait changer radicalement lorsque certaines zones de son cerveau étaient lésées. Les théories du Bon Sauvage et du Fantôme dans la machine étaient démenties.

La génétique du comportement a mis en évidence le rôle des gènes, notamment à partir d’études statistiques portant sur la fréquence de pathologies et de traits psychologiques chez de vrais et de faux jumeaux, élevés ensemble ou séparément. Ainsi nos gènes sont responsables pour 40 à 50 % de notre positionnement dans les cinq dimensions principales qui caractérisent notre personnalité : introvertis ou extravertis, névrosés ou stables, peu curieux ou ouvert à l’expérience, accommodants ou opposants, consciencieux ou affranchis des contraintes. De même, les comportements antisociaux sont en partie héréditaire et se manifestent très tôt dans l’enfance. Encore une fois, il semble bien que le fantôme dans la machine prenant librement ses décisions soit une illusion.

Enfin, la psychologie évolutionniste a battu en brèche le triptyque de la théorie officielle. Tout d’abord, elle atteste que nous ne sommes pas des tables rases par les arguments suivants :

  • en nous s’affrontent des mécanismes visant deux objectifs contradictoires : d’une part, un bonheur immédiat, tels qu’avoir des relations sexuelles pour le seul plaisir, les causes prochaines de notre comportement, d’autre part, des objectifs à long terme comme nous reproduire un cadre familial, ses causes lointaines.

  • des tables rases soumises à la sélection naturelle auraient vite été dominées par leurs rivaux dotés d’instinct complexe. Notre seule présence est un démenti,

  • les points communs à toutes les cultures du monde, la peur des serpents, l’amour romantique, les tabous alimentaires… témoignent que notre comportement résulte d’une évolution universelle.

Enfin, les anthropologues ont montré que la proportion des hommes morts à la guerre au XXe siècle était bien supérieure chez les chasseurs cueilleurs que dans les nations occidentales, malgré les deux guerres mondiales. Nous ne sommes pas les descendants de bons sauvages mais des peuples qui ont su le mieux exterminer leurs adversaires. Enfin, puisque l’amour, la volonté et la conscience sont des fonctions biologiques façonnées par l’évolution, nous ne sommes habités par aucun fantôme.

Chapitre 4 – Les vautours de la culture – On a longtemps pensé que les cultures étaient des produits du hasard. Elles sont en réalité une organisation créée par un groupe humain pour unir les forces de ses membres et leur permettre de prospérer et de perpétuer leur lignée.

Le jeune enfant dispose de capacités innées pour acquérir une culture : il apprend à parler en déduisant le sens des mots et la grammaire de la langue à partir de ce qu’il voit et entend ; il imite les gestes de son entourage qui correspondent à une intention, par exemple ouvrir un bocal, en laissant de côté les gestes parasites tels qu’essuyer son front. Cette aptitude que les cognitivistes appellent la psychologie intuitive n’est pas partagée par le chimpanzé qui reproduit geste pour geste sans discernement. Puis, toute sa vie, l’individu subit une pression sociale pour imiter ses semblables. Ce conformisme est motivé par :

  • l’avantage pour la survie d’un groupe de mettre en commun ses découvertes et ses connaissances,

  • la nécessité d’adopter des règles de vie commune : parler la même langue, rouler du même côté de la route, se doter d’institutions et de lois reconnues par tous…

Constituée de l’ensemble des connaissances et des règles d’organisation d’un groupe, une culture n’est pas figée mais absorbe les éléments avantageux des groupes avec lesquels elle est en contact : les européens ont adopté les chiffres arabes, la poudre à canon et le papier de Chine, la pomme de terre d’Amérique du Sud…

Les cultures qui ont le mieux réussi ne sont pas celles regroupant les individus les plus intelligents. Ce sont celles qui se sont développées dans les régions que la géographie avait dotées des meilleurs atouts :

  • un climat semblable sur un large axe est-ouest permettant la diffusion des techniques d’élevage des mêmes espèces animales et de culture des mêmes types de plantes,

  • des rivières navigables et un accès aisé à la mer favorisant les échanges.

L’Europe et l’Asie ont été particulièrement avantagées par rapport à l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie.

Enfin, pour illustrer le lien entre biologie et culture, soulignons que la langue anglaise, commune à la culture de millions d’individus, a acquis sa forme actuelle sous l’influence de ses locuteurs successifs : les envahisseurs scandinaves et normands qui ont enrichi son vocabulaire, les aristocrates optant pour une prononciation pédante, les enfants et leurs erreurs contagieuses, les marmonneurs avalant la fin des mots.

Chapitre 5 – La dernière résistance de la table rase – Trois avancées scientifiques récentes ont fourni des arguments qui paraissaient contredire l’existence d’une nature humaine complexe. Il n’en est rien.

Tout d’abord, alors qu’on en attendait de 2 à 5 fois plus, le séquençage du génome humain réalisé en 2001 n’a dénombré que 34 000 gènes codants, le double de celui de certains vers, bien trop peu pour coder le plan du cerveau. L’environnement était donc prédominant dans la construction d’un individu et le Fantôme dans la machine faisait son retour. Ces conclusions hâtives laissaient pourtant de côté des faits majeurs :

  • la complexité d’un organisme ne dépend pas que du nombre de ses gènes mais aussi de la complexité des processus qu’ils pilotent par leurs interactions et la façon dont ils s’activent et se désactivent,

  • si les 34 000 gènes codants ne représentent que 3% du génome, les 97 % restants dont nous ignorons le rôle participent aussi à la construction de l’individu.

Par ailleurs, la théorie connexionniste semblait redonner du crédit à l’hypothèse de la Table rase en affirmant que des réseaux neuronaux génériques pouvaient réaliser des fonctions cognitives telles que l’association ou la mémorisation au seul contact de l’environnement. Le démenti a été apporté par le constat que les modèles informatiques de réseaux génériques ne peuvent apprendre le langage et ses subtilités. Ils doivent pour cela être enrichis de fonctions spécifiques et disposer d’éléments innés qui leur font perdre leur caractère générique.

Enfin, on a constaté que des zones du cortex affectées au contrôle de certains organes s’étendent lorsque ces organes servent à des activités complexes, comme les doigts de la main gauche d’un violoniste. De même, lorsque des zones du cortex sont dégradées, d’autres peuvent prendre en charge les facultés correspondantes. Mais cette plasticité a ses limites. Certaines caractéristiques d’un individu telles que l’orientation sexuelle, dont l’origine reste inconnue, ou certains traits de caractères ne peuvent être changés par l’apprentissage. Par ailleurs, la dégradation de certaines zones du cerveau conduit à des effets irrémédiables et certaines structures subcorticales bien moins plastiques que le cortex ont chacune des rôles précis. C’est le cas de l’hippocampe, de l’amygdale ou de l’hypothalamus.

En outre, on a constaté que les liens entre les organes sensoriels et les zones du cerveau correspondantes s’établissaient souvent selon le principe neurones synchrones-neurones raccordés : les neurones des yeux par exemple se raccordent à la même zone du cerveau parce qu’ils véhiculent des signaux transmis en même temps. S’agit-il d’apprentissage ? Des expériences sur des animaux sans yeux ont montré l’apparition d’une même cartographie cérébrale. Les stimuli n’ont donc pas pour origine l’environnement mais ils proviennent de l’organisme. Il ne s’agit pas d’apprentissage mais de processus interne.

