Hugo Clément a donné une conférence le 2 octobre 2022 au festival du livre de Talloires LirOLac pour présenter son ouvrage Les lapins de mangent pas de carottes et plaider la cause des animaux, contre ceux qui les exploitent, auprès de ceux qui ne font rien.
Prise de conscience
La prise de conscience de Hugo Clément concernant la maltraitance animale est directement liée à son métier de journaliste qui lui a permis de visiter des chalutiers usines, des abattoirs, des élevages intensifs. Autant d’endroits qui ont définitivement changé son regard sur l’industrie de la viande et du poisson.
Il ne milite pas pour que tout le monde devienne végétarien ou vegan. Son propos vise à faire prendre conscience que 80 % des porcs et des poulets vivent dans des élevages intensifs sans voir la lumière du jour, les uns sur des caillebotis, les autres à 26 par mètre carré.
Les humains se croient supérieurs aux autres animaux alors qu’ils ne font que les dominer. Confondre domination et supériorité est une erreur. Ils oublient qu’ils sont une espèce très récente de singes, apparue il y a 300 000 ans. Savent-ils qu’il y a encore 30 000 ans, d’autres espèces humaines peuplaient la Terre ? Nous refusons de nous considérer comme un maillon de la chaîne du vivant alors que nous ne survivrions pas si la biodiversité s’appauvrissait trop. Nous ne règnerons pas sur un cimetière.
L’homme, animal supérieur ?
Nous nous croyons plus intelligents que les autres animaux parce que nous les jugeons selon des critères que nous avons choisis : la maitrise des techniques. Mais si on prend en compte le critère de l’adaptabilité nous sommes loin d’être les mieux placés.
Pendant la période du confinement nous nous sommes émerveillés de voir des animaux se réapproprier l’espace public. Lorsque la pression anthropique diminue, on constate l’extraordinaire résilience du monde animal.
L’action
En ce qui concerne le climat, il faut agir au niveau mondial pour espérer voir un résultat. En ce qui concerne la biodiversité, on peut agir à notre échelle, dans son jardin ou sur son balcon, et constater un effet rapide. La diminution de la biodiversité est perceptible. Il y a 20 ans, lorsqu’on faisait 200 kilomètres en voiture, on devait nettoyer son pare-brise. Aujourd’hui, ce n’est plus la peine.
À l’origine de l’action : l’empathie
L’empathie émotionnelle consiste à ressentir la souffrance que l’autre ressent. L’empathie cognitive, plus difficile à susciter, consiste à se mettre à la place de l’autre sans le voir.
Il y a quelques dizaines d’années, on a mis hors de portée de la vue la souffrance des animaux. Les vaches dans les champ et les poules en plein air sont très minoritaires et ne représentent que 15 % du total des animaux d’élevage. Il s’agit des plus chanceux.
Lorsqu’on croise le regard d’un porc dans un abattoir on éprouve immédiatement de l’empathie émotionnelle. Les abattoirs et les élevages intensifs sont rendus inaccessibles au public pour éviter ce sentiment immédiat et spontané. Seule l’empathie cognitive est alors possible sur la base de témoignages. Toutefois, elle est beaucoup plus lente, raisonnée et faible.
En France, 3 millions d’animaux sont abattus tous les jours soit 1 milliard par an. Dans le monde 2500 milliards de poissons sont pêchés tous les ans et le tiers est jeté.
Abattre 3 millions d’animaux par jour de façon respectueuse n’est pas possible. C’est pourquoi ces opérations sont réalisées à la chaîne, dans des installations qui détruisent aussi ceux qui y travaillent. La solution consiste dans le développement d’élevages artisanaux, ce qui implique de réduire sa consommation de viande.
Et les zoos ?
Les zoos veulent se donner l’image de protecteurs de la biodiversité, d’arches de Noé. Mais à quoi bon conserver des espèces en captivité si leur habitat a disparu et qu’elles n’ont aucun espoir de vivre à nouveau en liberté ? Les zoos prétendent également qu’ils ont un rôle pédagogique. Mais qu’y apprend-on sinon ce qui est écrit sur les pancartes ? Les animaux qui y vivent n’ont rien gardé de leur comportement en liberté. Ils dorment et attendent qu’on leur donne à manger. Certains zoos consacrent une partie de leurs gains pour conserver les habitats. C’est vrai, mais c’est aussi du marketing.
L’histoire du tigre blanc
Le destin du tigre blanc est révélateur de la démarche des zoos. Dans les années 1950, un riche indien captura un tigre blanc, tenant sa couleur d’une anomalie génétique. Pour avoir d’autres spécimens blancs, son propriétaire le fit se reproduire avec des femelles de couleur normale mais sans résultats. Les tigres étaient normaux. Puis, en faisant s’accoupler le tigre avec une de ses propres filles, il obtint des tigres blancs. Plusieurs zoos dans le monde firent ainsi l’acquisition de tigres blancs, descendant tous du même ancêtre capturé en Inde. Ces tigres trop voyants ne pourraient pas vivre en liberté. Leur avenir est donc dans les zoos.
Où en est-on en France
En France, peu de choses ont bougé. L’action de lobbies a permis d’interdire les animaux sauvages dans les cirques et les delphiniums ainsi que la vente de chiens et de chats dans les animaleries.
L’incitation à passer des élevages intensifs aux élevages artisanaux relève de la décision politique qui n’est pas prise aujourd’hui. Pourtant les élevages intensifs font disparaitre les petits éleveurs et ne sont rentables qu’en raison des subventions qu’il reçoivent.
Utilitariste et antispéciste
Un antispécisme raisonné se traduit par préférer les humains aux animaux mais préférer les animaux à un sac en cuir, un spectacle de corrida ou un steak. Il est compatible avec l’utilitarisme qui affirme que les animaux sont indispensables à la survie des humains.
Il est possible de trouver des solutions équilibrées pour les humains comme pour les animaux. Les rats à Paris entretiennent les écoulements dans les égouts. Les tuer conduirait à se priver de leur action. À Barcelone, plutôt que de tuer les pigeons ou de mettre des pics pour qu’ils ne se posent pas sur les bâtiments, on les nourrit avec des graines contenant un stérilisant, une solution efficace éloignée de toute radicalité.