La Commune. Histoire et souvenirs – Louise Michel

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Louise Michel

Le pouvoir est maudit, c’est pour cela que je suis anarchiste. (L.M.)

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La Commune. Histoire et souvenirs – Résumé

I – L’agonie de l’Empire

Alors que l’Empire déliquescent de Badinguet, alias Napoléon III, ne tenait plus que par la répression et par la peur qu’inspiraient sa police et sa justice aux ordres, alors que les tensions avec l’Allemagne devenaient de plus en plus vives, alors que les naïfs criaient A Berlin ! que des intellectuels se mobilisaient pour la paix et que les ouvriers de toute l’Europe revendiquaient leur lien fraternel, la guerre fut déclarée le 15 juillet 1870.

Bien des symptômes avaient jalonné cette agonie de l’Empire. Le 28 septembre 1864 à Londres naquit l’Internationale, liant tous les déshérités par-delà les frontières. En France, elle se déclina en un conseil fédéral, un comité central, des clubs et des comités de vigilance dans chaque arrondissement de Paris. L’Empire effrayé considéra l’Internationale comme une société secrète et poursuivit les internationaux déclarés ennemis de l’Etat. A partir de mars 1868, les procès se succédèrent. Les peines, d’abord clémentes, devinrent de plus en plus lourdes et l’amende de 100 francs se transforma en un an de prison au fil des procès. Les derniers condamnés ne purgèrent pas leur peine compte tenu des événements qui suivirent. Malgré cette répression, travailleurs allemands et français s’échangeaient des lettres appelant à la fraternité.

Au début de l’année 1870, le meurtre d’un journaliste de 21 ans, Victor Noir, par le cousin de l’Empereur, ajouta à la colère populaire. Pierre Bonaparte, souhaitant regagner les bonnes grâces de Napoléon III, avec qui il était brouillé depuis qu’il lui avait publiquement reproché sa mésalliance, projeta en gage d’apaisement d’éliminer Henri Rochefort, virulent député d’opposition exprimant ses critiques dans son journal La Marseillaise. Bonaparte avait envoyé à Rochefort une lettre injurieuse le mettant au défi de passer chez lui pour organiser un duel à l’épée. Cette invitation était visiblement un piège du fait de son caractère fort peu protocolaire, un duel étant habituellement organisé non par les adversaires eux-mêmes mais par leurs témoins. Alors qu’il attendait Rochefort armé d’un pistolet, Bonaparte fut dérangé pour une toute autre affaire : Paschal Grousset, journaliste et opposant à l’Empire, lui envoyait ses témoins, comme il est d’usage, pour le provoquer en duel. Déçu et agacé par ce contretemps, le prince tira sur ses visiteurs, tuant Victor Noir et, par maladresse, laissant la vie à son compagnon. Devant l’émotion populaire, Pierre Bonaparte fut arrêté pour lui éviter le lynchage. A son procès, il prétendit avoir répondu à un soufflet de sa victime et ne fut condamné qu’à 25 000 francs d’indemnité à la famille. L’enterrement de Victor Noir rassembla une foule en colère de 200 000 personnes encadrée par 100 000 militaires prêts à noyer tout début d’émeute dans le sang. Malgré la tension extrême et la volonté de certains de faire route vers Paris, Victor Noir fut comme prévu enterré au cimetière de Neuilly et l’Empereur ne vacilla pas.

Pour détourner l’attention de ses desseins belliqueux, l’Empire organisait de fausses tentatives d’attentats. Des mouchards fournissaient des bombes à des opposants avant de les faire saisir par la police lors de perquisitions opportunes. Ainsi, à Blois, des opposants furent condamnés aux travaux forcés au moment où la guerre fut déclarée.

