
1- Mr Jones, propriétaire de la Ferme du Manoir, était un ivrogne. Ses animaux avaient pour seules perspectives une mort précoce et violente ou une vie de travail et de souffrance.
Un soir que le fermier était couché, ivre, Sage l’Ancien, un cochon de douze ans respecté de tous et ne devant sa longévité qu’à un concours agricole gagné dans sa jeunesse, organisa une réunion dans la grange. S’adressant à ses camarades, il leur fit prendre conscience de leur vie misérable au service de Jones. Ses mots lui avaient été inspirés par son rêve de la veille, celui d’une terre débarrassée des humains. Il conclut son discours en entonnant une vieille chanson intitulée Bêtes d’Angleterre qui invitait les animaux à s’émanciper des hommes. L’assistance la reprit en chœur et elle devint un hymne de libération.
2- Sage l’Ancien s’éteignit de mort naturelle trois jours plus tard, début mars. Trois cochons prirent sa suite : Napoléon taciturne et décidé, Boule de Neige, vif, délié mais d’un caractère moins marqué et Brille-Babil, beau parleur. Tous trois avaient élaboré un système philosophique appelé Animalisme et organisaient des débats plusieurs soirs par semaine. Leurs contradicteurs opposaient à leur volonté d’émancipation le fait que Jones les nourrissait. Moïse, le corbeau apprivoisé de Jones affirmait même qu’après leur mort, les animaux vivaient dans un lieu d’abondance appelé la Montagne de Sucrecandi.
Un dimanche, à la fin du mois de juin, alors que Jones était saoul et que ses ouvriers agricoles étaient partis à la chasse en oubliant de nourrir les animaux, le soulèvement se produisit. Mr. et Mrs. Jones, leur corbeau et leurs ouvriers revenus à la ferme en furent chassés et les insurgés prirent possession du domaine. Il fut décidé que le logis servirait de musée et ne serait pas occupé par les animaux. Les cochons qui avaient appris à lire et à écrire remplacèrent le panneau Ferme du Manoir par celui de Ferme des Animaux et, sur le mur de la grange, inscrivirent les Sept Commandements de l’Animalisme :
1- Tout deuxpattes est un ennemi.
2- Tout quatrepattes ou tout volatile un ami.
3- Nul animal ne portera de vêtement.
4- Nul animal ne dormira dans un lit.
5- Nul animal ne boira d’alcool.
6- Nul animal ne tuera un autre animal.
7- Tous les animaux sont égaux.
Après cet épisode, Boule de neige intima l’ordre aux animaux, désormais seuls bénéficiaires de leur travail, de partir aux foins. Les cochons s’attelèrent à la traite des vaches, mais le lait disparut mystérieusement.
3- Sous la direction des cochons, les animaux trimèrent tant que la récolte fut meilleure que jamais. Certains néanmoins ménageaient leurs efforts comme Lubie, la jument qui tirait jadis le cabriolet des Jones, habituée aux sucres et aux rubans, qui prétextait régulièrement un caillou dans le sabot.
Le dimanche se tenait l’Assemblée de tous les animaux. Elle débutait par la levée des couleurs, une nappe verte symbolisant les pâturages anglais sur laquelle étaient dessinés une corne et un sabot, et se concluait en entonnant Bêtes d’Angleterre. On y votait le travail de la semaine et les résolutions proposées par les cochons : l’âge de la retraite pour chaque espèce, l’organisation de classes de lecture et d’écriture, la création de commissions, l’une pour les vaches, l’autre pour les poules… et une pour la rééducation des camarades vivant en liberté dans la nature. Mais ces entreprises de prophylaxie sociale échouèrent. Malgré des efforts visibles, les animaux ne parvinrent pas à changer leur comportement. Les cochons apprirent à lire parfaitement, les chiens un peu moins bien, quant aux autres animaux ils ne reconnaissaient que quelques lettres. Face à cet échec, Boule de Neige résuma les Sept Commandements en inscrivant sur le mur de la grange une devise que chacun pourrait s’approprier Quatrepattes oui ! Deuxpattes non !
La disparition du lait fut expliquée : il avait été ajouté à la pâtée des cochons. Cette pratique fut admise. Pour diriger la ferme et garantir l’éloignement des Jones, les cochons devaient être bien nourris.
4- À la fin de l’été, les mutins envoyèrent des pigeons voyageurs annoncer le soulèvement dans les fermes voisines. Les animaux y fredonnaient désormais Bêtes d’Angleterre et devenaient agressifs.
Début octobre, Jones escorté d’ouvriers agricoles tenta de reconquérir sa propriété. Boule de Neige, qui avait étudié dans un livre trouvé sur place les campagnes de Jules César, avait anticipé l’attaque. Les assaillants furent repoussés. Boule de Neige et Malabar, un cheval de trait, qui s’étaient montrés héroïques au combat furent décorés de l’ordre, tout juste créé, de Héros-Animal de première classe. La seule victime, un mouton tué d’un coup de fusil, reçut le titre de Héros-Animal de deuxième classe. Le fusil de Jones, saisi lors du combat servirait à tirer des salves à la Saint-Jean, jour anniversaire du soulèvement, et le 12 octobre, date de la bataille de l’Étable qui venait de prendre fin triomphalement.