Au vu de ces éléments, quelle que soit l’importance de la plasticité corticale et de l’apprentissage, la composante innée du fonctionnement du cerveau ne peut être réfutée.

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PARTIE II – PEUR ET AVERSION

Dans les années 1970, les découvertes sur la nature humaine ont provoqué des réactions violentes de rejet de la part d’intellectuels de premier plan confondant science, morale et politique.

Chapitre 6 – Les scientifiques et la politique – Dans la société américaine des années 1970, les auteurs de découvertes en biologie de l’esprit humain ne pouvaient être, aux yeux de leurs collègues et des étudiants de la gauche radicale, que des défenseurs d’une société réactionnaire opposée au progrès social. Marx avait été clair : Les idées dominantes de chaque époque ont toujours été celles de sa classe dominante. Ainsi, nombre de ces chercheurs se heurtèrent à l’occupation de leurs amphithéâtres et furent les cibles de tracts et d’attaques personnelles. Accusés d’être des fascistes qui défendent le racisme, le sexisme et le génocide, la plupart d’entre eux étaient pourtant démocrates, certains appartenant même à la gauche radicale qui les combattait.

La Sociobiologie d’Edward Wilson, publié en 1975, puis le Gène égoïste de Richard Dawkins paru en 1976 ont cristallisé les critiques. Ces ouvrages étudiaient l’influence des gènes sur le comportement des animaux et des humains ainsi que sur les sociétés et les cultures. Ils ont valu à leurs auteurs l’accusation de déterminisme et de réductionnisme. Pourtant, ces derniers avaient toujours affirmé que l’effet d’un gène dépendait des autres gènes ainsi que de l’environnement de vie de l’organisme porteur et que la présence d’un gène induisait une augmentation de la probabilité d’un comportement mais ne le déterminait en aucun cas.

La Table rase était devenue une religion qui ne tolérait ni nuance ni contradiction. Ceux qui n’affirmaient pas que tout dépendait de l’environnement étaient accusés d’être des déterministes radicaux voulant donner une caution scientifique aux injustices sociales. La confusion entre la science et la morale était totale.

Chapitre 7 – La sainte trinité – Les scientifiques de la gauche radicale nient défendre la Table rase. Ils reconnaissent que les gènes déterminent les fonctions vitales : alimentation, excrétion…ainsi que la taille des êtres humains, caractéristique essentielle qui leur a permis d’être dotés d’un cerveau suffisamment gros pour le langage et d’interagir avec leur environnement à une échelle adaptée à la maitrise du feu et des techniques. Guidés par le matérialisme marxiste, ils reconnaissent que l’évolution sociale implique l’existence d’une nature humaine tout en affirmant que seuls l’éducation et l’environnement façonnent l’individu. Leurs concessions cachent mal le dogme de la Table rase. Ces mêmes scientifiques défendent aussi le mythe du Bon sauvage, écartant les statistiques établies dans les sociétés premières. Pour eux, chercher à comprendre les mécanismes innés de la violence revient à vouloir justifier les génocides et décharger leurs auteurs de toute responsabilité. Enfin, l’idée du Fantôme dans la machine leur est chère. En introduisant sans preuve scientifique une séparation entre, d’un côté, le cerveau issu de la sélection naturelle et organisé par les gènes et, de l’autre, le désir de paix, de justice et d’égalité, une nouvelle société affranchie de la biologie devient envisageable.

De son côté, la droite religieuse ne peut admettre la théorie de l’évolution qui contredit la Bible et sa morale, reléguant les hommes au rang de singes et considérant l’esprit et la morale comme des produits de la sélection naturelle. Elle défend aussi le dogme du Fantôme dans la machine, condition nécessaire pour que l’âme puisse quitter le corps lorsque la mort survient.

La génétique du comportement a pourtant donné tort aux radicalismes de droite comme de gauche qui trouvent un terrain d’entente dans la négation dogmatique de la nature humaine.

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PARTIE III – LA NATURE HUMAINE A VISAGE HUMAIN

La remise en cause du dogme de la Table rase fait vaciller les valeurs morales de notre époque pour la même raison que la rotondité de la Terre avait fait vaciller celles du XVIIe siècle : elle entraine des peurs.

Chapitre 8 – La peur de l’inégalité – Les défenseurs de la Table rase considèrent qu’elle induit un principe d’égalité qui préserve l’humanité de trois maux : le préjugé, le darwinisme social, l’eugénisme. Examinons-les.

Fonder les droits humains et le refus du préjugé sur la Table rase les fragilisent. Que deviendraient-ils si ce dogme était réfuté scientifiquement ? Les variations génétiques entre les humains comme celles entre les groupes humains sont des faits. Elles peuvent notamment expliquer la spécificité des comportements sexuels et des instincts parentaux des hommes et des femmes ou des différences d’aptitudes intellectuelles et physiques entre les individus. Ces différences motivent des discriminations dont certaines sont admissibles, d’autres pas : choisir une femme comme nourrice ne pose pas de problème en raison de moindres risques de mauvais traitements ; tenir compte du sexe ou de la race d’un candidat à un emploi est condamnable. On voit ici que ce sont bien la loi et la morale qui fixent ce qui est acceptable, pas les faits biologiques.

Le darwinisme social est une théorie fondée sur la génétique qui affirme que les pauvres méritent leur condition parce qu’ils ont été dotés par la nature de faibles capacités. Ce raisonnement ignore volontairement le rôle du milieu dans le statut social d’un individu et s’appuie sur le sophisme naturaliste, le postulat que les choix de la nature sont bons et doivent être respectés. Nier la Table rase ne justifie pas le darwinisme social, mais légitime au contraire de venir en aide aux plus faibles au nom de notre commune humanité.

Avant d’être associé aux crimes des nazis, l’eugénisme fut défendu par la gauche qui y voyait une voie d’amélioration de l’humanité alors que la droite le condamnait comme une tentative de se substituer à Dieu. Faut-il craindre que nier la Table rase conduise au nazisme ? Il faudrait alors attribuer à la Table les crimes de masse du communisme, guidé par la volonté de reconstruire ou de rééduquer l’homme. En réalité, les crimes de masse du XXe siècle ont été causés par une propension de la psychologie humaine à scinder les individus en groupes prêts à se massacrer. Ni la Table rase, ni sa négation ne sont à l’origine de ces atrocités.

Le préjugé, le darwinisme social et l’eugénisme dépendent d’un choix de valeurs, pas de faits biologiques.

Chapitre 9 – La peur de l’imperfectibilité – L’idée de nature humaine fait craindre que le goût pour la guerre, l’oppression des femmes par les hommes ou l’égoïsme soient inhérents au genre humain, inaccessibles à toute amélioration. Cette crainte tient au sophisme moraliste, postulant que les traits moraux sont naturels et que les traits naturels sont moraux. Ainsi, le viol n’étant pas moral, admettre qu’il appartient à la nature masculine conduirait le légitimer. Mais le sophisme moraliste est faux : le résultat de l’évolution n’a rien de moral. Si l’évolution a enraciné le viol dans la nature masculine, elle a également conduit les femmes à le refuser. L’interdiction du viol n’a rien à voir avec la biologie. Elle est un arbitrage fondé sur la valeur humaine qui affirme que tout individu doit avoir le contrôle de son corps.