Dès les premiers jours de combat, alors que l’armée française se vantait de sa parfaite préparation, il s’avéra vite que tout manquait : vivres, munitions, médicaments. La désorganisation était telle qu’un général ne trouva pas ses soldats à son arrivée à Belfort. La totale incompétence de l’état-major conduisit à un enchaînement de défaites jusqu’à ce que l’armée française fût prise en étaux à Sedan et qu’après un dernier bain de sang, l’empereur se rendît le 2 septembre 1870.

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II – La République du 4 Septembre

A Paris, dès le lendemain, malgré la propagande qui transformait chaque défaite en victoire, la tragique nouvelle se répandit. Les gardes municipaux, derniers défenseurs de l’Empire, furent vite submergés par une marée humaine rassemblée place de la Concorde au cri de Vive la République ! qui entra au Corps Législatif puis à l’Hôtel de Ville. Là, un gouvernement provisoire, dit de la Défense nationale, dirigé par le général Trochu, gouverneur de la place de Paris, fut désigné. Ce même jour, les opposants retenus dans les geôles impériales furent libérés. Paris était bien décidé à se défendre contre l’armée prussienne quel qu’en fût le prix. Désormais, on ne se battait plus pour Badinguet mais pour la République.

Pendant le mois de septembre rien ne changea : l’inexorable avancée de l’armée allemande était chaque jour démentie par la propagande. Les villes tombaient les unes après les autres : Metz, Strasbourg… jusqu’à Châtillon, Le Bourget. Les Allemands étaient aux portes de Paris.

Le 31 octobre, devant l’incompétence et les mensonges du Gouvernement, une foule conduite par plusieurs figures dont Flourens, activiste ami de Marx et opposant à l’Empire, envahit l’Hôtel de Ville. Trochu et ses ministres, pris par surprise, promirent la nomination de la Commune et l’impunité pour tous, avant l’arrivée de gardes nationaux bretons, restés fidèles au gouvernement, qui mirent fin à l’émeute. La Commune ne fut pas nommée et les meneurs furent incarcérés. Pour conforter son pouvoir, le gouvernement organisa et remporta un plébiscite à Paris le 3 novembre puis, pour ne pas renier sa promesse, des élections municipales suivirent. De nombreux maires furent reconduits. Des opposants arrêtés après le 31 octobre furent élus comme adjoints ou conseillés. L’opposition au gouvernement était constituée des quartiers populaires de Montmartre et Belleville ainsi que des comités de vigilance et des clubs favorables à l’Internationale.

Alors que Paris était assiégé et que ses habitants réclamaient une réaction, il fallut attendre le 19 janvier 1871 pour que le gouvernement laisse la garde nationale tenter une sortie. Malgré la bravoure des combattants qui pouvaient remporter la victoire, Trochu ne leur apporta pas l’appui nécessaire pour repousser l’ennemi. Cette trahison fut responsable du massacre de Montretout.

Le soir du 21 janvier, une troupe de quelques dizaines d’hommes libéra Flourens de la prison où il était détenu. Le 22, une foule dense se rassembla autour de l’Hôtel de Ville où des gardes nationaux bretons avaient été rassemblés par Trochu qui craignait un nouveau 31 octobre. Une fusillade éclata. De nombreux manifestants désarmés tombèrent parmi lesquels des femmes, des enfants et des vieillards. La riposte qui s’organisa depuis les maisons voisines ne put répondre au feu nourri des forces gouvernementales. Le soir même, un décret interdisait les clubs.

Fin janvier, ceux-là même qui proclamaient que Paris ne se rendrait jamais signaient l’armistice. Pourtant, la chute de Paris n’était pas synonyme de défaite et les prussiens auraient rencontré les plus grandes difficultés à poursuivre vers le sud. Mais, comme l’a écrit le colonel Rossel, l’organisation de guerre était défaillante dans tous les domaines : la fabrication des canons, la formation des soldats, la stratégie militaire. Lullier, un officier de marine, avait élaboré un plan visant à couper les communications des envahisseurs, stratégie qui avaient contraint les plus grands chefs militaires et Napoléon lui-même à battre en retraite. Rien ne fut tenté.

