Libertin devenu bigot, janséniste ayant renoncé à la grâce divine, Jean Racine n’était pas un garçon sympathique. Il admirait autant qu’il jalousait Molière et Corneille, n’ayant de cesse de vouloir les dépasser. Et son travail porta ses fruits. Alors qu’elle constituait un corset pour ses deux aînés, la règle des trois unités était le cadre parfait pour ses intrigues resserrées et à son style limpide.
Le XVIIIe siècle ne comprit pas Racine et son inspiration janséniste qui faisait de l’intelligence une duperie et de la raison une illusion. Il lui reprocha le manque de virilité de ses personnages sans voir que le héros cornélien était resté fidèle à l’amour courtois qui fait du chevalier le vassal de sa dame alors que l’amour est chez Racine un sentiment égoïste, possessif, amoral. Il lui reprocha le manque d’action de ses pièces sans comprendre que les histoires simples sont chez Racine un parti pris assumé.
Lorsqu’il apprit que Corneille écrivait une pièce sur l’amour impossible entre Titus et Bérénice, Racine releva le défi avec succès : le Tite et Bérénice de son rival fut un échec, son Bérénice triompha. Louis XIV en fut bouleversé. Il s’identifia à Titus, lui qui avait dû renoncer à Marie Mancini, la nièce de Mazarin, au nom de la raison d’État, parce que le traité des Pyrénées exigeait son union à l’infante d’Espagne
Racine donna à la France, qui n’était jusque-là dotée que d’un sceptre et d’une épée, la langue indispensable à son rayonnement, le soft power indissociable du hard power royal. Il accorda le corps et l’âme de la nation, écrivant à l’unisson des mœurs de la cour où la noblesse, depuis l’écrasement de la Fronde, ne défiait plus le roi. Il accompagna la société sur le chemin de l’égalité où la loi s’applique à tous, annonçant le siècle des Lumières. Peu de nos contemporains comprennent que Racine est la France et que Titus est un personnage sympathique, à une époque féminisée qui fait primer le sentiment sur le devoir et sur la gloire.
[…] Racine, libertin devenu bigot, janséniste repenti, jaloux de Molière et de Corneille, qui donna à la France la langue indispensable à son rayonnement, le soft power indissociable du hard power Il accompagna la société vers l’idéal d’égalité annonçant le Siècle des Lumières. Article complet – Racine. […]
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