Mais comment imaginer l’apparition de telles valeurs dans notre espèce, si nous sommes des marionnettes de chair créées par des gènes égoïstes, sans aucun fantôme aux commandes ? Nos relations humaines ne sont pas des jeux à somme nulle. Le gagnant ne ramasse pas ce que le perdant laisse. Coopérer permet d’optimiser les gains de tous. L’évolution nous a placé sur un Escalator moral sélectionnant des gènes qui favorisent la coopération. Le nombre de personne avec qui nous coopérons et pour lesquelles nous éprouvons de l’empathie augmente à mesure que la technologie se développe. Le progrès moral et social avance parce qu’il existe une nature humaine.

Les entreprises destinées à améliorer l’humanité en vertu du dogme de la Table rase ont toutes été des échecs : en politique avec le communisme ; en architecture avec les grands ensembles et les villes sans âmes appliquant les idées de Le Corbusier, dans le domaine de l’éducation en tentant d’éradiquer le caractère masculin des jeunes garçons…

Pour améliorer une société et réduire les souffrances de ceux qui l’habitent, il faut d’abord connaitre leur nature.

Chapitre 10 – La peur du déterminisme – La peur du déterminisme se manifeste sous deux formes :

  • une angoisse face à l’absence de libre arbitre et à l’idée que nos choix résultent de processus biologiques. Soulignons que l’angoisse est produite par notre biologie et échappe à tout libre arbitre,

  • la crainte de décharger les auteurs d’actes répréhensibles de leur responsabilité individuelle.

Pour prouver l’existence du libre arbitre et réfuter le déterminisme biologique, on affirme souvent que nos actes sont imprévisibles. Mais ils peuvent être à la fois déterminés et imprévisibles. Nul besoin de libre arbitre.

Concernant la responsabilité individuelle, il ne faut pas confondre expliquer et excuser, comprendre et pardonner. Comment concilier le déterminisme et la responsabilité qui suppose le libre arbitre ? Tout d’abord, il ne s’agit pas de contester que l’auteur d’un acte répréhensible soit victime d’un déterminisme ni que la punition ne réparera pas le mal causé. Il faut punir le coupable avant tout pour le dissuader de récidiver et pour convaincre ceux qui voudraient l’imiter d’y renoncer. La sanction doit activer le processus cérébral de la crainte qui dissuadera le plus de monde possible de commettre des actes répréhensibles sans pour autant vouloir, par des peines cruelles, dissuader tous ceux que la génétique ou des désordres cérébraux ont rendu impassibles.

Le déterminisme biologique est ainsi compatible avec la notion de responsabilité et la punition des fautes.

Chapitre 11 – La peur du nihilisme – La peur que notre vie soit vide de sens revêt un aspect religieux et un aspect laïc. Les religions, notamment le christianisme, admettent désormais la théorie de l’évolution mais continuent d’affirmer que l’âme a été créée par Dieu, qu’elle fonde la dignité humaine et que c’est au nom de cette dignité et par amour pour Dieu, que nous obéissons à ses commandements et faisons preuve de solidarité et de sens moral. Pourtant, les religions font peu de cas de la dignité humaine lorsqu’elles conduisent des guerres et des massacres, qu’elles préfèrent voir des gens mourir en s’opposant aux recherches sur les cellules souches ou qu’elles déprécient la vie au profit de ce qu’elles promettent après. Les athées, quant à eux, qui voient l’esprit comme émergeant de la matière, ne sont pas dépourvus de sens moral. Le fait d’avoir un code moral est profitable à tous ceux qui y adhèrent car ils peuvent coopérer. L’évolution naturelle nous a ainsi dotés de valeurs indépendamment de toute croyance religieuse. Et puis en quoi une âme donnée par Dieu serait-elle plus humaine qu’un esprit produit par la matière ?

Certains ressentent une peur à l’idée que nous agissions de façon égoïste, en réponse aux ordres de la matière qui nous constitue. Ils ont tort d’être inquiets. La poursuite d’un intérêt égoïste nécessite de faire preuve de générosité dans des jeux à sommes non-nulle. Nous avons évolué pour coopérer dans certaines circonstances ce qui nous a doté d’un sens moral.  De plus, les autres valeurs humaines comme l’amour, la vérité, la beauté existent réellement dans nos vies. Qu’importe leur origine chimique.

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PARTIE IV – CONNAIS-TOI TOI-MEME

Après avoir réhabilité l’idée de la nature humaine, essayons d’en distinguer certains traits.

Chapitre 12 – Le contact avec la réalité – La complexité de notre cerveau nous dote d’extraordinaires capacités pour connaître le monde. Avons-nous accès au réel ou, comme l’affirment les relativistes, la représentation que nous nous en faisons, y compris par la science, n’est-elle que le résultat subjectif de notre culture ayant imprégné la table rase de notre esprit ? Ni l’un ni l’autre. Les mécanismes de notre cerveau ont évolué pour permettre aux individus de percevoir et d’interpréter les informations utiles à leur survie et à leur reproduction en les débarrassant des illusions trompeuses.

Nos facultés visuelles nous conduisent à catégoriser les objets et les êtres, par exemple selon leur race et leur sexe, en leur attribuant des stéréotypes. Les relativistes y voient de pures constructions sociales. Pourtant certains de ces stéréotypes sont vrais : par exemple, les statistiques montrent que les Noirs américains occupent des postes moins qualifiés que les Blancs. Ce stéréotype s’explique facilement par le fait que les Noirs ont longtemps été maintenus éloignés des bonnes universités, mais il est néanmoins vrai. Ainsi, la science ne doit pas renoncer à l’exploration de certains sujets au seul motif qu’il existe des stéréotypes.

Les tenants de la Table rase affirment aussi que le langage et les images sont la matière même de la pensée et qu’en conséquence, ils en constituent les limites. Plus encore, certains affirment qu’ils serviraient à véhiculer la pensée des puissants pour imposer leur point de vue. Cette théorie est démentie par de nombreux faits. Concernant le langage : les êtres qui ne parlent pas tels que les nourrissons et les animaux ont des pensées ; nos efforts pour exprimer une pensée montrent qu’elle précède le choix des mots ; enfin, nous comprenons des phrases ambiguës et discernons la pensée derrière des mots confus. Et concernant les images, il est évident qu’elles ne peuvent véhiculer tous types d’informations.

Chapitre 13 – Nos profonds désarrois – L’évolution nous a doté de facultés nécessaires pour résoudre les problèmes auxquels nos ancêtres nomades ont été confrontés pendant des millénaires. En revanche, faute de temps, elle ne nous a pas fourni les outils adaptés au traitement des abstractions qui jalonnent nos vies modernes. L’éducation doit donc combler cette lacune. Certains pédagogues veulent imprimer des savoirs sur les pages blanches qu’ils considèrent être les enfants. D’autres, inspirés par la théorie du bon sauvage, affirment que chacun peut apprendre par lui-même s’il est correctement stimulé. Tous se trompent. L’école doit détourner l’usage des outils dont nous disposons pour les mettre au service de savoirs récents tels que les mathématiques pour lesquels nous n’avons pas de disposition innée. En conséquence, apprendre n’est ni aisé ni agréable.