Conformément aux conditions de l’armistice signé le 26 janvier 1871, une assemblée fut élue le 8 février afin de signer le traité de paix et Adolphe Thiers désigné chef du pouvoir exécutif. L’entrée symbolique des prussiens dans Paris fut fixée au 1er mars. Pour ne pas faire couler inutilement le sang, le Comité Central de la Garde Nationale accepta de ne pas s’y opposer par les armes mais fit édifier des barricades séparant les zones qu’occuperait l’ennemi pendant les quelques jours de sa présence, des lieux de vie des parisiens. Les canons présents dans Paris seraient rassemblés à Montmartre, place des Vosges et en différents points de la ville. 

Le souffle de révolte, la soif de la liberté et la justice qui secouaient Paris déferlaient sur le monde : Cuba, la Grèce, l’Espagne, la Russie, l’Amérique, les Indes, l’Algérie colonisée… Partout les maîtres affolés n’hésitaient pas à faire couler le sang pour réduire au silence les exploités. Pourquoi en 1871 ? Les crimes des maîtres étaient peut-être plus grands ou, simplement, était-il l’heure que les choses changent.

En ces temps troublés, les femmes jouaient un rôle important. Voulant avant tout être utiles, elles ne ménageaient pas leurs efforts, toujours dans un esprit pragmatique. Les femmes ne se demandaient pas si une chose était possible, mais si elle était utile, alors on réussissait à l’accomplir.

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III – Les jours de la Commune

Fin février 1871, les gardes nationaux refusèrent de livrer les canons de la place des Vosges à des artilleurs envoyés par M. Thiers. Désormais, ils ne reconnaissaient plus l’autorité de leur commandant en chef et n’obéissaient qu’au Comité Central. Le 12 mars, les journaux hostiles au pouvoir furent interdits et les opposants à l’Empire durent se résoudre à communiquer par voie d’affiches placardées sur les murs de Paris. Personne ne croyait aux mensonges de M. Thiers qui, pour complaire aux Prussiens, invitait les parisiens à rendre les canons, achetés par souscription des gardes nationaux qu’il prétendait appartenir à l’Etat. Dans la nuit du 17 au 18 mars 1871, la foule s’opposa à l’armée entrée dans Paris pour s’emparer des canons de la Butte Montmartre. Le général Lecomte qui commandait le détachement ordonna par trois fois à ses soldats de faire feu. Un sous-officier, Verdaguerre, cria Crosses en l’air. Cela fut fait. Lecomte fut arrêté puis fusillé. Clément-Thomas, un officier de triste mémoire pour avoir réprimé dans le sang le soulèvement des ouvriers des ateliers nationaux en juin 1848, fut reconnu alors qu’il espionnait en civil pour le compte de M. Thiers. Il fut également fusillé et son cadavre rejoignit celui de Lecomte. Les autres officiers qui avaient participé à l’expédition de la Butte furent libérés au soir. Ce même 18 mars, le gouvernement s’enfuit à Versailles.

Pendant les jours qui suivirent, les affiches répondirent aux affiches. Celle du gouvernement appelaient les parisiens à l’ordre et à l’obéissance à l’assemblée élue, celles du Comité Central à l’établissement d’une véritable république et à des élections municipales à Paris. Pris par des scrupules de légalité qui ont fait trébucher tant de révolution, le Comité Central ne se fit remettre qu’une infime fraction des 3,3 millions de francs présents à la banque de France qui lui auraient assuré la victoire.

Le 23 mars, toujours par souci de se plier aux règles démocratiques, une délégation d’élus parisiens se rendit à Versailles pour demander à l’assemblée la tenue d’élections municipales à Paris. Mais avant qu’ils n’aient pu prendre la parole, dans une agitation indescriptible, le Président leva la séance. Le 25 mars, un manifeste placardé sur les murs de la capitale, signé par la majorité des maires et adjoints de Paris, des députés et des membres du Comité Central, annonça la tenue d’élections pour le lendemain dimanche 26. Aussitôt, M. Thiers déclara cette consultation sans valeur.