Nous avons également hérité d’intuitions qui étaient utiles à nos ancêtres mais qui nous empêchent aujourd’hui d’appréhender objectivement la réalité. Sous l’emprise de notre psychologie intuitive, nous concevons les êtres vivants comme des corps mus par un esprit présent de la conception à la mort. Or, la biologie moderne montre que les frontières sont floues entre la vie et la mort, entre un groupe de cellules et un fœtus, entre l’homme et l’animal. Tiraillés entre nos intuitions et la science, nous sommes incapables de trancher les questions de l’euthanasie, de l’avortement, de la recherche sur des cellules souches ou du statut des animaux. Nous en sommes réduits à décider au cas par cas avec comme objectif de limiter la souffrance et optimiser le bien-être.

Notre biologie intuitive nous conduit à attribuer aux êtres vivants une essence qui leur confère leur forme et leur énergie. Elle nous pousse à manger des aliments naturels afin de s’approprier cette essence et les bienfaits de l’environnement dans lequel ils se sont développés. Pourtant, les végétaux n’ont pas évolué pour être bons à manger. Naturel ne signifie pas bon pour notre santé. Pourtant, combinée avec notre difficulté à interpréter les statistiques, cette intuition provoque la peur des OGM et des produits chimiques alimentaires.

Guidés par notre économie intuitive, nous sommes enclins à échanger des biens dans une logique de don contre don avec recherche d’égalité. La fixation des prix par le marché fait appel à une logique contre-intuitive apprise plus récemment. Confondre les deux types d’échange peut conduire à de graves malentendus.

Enfin, après l’inadaptation de ses compétences et de ses intuitions innées, le caractère fini de son espace de vie apparait également comme une limite pour l’humanité. Depuis longtemps, des économistes comme Malthus prédisent que la surpopulation et l’épuisement des ressources causeront sa fin. Jusqu’à présent, l’esprit humain en manipulant et en combinant les idées pour en produire de nouvelles a fait mentir les prophètes de malheur et il continuera. La question qui se pose est de savoir si les idées indispensables à sa survie arriveront à temps ?

Le conflit entre nos intuitions et la science se poursuivra comme l’ont montré encore récemment les développements de la mécanique quantique. L’esprit gardera toujours une part de mystère à commencer par l’existence du libre arbitre que la science ne parvient pas à localiser.

Chapitre 14 – Les nombreuses racines de nos souffrances – La théorie du gène égoïste, popularisée par Richard Dawkins qui poursuivit le travail de Robert Trivers, a permis d’expliquer de façon élégante les comportements humains et nous a ouvert les yeux sur les racines de nos souffrances. Elle a expliqué les raisons de l’altruisme par népotisme, c’est-à-dire la coopération entre des personnes partageant des intérêts génétiques : parents et enfants, couples ayant une descendance commune… Sur le plan politique, l’altruisme par népotisme a fait échouer toutes les sociétés collectivistes qui avaient mal évalué la force des liens familiaux. Cet altruisme se traduit aussi, lorsqu’il a été bien compris par les dirigeants politiques, par l’utilisation de métaphores familiales telles que mère patrie ou de références à un même sang.

Pour autant, la famille n’est pas un havre de paix. Chaque individu partage 50 % de ses gènes avec ses frères et sœurs mais 100% avec lui-même. Il demande donc l’impossible à ses parents : lui consacrer deux fois plus de temps et d’énergie qu’à chacun des autres membres de sa fratrie. Inévitablement insatisfait, il se jugera lésé. Dans leur désir commun de reproduction, les femmes et les hommes ont des intérêts génétiques divergents. Les premières, dotées d’un potentiel reproductif limité, privilégient la qualité génétique de leurs partenaires ; les seconds donnent la priorité à la quantité des rapports, leurs capacités de reproduction n’étant limitées que par le nombre de femmes disponibles. Dans les sociétés patriarcales le potentiel de reproduction des femmes est une richesse contrôlée par le père, les frères ou le mari. Alors que ces valeurs n’ont plus lieu d’être à l’heure où les femmes peuvent maitriser leur fertilité, leur persistance illustre la puissance de la nature humaine.

Les conflits entre les membres d’une même famille, unis génétiquement par leur ascendance ou par leur descendance, sont également des sources d’émotions intenses et de souffrances. Ces sentiments forts sont destinés à conserver les liens familiaux, précieux et fragiles. La légende d’Antigone témoigne depuis bientôt 2500 ans du caractère universel de ces sentiments.

Les individus qui unissent leurs forces réussissent mieux que ceux qui agissent seuls. Toutefois, l’altruisme inconditionnel entre personnes non apparentées ne peut fonder une société comme en atteste l’échec systématique des expériences de partage communautaire, quelle qu’en soit l’échelle. Seul a évolué l’altruisme réciproque permettant une coopération équilibrée et la punition des tricheurs. Notons qu’il permettait curieusement la coexistence d’individus plus ou moins généreux. Cette hétérogénéité pourrait être le résultat de la sélection par la fréquence, de la possibilité de la coexistence de plusieurs traits génétiques à condition que cette diversité soit bénéfique à la société ou que ses effets néfastes ne soient pas trop pénalisants. Cette logique permet d’expliquer qu’une faible proportion de psychopathes puissent échapper à la sélection naturelle, et, de façon plus générale, l’existence du mal dans la société.

Enfin, la tromperie étant un des fondements de la communication animale, notre espèce a évolué de façon à ce que nos mensonges ne soient pas trahis par des signes physiques. Pour cela, une partie de notre cerveau est capable de se persuader de leur vérité et nous permet de revêtir le masque de la bonne foi. Cet aveuglement, ou capacité à nous tromper nous-même, nous conduit à surestimer nos capacités, nos talents, notre légitimité. Nous sommes ainsi mal équipés pour régler des conflits ou de simples différends de façon rationnelle et juste, chaque partie ayant une idée erronée de sa situation.

Chapitre 15 – L’animal moralisateur – Les philosophes de la morale considèrent que les actes qui ne nuisent à personne ne peuvent être immoraux. Pourtant, des tests montrent qu’une majorité de personnes jugent immoraux certains actes imaginaires qui ne portent préjudice à personne : avoir un rapport sexuel avec un poulet mort avant de le manger, faire des chiffons à poussière avec un vieux drapeau…, de façon émotionnelle, sans pouvoir justifier leur jugement.

La sociologie a identifié trois sphères morales. Deux d’entre elles, l’éthique de la communauté relative aux mœurs des groupes sociaux et l’éthique du divin relative à l’exaltation de la pureté et de la sainteté, sont présentes dans toutes les sociétés. L’éthique de l’autonomie portant sur les droits de l’individu et l’équité n’existe que dans certaines cultures, notamment occidentales et asiatiques.

La confusion entre une position morale et un sentiment viscéral atavique est courante. Par exemple, vouloir respecter l’éthique de la communauté peut conduire à accepter des pratiques telles que l’excision ou à l’obéissance aveugle à une personne prestigieuse. L’éthique du divin peut quant à elle motiver la ségrégation raciale. Une position morale se distingue du sentiment viscéral atavique par la possibilité d’expliquer la position en question sur la base du principe de traiter les autres comme nous voudrions qu’ils nous traitent.

L’attitude moralisatrice inhérente aux humains peut être illustrée par de nombreux exemples. Ainsi, les tabous, ces jugements moraux indiscutables et parfois infondés concernant souvent la santé, l’environnement ou l’adoption, s’affranchissent de tout raisonnement. Par ailleurs, certaines pratiques hier immorales sont devenues des choix de vie : le divorce, l’homosexualité… d’autres ont suivi le chemin inverse : la consommation de viande, ou le tabagisme… La démarche est la même, seul change le contenu. Cette propension au jugement moral nous fait perdre de vue le critère de décision rationnel : l’évaluation des coûts et des bénéfices.

Ces considérations invitent, pour ne pas tomber dans des idéologies dangereuses, à observer les questions qui se posent à nous de façon rationnelle.

Comprendre la nature humaine – The Blank Slate – Résumé

PARTIE V – LES SUJETS EPINEUX

Cherchons un terrain d’entente, éclairés par les avancées récentes des sciences humaines, sur les cinq sujets particulièrement épineux qui sont abordés dans la suite.

Chapitre 16 – La politique – La fracture qui définit la gauche et la droite politiques apparait dès l’antiquité. Dans la pensée moderne, elle sépare la tradition sociologique et la tradition économique. La première, défendue par Hegel, Marx ou Durkheim, conçoit la société comme une entité organique dont les individus sont de simples éléments. Pour la seconde, à laquelle appartiennent Hobbes, Rousseau ou Smith, la société est constituée d’individus qui recherchent leur intérêt personnel, mais qui ont renoncé à une partie de leur autonomie dans le cadre d’un contrat social qui les protège des intérêts rivaux. Dans les grandes lignes, la tradition sociologique correspond à la gauche, la tradition économique à la droite.

La distinction entre la gauche et droite se retrouve aussi dans l’opposition des visions tragique et utopiste. Dans la vision tragique, les humains sont limités en sagesse, en savoir et en vertu. La société a donc besoin des garde-fous que sont la famille, les traditions, la religion et les institutions politiques. Dans la vision utopique, au contraire, l’organisation sociale modèle des individus dénués de nature innée. Il faut donc trouver l’organisation qui apportera le plus de bonheur à chacun. Plutôt que d’avoir un marché libre, protégé par une police puissante, mieux vaut donc lutter contre la pauvreté, la maladie et le chômage grâce aux lois et à la redistribution, afin de rendre les individus heureux et honnêtes. La vision tragique, défendue par Hobbes, Smith, Friedman ou Popper, correspond plutôt à la droite, la vision utopique, celle de Rousseau, Godwin ou Condorcet, à la gauche.

La théorie de l’évolution a réfuté les doctrines de la Table rase, du Bon Sauvage et du Fantôme dans la machine. Elle a du même coup validé la vision tragique et permis d’identifier les traits suivants de la nature humaine :

  • la primauté des liens familiaux conduisant au népotisme et à l’importance de l’héritage,

  • la limitation du partage communautaire à la réciprocité,

  • la violence et la volonté de dominance liées à des mécanismes génétiques et neurologiques,

  • l’ethnocentrisme et l’hostilité entre groupes au sein de chaque société,

  • la transmission partielle de l’intelligence, de la conscience et des tendances antisociales induisant des inégalités rendant nécessaire un compromis entre liberté et égalité,

  • une propension de chaque individu à surestimer son autonomie, sa sagesse et son intégrité,

  • la confusion entre moralité et conformisme, et entre haut rang social, propreté et beauté.

L’histoire des révolutions illustrent certaines de ce caractéristiques. La Révolution française de 1789 et la Révolution russe de 1917 étaient fondées sur des idéaux, ainsi que sur la confiance dans la capacité de leurs chefs à les mettre en œuvre et à y demeurer eux-mêmes fidèles. Ces révolutions ont conduit à des bains de sang, la première se terminant par l’arrivée au pouvoir de Napoléon, la seconde par un désastre généralisé.

En revanche, la Révolution américaine a accouché d’une constitution qui reconnait le droit inaliénable de chaque individu à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur, qui encourage les échanges et l’altruisme réciproque et qui vise à limiter les effets du besoin de dominance par la séparation des pouvoirs, en confiant notamment au Congrès, non au Président, la décision de déclarer la guerre. Ainsi, l’État démocratique américain n’est pas un super-organisme mais un ensemble de citoyens liés par un accord qui protège leurs droits. Néanmoins, bien que respectant les principales caractéristiques de la nature humaine, cette constitution ne reconnaissait des droits qu’aux blancs et elle a permis le génocide des Indiens, l’esclavage et la ségrégation.

Après que la science a démenti la vision utopique, certains penseurs de gauche ont modifié leur paradigme afin d’intégrer l’existence d’une nature humaine. Leurs engagements consistent désormais dans le refus de baisser les bras devant les souffrances évitables des faibles et des pauvres, la volonté de compenser par des mesures sociales les effets de l’inégale distribution de l’intelligence dans la population et, plus concrètement, la défense de l’obligation de cotiser pour une couverture maladie. Ce dernier point se fonde sur des études montrant que les individus sont habités par la soif du statut. Ils sont prêts à sacrifier leur couverture maladie pour des biens plus visibles tels qu’une maison ou une voiture. Le fait que les personnes qui restent au bas de l’échelle sociale peuvent présenter de graves désordres psychologiques et sanitaires atteste que la recherche du statut est dans notre nature. Rendre obligatoire une couverture maladie permet d’en atténuer les effets néfastes. Renonçant à la vision utopique manifestement erronée, la gauche darwinienne fonde désormais son combat pour réduire les inégalités sur le constat que le bien être des individus est directement lié à leur statut social.

Chapitre 17 – La violence – Depuis la préhistoire, les hommes se font la guerre avec une cruauté qui semble n’avoir pour limite que leur imagination. Beaucoup de sociologues voient la violence comme un comportement appris et incriminent les médias, les armes à feu, certains modes de vie, notamment celui des États-Unis. Pourtant les statistiques ne corroborent pas ces thèses. La violence est bien antérieure aux médias et aux armes à feu et elle fait aujourd’hui bien plus de morts dans des anciennes républiques soviétiques et le tiers monde qu’aux États-Unis. Il faut se résoudre à admettre que la violence résulte de l’évolution comme en attestent sa présence dans toutes les sociétés, le développement de la partie supérieure du corps de l’homme, le rôle de la testostérone ou encore le comportement combatif des enfants autour de deux ans.

Examinons les causes de la violence découvertes par Hobbes dans Léviathan et confirmées quatre siècles plus tard par la biologie évolutionniste. La première cause de la violence est la rivalité, la volonté de s’approprier la terre, les ressources, les femmes des communautés situées hors du cercle dans lequel s’appliquent ses propres règles morales.