La mansuétude des gardes nationaux envers les parisiens restés fidèles au pouvoir se manifesta souvent. Le 22 mars, lors d’une manifestation contre révolutionnaire place Vendôme, en réponse aux premiers coups de feu, la plupart des gardes nationaux tirèrent en l’air. Les manifestants tués furent victimes de ceux des leurs qui ne savaient pas manier les armes.

Le 28 mars, le Comité Central déclara son mandat expiré et remit son pouvoir à la Commune composée d’une majorité de révolutionnaires et d’une minorité de socialistes. Elle se structura par la création de commissions et la nomination de délégués : guerre, finance, sûreté générale, enseignement, subsistance, justice, travail et échanges, relations extérieures, services publics.

Paris respirait d’un souffle nouveau. Des mesures destinées à ce que chacun pût vivre librement, décemment et sous la protection du droit furent prises : attribution de pension aux fédérés blessés et à leur femme, légitimes ou non, suppression du budget du culte et de la conscription… Les sciences et les arts n’étaient pas en reste et la création connut une période d’activité bouillonnante.

Par soucis de légitimité, la Commune attendit l’attaque de Versailles qui intervint le 2 avril au son du canon. Courbevoie fut prise puis perdue en quelques heures par l’armée de M. Thiers. Lorsque les soldats de la Commune y trouvèrent les cadavres des prisonniers fédérés, la décision d’attaquer Versailles fut prise. Dès le lendemain, deux corps d’armée, l’un dirigé par Flourens, l’autre par Duval, un ouvrier fondeur blanquiste membre de l’Internationale sortirent de Paris. L’attaque fut un désastre. Duval et ses hommes furent pris. Vinoy, commandant en chef de l’armée de Paris qui avait remplacé Trochu juste avant la capitulation ordonna son exécution immédiate avec deux de ses officiers. 

L’armée de Flourens essuya également un échec et dut battre en retraite. Ce dernier, bouleversé par la tournure des événements et par les reproches que lui faisaient ses soldats partit dans la campagne, accompagné de son chef d’état-major, Cipriani, qui tentait de le raisonner. Les deux hommes cachés dans une auberge furent vite capturés par les soldats de Versailles. Après que Flourens eut été reconnu par la découverte d’une lettre en sa possession, le capitaine de gendarmerie Desmarets fendit son crâne d’un coup de sabre. Cipriani, fait prisonnier, eut la vie sauve. Le cadavre de Flourens fut ramené à Versailles où des femmes élégantes aux bras d’officiers purent à loisir fouiller son crâne du bout de leur ombrelle. Versailles se livrait à toutes les bassesses : exécution de prisonniers exhibés ensuite à la bonne société, dénigrement des combattants traités de bandits, vol des bottes des morts ou tir systématiques sur les ambulances.

Pendant ce temps, les femmes de la Commune étaient héroïques. Beaucoup participaient à l’évacuation des blessés sous les balles, assuraient le travail d’infirmières. Certaines prenaient part aux combats. Louise Michel, qui allait et venait là ou sa présence était utile pour faire le coup de feu fut le témoin d’une bravoure exceptionnelle de la part de combattants qui, en très petit nombre, tenaient tête à l’armée régulière. La nuit, des postes gardés par quelques fédérés ne durent leur maintien qu’à l’ignorance de la situation par l’ennemi.