La deuxième cause de la violence est la méfiance, la crainte réciproque : deux personnes ou deux groupes, craignent que l’autre veuille s’approprier ses biens ou ses terres et tombent dans ce qu’il est convenu d’appeler le piège Hobbesien : par souci de sécurité chaque partie passe des alliances afin d’avoir la supériorité numérique et acquiert des armes toujours plus nombreuses et puissantes, jusqu’à ce qu’éclate un conflit d’ampleur.

La troisième cause de la violence est la gloire ou l’honneur. De façon cohérente avec la méfiance, il s’agit de sanctionner le moindre signe d’hostilité pour montrer aux agresseurs potentiels sa détermination à riposter. La violence fondée sur l’honneur est pratiquée principalement par les détenteurs de biens faciles à voler qui ne peuvent pas compter sur l’intervention de la police : les éleveurs du sud des États-Unis qui ne possèdent que leur troupeau, les truands qui détiennent de la drogue, de l’argent ou des objets volés… Cette violence qui s’exerce pour renforcer les droits de propriété en l’absence de recours légal touche moins les grandes villes.

Ainsi, la violence à l’échelle individuelle ou entre les nations n’est pas une pulsion irrationnelle ni une pathologie, mais une conséquence des relations entre organismes sociaux rationnels soucieux de leurs intérêts personnels. Pour la prévenir, Hobbes propose un État doté d’une police et d’une justice efficaces. Encore une fois, l’expérience lui donne raison : les crimes et délits augmentent lorsque la police s’affaiblit.

L’analyse lucide des causes de la violence permet de discerner des antidotes. Ainsi, l’élargissement du cercle moral permet de limiter les effets de la rivalité et de l’appât du gain. L’affirmation je ne vous attaquerai pas le premier mais je vous rendrai coup pour coup si vous m’attaquez, supprime à la fois l’appât du gain et la méfiance, deux des causes de la violence identifiées par Hobbes. Mais la ressource la plus prometteuse est d’exploiter le caractère ouvert de la rationalité. Lors de la crise des missiles de Cuba : réalisant qu’ils étaient tombés dans le piège hobbesien de la surenchère et voyant se préciser la perspective d’une guerre nucléaire, Kennedy et Khrouchtchev ont su abandonner leur logique initiale pour monter d’un cran et poursuivre leurs négociations pour trouver un compromis excluant l’anéantissement de leur pays. Ils ont fait usage du caractère ouvert de la rationalité, cette capacité de changer de logique pour éviter un événement qui semble inéluctable.

Nous avons hérité de la manière dont nos ancêtres réglaient leurs différends. Pour en tirer le meilleur parti il est nécessaire d’en prendre conscience et de renoncer à la théorie fausse du Bon Sauvage.

Chapitre 18 – Hommes et femmes – Après des millénaires d’oppression, la libération de la femme est une des grandes réalisations morales de notre espèce. Elle est le résultat de trois principales causes : l’extension du cercle moral, qui a également conduit à l’abolition de fléaux comme l’esclavage, le progrès technique qui a allégé les tâches ménagères mais surtout le mouvement féministe. On distingue en son sein l’opposition entre :

  • le féminisme de l’équité, héritier des Lumières, qui se bat contre les discriminations, en restant à l’écart de la psychologie et de la biologie,

  • le féminisme des genres, fondé sur les trois affirmations suivantes :

    • les différences entre les hommes et les femmes, en dehors des organes génitaux, n’ont rien à voir avec la biologie mais dépendent de l’attente des parents et de la société,

    • la vie sociale se résume à la façon dont s’exerce le pouvoir dont il est l’unique enjeu,

    • les relations humaines n’obéissent pas à des motivations individuelles mais à des rapports de forces entre des groupes, comme la domination du genre féminin par le genre masculin.

La visibilité médiatique des extrémistes des genres qui affirment que toute relation hétérosexuelle est un viol ou que toutes les femmes devraient être lesbiennes, discrédite à tort les militants de l’égalité. Plutôt que de nier les différences entre les sexes leur analyse permet de comprendre qu’elles sont compatibles avec le féminisme.

Les statistiques indiquent qu’en moyenne, les hommes disposent de meilleures capacités de représentation dans l’espace, qu’ils sont plus violents et moins fidèles que les femmes qui, en ce qui les concernent, sont plus attentives à leurs enfants, s’expriment mieux et ont de meilleures capacités relationnelles que les hommes. Au-delà des chiffres, les arguments suivants attestent de la réalité des différences entre les sexes :

  • dans toutes les cultures, on retrouve la même division du travail, la propension des hommes à la violence et les mêmes jeux de séduction. S’il n’existait pas de différence biologique, il est peu probable que le hasard ait systématiquement attribué le même comportement à chacun des deux sexes,

  • les différences physiques et psychologiques constatées entre les hommes et les femmes correspondent aux contraintes biologiques de la reproduction et à la nécessité pour les femmes de s’investir davantage pour avoir une descendance alors que les mâles entrent en compétition pour pouvoir s’accoupler,

  • les organes sexuels masculins et féminins produisent des hormones différentes qui affectent le comportement. La testostérone, secrétée par l’organisme ou prise par injection, provoque, chez les deux sexes, une excitation et une tendance à la violence alors que le taux d’œstrogène affecte le comportement des femmes au cours de leur cycle menstruel,

  • plusieurs études montrent que de jeunes garçons privés de pénis, suite à une malformation ou à un accident, et opérés pour changer de sexe, ont un comportement masculin et se sentent prisonniers d’un corps féminin, alors que leurs parents et la société attendent d’eux qu’ils agissent en femme.

Bien entendu, si les différences biologiques entre les sexes existent, elles ne justifient aucune domination.

Une des principales inégalités que subissent les femmes tient dans le fait qu’elles ont en moyenne des salaires inférieurs à ceux des hommes et un accès plus restreint aux postes à responsabilités. S’il n’est plus à démontrer que les femmes peuvent occuper des postes à haut niveau ni que la discrimination dans le travail est une réalité, les proportions d’hommes et de femmes qualifiés dans chaque domaine doivent-ils strictement être les mêmes ? On constate qu’une majorité de femmes choisissent des professions nécessitant des qualités relationnelles ou artistiques, alors que les hommes s’orientent davantage vers des activités scientifiques et théoriques plus rémunératrices. De plus les femmes choisissent souvent de consacrer du temps à leurs enfants au détriment de leur carrière, ou décident d’arrêter de travailler. Ces choix correspondent à leurs spécificités biologiques. Vouloir la parité suppose que nous soyons des tables rases. Toutefois, ces constats ne portent que sur des moyennes et ne doivent pas devenir des règles conduisant à barrer la route aux femmes qui optent pour les mathématiques, la modélisation 3D ou qui aspirent à des postes à responsabilités.

Le féminisme doit défendre le droit des femmes de choisir leur vie professionnelle suivant leurs aspirations et s’abstenir de leur assigner l’objectif de faire mieux que les hommes dans tous les domaines. Loin de nier la réalité de la discrimination envers les femmes ou de plaider pour un statu quo, il s’agit de laisser les femmes libres de leur choix et permettre à chacun de trouver sa place dans la société.