Le flot populaire montait partout et les sections de l’Internationale envoyaient, de toute l’Europe, des messages de sympathie à la Commune de Paris. La province tenta d’emboîter le pas à la capitale. Le 4 avril Marseille se souleva, puis Saint-Etienne, Narbonne, Le Creusot, Lyon et bien d’autres. Chaque fois, l’armée réprima dans le sang ces aspirations à la liberté et à un pouvoir décentralisé. D’autres villes encore envoyèrent des lettres à Versailles, réprouvant la sauvagerie de l’armée régulière. Ce 4 avril à Limoges, un détachement partant pour Paris, à la demande de la foule, ne prit pas le train et retourna à la caserne sous les acclamations. Le maire fit alors tirer sur les civils et arrêter les soldats. L’Algérie apporta également son soutien à la commune de Paris. Enfin, plusieurs loges maçonniques appelèrent le gouvernement à la retenue. 

Pendant ce temps, la tension montait entre Versailles et la France. M. Tiers faisait arrêter ceux qui étaient soupçonnés d’être des meneurs de l’agitation.

Dans les combats qui faisaient rage sur les barricades et dans les différents forts qui bordaient Paris, l’armée de Versailles utilisait des balles explosives, faisant de nombreux morts et des blessures épouvantables. Les soins apportés aux blessés étaient souvent sans espoir. Pourtant, la propagande de Versailles affirmait que la violence venait des insurgés. 

Début avril, Dombrowski, ancien officier polonais de l’armée russe réfugié en France suite à l’insurrection de 1863, fut nommé commandant en chef de Paris. L’armée de la Commune manquait de militaires de profession. Elle était essentiellement composée d’anonymes héroïques, de vieillards, de jeunes et même d’orphelins qui, après avoir porté les boulets et servi un canon allaient se distraire au théâtre de Guignol. Ces hommes et femmes généreux ont un collectif : La Commune.

Des symboles de l’oppression furent mis à bas : la colonne Vendôme fut abattue et le 6 avril on brûla la guillotine. De son côté, Versailles préparait l’entrée de ses soldats dans Paris et suppliait M. Bismarck d’être patient pour le bien des deux parties. 

Le 29 avril, les loges maçonniques organisèrent un cortège de leurs vénérables et de leurs députés pour planter la bannière de la paix sur une barricade, promettant que si Versailles s’opposait à ce geste symbolique, ils prendraient le parti de la Commune. Les bannières furent plantées. Celle de couleur blanche sur laquelle était écrit Aimez-vous les uns les autres, fut trouée par la mitraille. La délégation reçue à Versailles n’obtint aucune avancée. Le 2 mai, les francs-maçons rejoignirent la Commune, appelant leurs frères de province à suivre leur exemple.

Blanqui, vieux révolutionnaire qui avait passé de nombreuses années dans les geôles du pouvoir, héraut du petit peuple dont il légitimait le soulèvement armé, avait été arrêté le 19 mars 1871 pour sa participation à la journée du 31 octobre. En avril, quelques-uns de ses amis de la Commune proposèrent son échange contre l’archevêque de Paris et quelques autres prisonniers. Mais le grand vicaire Lagarde, prisonnier de la Commune et chargé de transmettre la missive à Versailles puis de rapporter la réponse ne revint jamais malgré sa promesse. L’échange n’eut pas lieu.

Pendant ce temps, les espions Versaillais tentaient de semer la discorde au sein de la Commune et se livraient à des sabotages comme l’explosion meurtrière de la cartoucherie Rapp dont on dit qu’il s’agissait d’une vengeance pour la destruction de la colonne Vendôme. 

Malgré les manifestes destinés à encourager les combattants, malgré les concerts du dimanche aux Tuileries au profit des orphelins, des veuves et des victimes de la Commune, l’issue des combats semblait de plus en plus proche. L’armée de la Commune, inexpérimentée et animée par son seul désir de liberté ne pouvait pas résister longtemps à celle de M. Thiers.

Le soir du dimanche 21 mai, un officier nommé Ducatel aperçut que la porte de Saint-Cloud était sans défense. 25 000 hommes pénétrèrent le soir même dans Paris.

La Commune. Histoire et souvenirs – Résumé

IV – L’hécatombe

L’ordre de M. Thiers était : pas de prisonnier… Accordez aux braves soldats la liberté de venger leurs camarades en faisant sur le théâtre et dans la rage même de l’action ce que le lendemain ils ne voudraient pas faire de sang-froid. Pour s’assurer leur loyauté et décupler leur colère envers les fédérés, les soldats furent abreuvés d’alcool et de mensonges. Les fédérés, parmi lesquels 10 000 femmes, combattirent avec héroïsme du désespoir. Chaque quartier repris par Versailles était noyé dans le sang. Le 23 mai, Dombrowski dont certains, quelques jours plus tôt, avaient douté de la loyauté, fut tué au combat. Alors que Paris se transformait en abattoir, plusieurs symboles de l’Etat s’embrasèrent : les Tuileries, le Conseil d’Etat, la Cours des Comptes, la Légion d’Honneur… Au soir du 25 mai la Commune perdit l’une de ses figures les plus importante en la personne de Delescluze. Ce journaliste, opposant à la Monarchie de Juillet puis au Second Empire, emprisonné à plusieurs reprises dont deux années à Cayenne, devenu membre du Conseil de la Commune, fut abattu lorsque qu’il gravissait à découvert une barricade dans un geste de désespoir.

Le Commune exécuta quelques otages à titre de représailles et menaça de continuer si Versailles ne mettait pas un terme à ses exécutions systématiques. Cette décision mis fin au massacre des prisonniers qui ne reprendrait qu’après l’écrasement de la Commune.

On tuait comme à la chasse, Paris était couvert de morts. Les mères de famille à la recherche de lait pour leur enfant étaient abattues sous le prétexte d’être des pétroleuses, un médecin, le docteur Faneau, qui refusa de livrer ses blessés fut exécuté.

A mesure que la Commune s’affaiblissait, les badauds se faisaient plus nombreux. Pour finir, des drôlesses élégamment vêtues vinrent se repaitre du spectacle des morts, pour un progrès qu’ils ne verraient pas.

Puis, comme à la chasse, vint la curée froide. Les cadavres des fédérés s’amoncelaient. Ceux qui échappaient à l’exécution étaient entassés à l’Orangerie, à Versailles ou à Satory où ils étaient décimés par la fièvre et l’épuisement. Le chiffre de 35 000 morts à la suite de la répression de Versailles est très en dessous de la réalité. Le nombre de fédérés assassinés par le pouvoir fut d’au moins 100 000.

Les dénonciations anonymes alimentaient les pelotons d’exécution. Ceux qui ressemblaient à des figures de la Commune étaient passés par les armes. L’hystérie était telle que même des sympathisants de Versailles jugés suspects furent fusillés.

Après la fin des combat, Louise Michel, très inquiète, alla voir sa mère à Montmartre. La concierge lui apprit qu’elle avait été arrêtée à sa place. Elle la retrouva à temps et réussit à la faire libérer en échange de sa propre arrestation. Promise au peloton d’exécution et malgré les condamnés qu’elle voyait tomber, Louise Michel fut envoyée à Satory, à la prison des Chantiers à Versailles puis à la correction de Versailles avec les autres meneuses. Partout la boue et les poux était insupportables aux prisonniers.

Les premiers Conseils de guerre commencèrent par juger des ambulancières coupables d’avoir soigné des blessés, fédérés et versaillais. Ne sachant se défendre, elles furent condamnées à mort. Puis vint le tour des membres de la Commune qui eux répondirent à leurs juges dans des salles dont l’assistance avait été minutieusement choisie. Leur procès commença le 17 août 1871 et dura 17 séances. Les verdicts allèrent de la peine de mort pour Ferré et Lullier à l’acquittement pour ceux qui avaient démissionné au début du soulèvement. Les jugements qui suivirent donnèrent lieux à de nombreuses condamnations à mort. Les fédérés ne marchandaient pas leur vie au prix de regrets ni de suppliques. Les conseils de guerre étaient leur seule tribune et ils comptaient bien s’en servir pour crier leur colère à la face des juges. Les enfants des fusillés étaient placés en maison de correction, recevant ainsi une deuxième punition.