Le viol est une autre question brûlante relative aux relations entre les sexes. Jusque dans les années 1970, les victimes étaient traitées avec une désinvolture scandaleuse par les tribunaux. L’ouvrage Le viol de Susan Brownmiller paru en 1975 eut le mérite d’ouvrir le débat du consentement. En revanche sa thèse ne mérite pas son statut de catéchisme moderne. Elle affirme en effet, en se fondant sur la théorie de la table rase, que le viol n’a aucun rapport avec la sexualité, qu’il est une arme de la domination masculine promue par la société patriarcale et qu’il faut donc changer la société et l’éducation des hommes pour l’éradiquer. Cette thèse se fonde également sur la doctrine du bon sauvage : les relations sexuelles sont naturelles donc bonnes. Le viol est mauvais, donc il ne peut pas être naturel.

Une étude réalisée en 2000 par Thornhill et Palmer fait une hypothèse alternative en décrivant le viol comme une stratégie de reproduction opportuniste issue de l’évolution : les hommes rejetés par les femmes violent pour se reproduire, transmettant ainsi leurs gènes et en particulier ceux qui les ont poussés au viol. Les victimes quant à elles souffrent du risque de procréer avec un partenaire qu’elles n’ont pas choisi pour la qualité de ses gènes ni pour son désir de s’impliquer dans l’éducation de l’enfant. Le viol est ainsi une façon pour l’homme de faire prévaloir ses intérêts reproductifs sur ceux de la femme. Thornhill et Palmer se sont vu reprocher de tenter de légitimer le viol alors qu’ils ne cherchaient qu’à en comprendre les causes.

De nombreux autres éléments confortent leur hypothèse et attestent que le viol est lié à la sexualité :

  • il existe dans le règne animal et dans toutes les sociétés humaines,

  • il implique rarement des blessures ou le meurtre de la victime,

  • la majorité des femmes violées sont en âge de procréer, leur âge moyen est de 24 ans,

  • les auteurs de viols sont généralement des hommes jeunes. Si la société leur avait appris à violer, il serait logique qu’ils continuent une grande partie de leur vie.

Par ailleurs, on constate une recrudescence de viols en période de guerre ou d’effondrement des repères sociaux. Si la société promeut le viol, son effondrement devrait au contraire le faire disparaître.

Enfin, l’affirmation de l’absence de lien entre le viol et la sexualité décourage la recherche de solutions biologiques telles que la castration chimique destinées à agir sur les pulsions sexuelles.

La discrimination envers les femmes est inacceptable et le viol est un crime. Pour progresser dans ces deux domaines, il faut distinguer les forces à l’œuvre en s’appuyant sur des données scientifiques et en accompagnant les féministes de l’équité plutôt que d’opter pour les impasses idéologiques des féministes des genres.

Chapitre 19 – Les enfants – La génétique du comportement a permis d’établir, à partir du traitement de données quantifiées par des outils statistiques rigoureux, les trois lois suivantes :

  • 1e loi : tous les traits de comportement humains sont héritables,

  • 2e loi : l’effet d’être élevé dans la même famille est moins grand que l’effet des gènes,

  • 3e loi : une proportion substantielle des variations dans les traits du comportement humain ne s’explique pas par les effets des gènes ni par ceux de la famille.

Ces lois sont souvent mal interprétées dans le débat nature-culture malgré leur robustesse. Examinons-les.

1e loi – Les études réalisées sur de vrais et de faux jumeaux, élevés ensemble ou séparément, établissent qu’environ 40 à 50% de la personnalité, des variations de l’intelligence et des événements de la vie sont héritables. Il en va donc ainsi de l’aisance verbale, de la profondeur des sentiments religieux, de l’ouverture intellectuelle, de l’extraversion, de la stabilité émotionnelle ou des démêlés avec la justice.

2e loi – L’environnement partagé est ce qui influence de la même façon les membres d’une fratrie : les parents, le milieu… L’environnement unique est ce qui influence spécifiquement un membre de la fratrie : favoritisme des parents, maladies graves, accidents… Les études réalisées sur de vrais et de faux jumeaux, élevés ensemble ou séparément, sur des frères et sœurs, élevés ensemble ou séparément et sur des frères et sœurs adoptifs, montrent que l’influence de l’environnement partagé est faible, entre 0 et 10 %.

3e loi – Le traitement statistiques des données recueillies montrent que l’environnement unique est responsable de 50% des traits du comportement. C’est pourquoi notamment les vrais jumeaux élevés ensemble présentent des variations en termes d’intelligence et de comportement.

Ces résultats portent sur des variations au sein d’une large classe moyenne américaine incluant des environnements éducatifs et philosophiques très variés. Toutefois, ils ne s’appliquent pas aux cas de maltraitance, de viol ou d’abandon d’enfant. Par ailleurs, la corrélation entre des gènes et des traits de comportement ne signifie pas systématiquement un lien direct de cause à effet.

Les experts du comportement ont tous leurs conseils pour rendre les enfants intelligents et équilibrés. En suivant leur raisonnement, les enfants élevés dans une même famille devraient se ressembler. Or ce n’est pas le cas. Ces conseils sont des balivernes. Ils se fondent sur le postulat d’un lien de cause à effet entre le comportement des parents et celui des enfants et ignorent l’influence des gènes et celle du comportement des enfants sur l’attitude des parents. La génétique du comportement a établi à partir de données statistiques que les traits comportementaux d’un enfant ne sont pas affectés par la taille de sa fratrie, son rang de naissance, ni par le fait que sa mère travaille ou non que ses parents soient mariés ou non, comme l’indique la 2e loi.

En 1988, Judith Rich Harris a publié l’ouvrage The Nurture Assumption – Le présupposé de la culture – dans lequel elle démontre que ce qui, dans la construction de la personnalité de l’enfant, ne vient pas des gènes vient des pairs, de la fréquentation des autres enfants. Cette théorie de la socialisation par le groupe, très critiquée en son temps, s’appuie sur de nombreux constats :

  • les enfants sont attirés par les normes de leurs pairs et imperméables aux attentes de leur parents,

  • les enfants d’immigrants parlent sans accent la langue du pays d’accueil contrairement à leurs parents,

  • les jeunes taguent les murs comme leurs pairs mais ne font pas le ménage comme leurs parents.

Réduisant l’influence des parents au choix d’un environnement et donc de pairs ainsi qu’à la transmission de savoirs The Nurture Assumption apporte une contribution majeure au débat.

Mais la socialisation par le groupe n’explique pas entièrement la personnalité. Le message génétique étant insuffisant à coder le détail des connexions des neurones, le hasard joue également un rôle important dans la construction du cerveau et par conséquent de la personnalité.

Si l’attitude des parents est presque sans effet sur la personnalité des enfants, cela n’enlève rien au fait qu’ils doivent les entourer de bienveillance et d’affection par impératif moral et pour partager un bonheur réciproque.

Chapitre 20 – L’art – Depuis déjà longtemps, les professionnels de l’art, universitaires, critiques et artistes, se plaignent d’un désintérêt général pour les arts et du déclin de la culture. Pourtant, la consommation d’art et de culture sous toutes leurs formes n’a jamais été aussi aisée et intense. En réalité la crise est limitée :

  • aux arts d’élite traditionnels, tels que la musique classique jouée par de grands orchestres ou les ballets exécutés par des compagnies prestigieuses, qui souffrent d’un répertoire peu renouvelé,

  • aux critiques dont l’influence s’est réduite,

  • aux universités dont le travail peu accessible est souvent tourné en dérision.

L’art est dans notre nature, il est présent dans toutes les cultures humaines et possède des caractéristiques universelles : partout la virtuosité est admirée, partout l’art est un plaisir inutile ne visant qu’à déclencher un ressenti, partout il s’offre au jugement, partout il est traversé par les styles et fait appel à l’imagination.

Ses racines du plaisir qu’il nous apporte se trouvent dans ce qui a favorisé la vie de nos ancêtres. En examinant un environnement, ils aimaient distinguer des éléments reconnaissables qui leur permettaient de se l’approprier et de s’y épanouir : des lignes régulières, une topographie structurée et lisible, des bruits familiers, de l’eau… Les arts sont ainsi des recombinaisons à l’infini, imaginées par l’esprit humain, de tout ce qui permet de lire le monde dans tous les domaines : visuels, auditifs…

Les sondages réalisés dans des cultures très différentes pour connaitre les préférences picturales des individus ont obtenu les mêmes réponses : des paysages réalistes peints avec douceur, représentant des femmes, des enfants, des animaux et des personnages héroïques. La question de l’universalité des goûts est pertinente.

L’art intègre en outre l’élément psychologique qu’est la quête de statut. L’amateur qui consacre beaucoup d’argent à des choses inutiles revendique un statut élevé. Quant à l’artiste, tel un paon qui fait la roue, il exhibe ses heureuses dispositions et la qualité de ses gènes dans ses créations qui impressionnent ses admirateurs.

Puis, au début du XXe siècle, est arrivé le modernisme. Par des œuvres déroutantes, l’art voulait rappeler au public que le monde était déroutant et lui faire retrouver sa sensibilité émoussée par la routine. Les années 1970 furent celles du post-modernisme qui engagea, sur les plans artistique et philosophique, une critique de la recherche de la vérité et du progrès, rejetant la consommation de masse pour viser l’expérience authentique. Les œuvres, qui tournaient délibérément le dos aux normes de la beauté jugées arbitraires, étaient inséparables d’explications destinées à leur donner du sens. Alors que l’art se démocratisait grâce aux livres de poche, aux disques et au cinéma, le post-modernisme avait créé une nouvelle élite d’érudits et de critiques jargonnant.

La crise de l’art dont se plaignent les acteurs du secteur est une révolte contre le modernisme et le post-modernisme qui ont considéré que les goûts artistiques et la beauté étaient des constructions sociales. Il apparait aujourd’hui que comprendre les émotions artistiques nécessite de connaitre le fonctionnement de l’esprit humain grâce aux sciences cognitives. L’émotion que nous font éprouver les grandes œuvres est la preuve qu’elles parlent à notre nature et que leur beauté n’est pas une construction de l’époque.

Comprendre la nature humaine – The Blank Slate – Résumé

Conclusion – La voix de l’espèce – La théorie de la Table rase qui avait pour ambition d’éradiquer des fléaux tels que le racisme, le sexisme ou les préjugés de classes, a finalement été impuissante contre les totalitarismes. Ignorant les avancées de la science, elle a fait croire à des mythes, tels que le caractère interchangeable des filles et des garçons, la primauté de l’environnement social pour expliquer les différences d’intelligence, ou le fait que la beauté dans l’art est une notion construite. La Table rase est une abstraction théorique qui s’oppose à la vie et à l’humain en ce qu’elle nie notre humanité commune, nos intérêts fondamentaux et nos préférences individuelles. Les romanciers et les poètes ont su dire ces choses mieux que personne.

6 réflexions sur “Comprendre la nature humaine – The Blank Slate. Steven Pinker

  1. Bonjour Joël, 

    J’espère que vous allez bien ainsi que votre famille. 

    Merci encore pour les photos. Il y a deux semaines, une amie m’a également envoyé le même livre, mais en version originale. J’ai lu un petit peu. Mais j’ai eu vraiment du mal à finir ce livre…(Merci donc pour cet article 😊)  Déjà je n’aime pas du tout son style. Mais là, c’est une question de goût 😁 Puis, vous avez raison, je ne partage pas son point de vue 😂

    Amicalement,
    Ester

    Aimé par 1 personne

  2. Bonjour Ester, je suis désolé que vous n’ayez pas aimé le livre et en même temps je suis content que vous l’ayez lu (en plus en anglais ce qui permet d’éviter les approximations de la traduction et le titre prétentieux en français). C’est toujours une bonne chose de lire des auteurs avec lesquels nous ne sommes pas d’accord : on conforte et on affine ses idées pour qu’elles résistent à leurs arguments et c’est toujours profitable. (Je ne suis pas d’accord avec tous les livres que je résume sur le blog et dans ce cas j’ajoute un commentaire) Bon, quitte à aggraver mon cas, je dois reconnaitre que The Blank Slate m’a plu (est ce que j’ose dire qu’il m’a enthousiamé ?) parce qu’il me parait coller à la « ma » réalité, à ce que je crois constater autour de moi. Il s’inscrit à mon sens dans la lignée du Gène égoïste de Dawkins qui est mon livre de référence.
    Merci en tout cas pour votre commentaire, il faut confronter les points de vue pour avancer et les désaccords n’empêchent ni l’amitié ni l’estime.
    Joël

    Aimé par 1 personne

  3. Bonjour Joël, j’ai l’impression d’avoir répondu ici.. Oui je suis d’accord avec vous, on peut nous armer en lisant la perspective différente de la notre. En effet, si je comprends bien, Pinker et un psychologue évolutionniste dont la perspective n’est pas seulement différente mais opposée à la psychologie féministe que je préconise. J’apprécie beaucoup nos discussions, que malgré notre perspective différente ou même opposée 🤓, nous pouvons toujours discuter agréablement. En vous souhaitant un bon dimanche. A bientôt. Amicalement, Ester.

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  4. Merci pour cette analyse poussée. Je reste sur une ligne malgré tout mitigée. L’Etat et l’Unité peuvent faire le Job, l’individu aussi. Trop donner de force à la science sans tenir compte des humanités, propres à la nuance, au compromis, me paraît dangereux. Hawkins réfute l’idée que la philosophie est une partenaire de la science. Je crois profondément le contraire. J’ai une vidéo intéressante sur ce sujet sur ma chaîne.
    Le gène égoïste, c’est normal. Toute recherche de limite, tout particularisme qui doit survivre au sein d’autres particularismes est en droit de rechercher sa propre survie. Mais pour qu’il comprenne que sa survie dépend du bonheur général sur la terre et de celui du groupe humain, ce gène doit s’en remettre à ses « concurrents » et trouver un compromis. Je pense que vous serez d’accord
    Merci pour votre analyse. J’ai beaucoup appris

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