Louise Michel attendait toujours. Un matin de novembre 1871, elle crut être appelée pour son jugement mais elle fut transférée à la prison d’Arras. C’était jour de visite et sa mère fit en vain le déplacement depuis Paris. Louise Michel rentra à Versailles à la fin du mois pour son procès. En réponse à un réquisitoire implacable elle revendiqua fièrement sa participation à la Commune et conclut ses déclarations par : Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi. Elle fut condamnée à la déportation en Nouvelle Calédonie. 

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V – Depuis

Louise Michel fut d’abord envoyée à Auberive sous le matricule 2182 où elle attendit son départ. Certaines de ses compagnes de détention avaient, comme elle, revendiqué leur participation active à la Commune ; d’autres n’avaient fait que soigner les blessés des deux camps ; plusieurs enfin n’avaient rien fait du tout. Fin 1873, elle partit avec 19 autres femmes et de nombreuses figures de la Communes dont Henri Rochefort. 

Lorsque la Virginie arriva en Nouvelle Calédonie, les prisonniers furent répartis en plusieurs endroits. Louise Michel et ses compagnons d’infortune furent installés sur la presqu’île Ducos près de Nouméa, dans le village de Numbo. Ils vivaient dans de petites cases et pouvaient cultiver un lopin de terre. Des femmes de prisonniers rejoignirent leur mari et des familles se formèrent sur place où des enfants naquirent.

Louise Michel profita de ces années dans un monde totalement nouveau pour observer attentivement la végétation locale et réaliser quelques expérimentations botaniques.

Après que Rochefort et cinq de ses camarades eurent réussi leur évasion, les conditions de détention se durcirent. Messieurs Aleyron et Ribourt arrivèrent de Paris pour reprendre les choses en main. Les sanctions allaient désormais de la privation de pain jusqu’à des amendes et de la prison. Des gardiens zélés abattirent également des détenus pour être rentrés trop tard dans leur concession ou avoir dépassé de quelques mètres les limites de la zone autorisée. Les prisonniers dénonçaient leurs conditions dans des courriers à destination de la presse, transmis clandestinement à Sidney. 

Six femmes furent déplacées, non sans avoir protesté, dans des baraquements situés dans la Baie de l’Ouest, toujours sur la presqu’île Ducos. La vie y était néanmoins plus facile que sur l’île Nou ou sur l’île des Pins où les détenus souffraient de l’isolement et de mauvais traitement au point parfois de perdre la raison.

Louise Michel tissa des liens d’amitié avec les Canaques, à qui elle apprenait à lire et à écrire. Elle était émue par les conditions de vie que leur imposaient les Blancs et fut témoin du soulèvement de plusieurs tribus qui se termina dans le sang et par la mort du grand chef Altaï, tué par la trahison d’un des siens.

Après cinq ans sur la presqu’île Ducos, les détenus furent autorisés à s’installer à Nouméa pour y travailler. Louise Michel reprit alors son métier d’institutrice. Elle bénéficia d’une amnistie au moment où elle apprit que sa mère avait été victime d’une attaque de paralysie. Elle rentra en France, au désespoir des Canaques à qui elle promit de revenir. A Paris elle retrouva sa mère, sa famille et ses amis. Devenu anarchiste lors de son séjour en déportation, elle constata que les entraves à la liberté n’avaient fait que s’alourdir, voyant dans les nouvelles lois restreignant la liberté d’expression le crépuscule du système politique en place et l’aube d’une nouvelle ère, fondée sur la diffusion de la science et les valeurs humanistes.

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