5- L’hiver arriva. Nostalgique de sa vie sucrée et enrubannée, Lubie retourna dans le monde des humains. À la ferme, les cochons, en vertu de leur intelligence supérieure, prenaient les décisions politiques qui devaient ensuite être ratifiées à la majorité. Tout opposait Boule de Neige, cultivé, inventif, désireux de mettre en pratique ce qu’il apprenait dans les livres, et Napoléon capable de rassembler par des paroles simples. Leurs désaccords allaient de l’agriculture à la politique. Quand Boule de Neige voulait étendre la révolte aux fermes voisines, Napoléon prônait l’armement pour de se défendre contre les humains. Ce dernier était aidé par les moutons qui bêlaient à tout propos : quatrepattes oui ! deux pattes non! coupant court à tout débat.
Inspiré par ses lectures techniques, Boule de Neige établit les plans d’un moulin à vent pour produire de l’électricité et ainsi limiter le travail à trois jours par semaine. Napoléon, immédiatement hostile au projet, arguait qu’il fallait travailler dur et augmenter la production de denrées pour avoir suffisamment à manger. Le dimanche du vote, alors que Boule de Neige venait d’exposer son projet devant l’Assemblée, Napoléon lança à ses trousses neufs molosses dressés en secret. Boule de Neige fuit et ne réapparut jamais.
Seul aux commandes, Napoléon décréta que désormais les décisions seraient prises sans vote par un comité de cochons et que lors de la cérémonie du dimanche le crâne déterré de Sage l’Ancien serait exposé à côté du fusil de Jones, au pied du mat du drapeau. Couvrant les protestations de quatre cochons dans l’assistance, les moutons bêlèrent en chœur : Quatrepattes oui ! Deuxpattes non !
Trois semaines plus tard, Napoléon annonça qu’on allait construire le moulin et qu’il faudrait travailler plus dur et réduire les rations. Brille-Babil, accompagné de quelques molosses s’employa à persuader les animaux du bien fondé de la décision, affirmant que Boule de Neige, individu néfaste, avait volé l’idée à Napoléon, lequel avait dû feindre par pure tactique son opposition au projet.
6- Le travail harassant du printemps et de l’été ne produisit pas une aussi bonne récolte que la précédente.
Il fallut plusieurs semaines pour trouver comment fabriquer les cailloux nécessaires aux murs du moulin : les blocs devaient être hissés à grand peine sur un promontoire d’où ils étaient lâchés pour se fracasser en arrivant en bas. Malabar, guidé par ses deux mots d’ordre, je vais travailler plus dur et Napoléon ne se trompe jamais, trimait au chantier même après la journée de travail.
À la fin de l’été, des produits commencèrent à manquer : outils, engrais, semences, équipements pour le moulin…Napoléon annonça le début de relations commerciales avec les humains. Le bêlement sonore des mouton : quatre pattes oui ! deux pattes non ! interdit toute question. Brille-Babil escorté par quelques molosses expliqua aux animaux qu’il ne s’agissait pas d’un reniement d’un des principes fondateurs mais d’un sacrifice consenti par Napoléon. Un avoué du nom de Whymper serait l’intermédiaire avec l’extérieur.
Peu après, les cochons décidèrent d’occuper le logis des Jones. Encore une fois, Brille-Babil expliqua que cette mesure profiterait à tous puisque des chefs reposés prennent de meilleures décisions et qu’elle n’enfreignait pas le 4e commandement puisque les draps avaient été retirés des lits.
En novembre le drame s’abattit sur la ferme. Une tempête détruisit le moulin dont la construction avait réclamé tant d’efforts et de sacrifices. Napoléon désigna Boule de Neige comme responsable, le condamna à mort et offrit une récompense pour sa comparution en justice.
7- En janvier, le manque de blé conduisit à réduire encore les rations. Pour cacher la situation à l’extérieur, lors des visites de Whymper, des sacs remplis de sable et recouverts de blé en surface étaient exposés pour simuler la profusion. Les oeufs des poules furent confisqués. Celles qui, pour protester, détruisirent leur production furent privées de nourriture et rentrèrent vite dans le rang. Les bruits allaient bon train : Boule de Neige serait depuis des années de mèche avec Jones ; la nuit il s’introduirait dans la ferme où il aurait des complices, pour commettre des sabotages. Son héroïsme pendant la bataille de l’Étable fut démenti par Brille-Babil. La vérité était que Napoléon avait chassé les humains malgré la trahison de Boule de Neige. Malabar resta visiblement dubitatif.
Un jour, Napoléon, décoré des médailles qu’il s’était attribuées de Héros-Animal de première et de deuxième classes, apparut devant une assemblée inquiète. D’un cri aigu, il ordonna à ses molosses de se saisir de Malabar et des quatre cochons qui avaient protesté à l’annonce de l’abolition de l’assemblée du dimanche. Alors que les gorets furent amenés à la tribune, Malabar arrêta du sabot un des chiens et menaça de le tuer. Napoléon n’insista pas. En revanche, les cochons durent avouer être les complices de Boule de Neige et furent égorgés sur le champ. D’autres animaux confessèrent leurs fautes et subirent le même sort. Tout le monde était bouleversé. Même du temps de Jones on n’avait jamais vu pareille horreur.
Brille-Babil annonça que Bêtes d’Angleterre était désormais interdit : l’émancipation invoquée par l’hymne était advenue. Il n’y avait donc plus de raison de le chanter. À nouveau les moutons bêlèrent à tue-tête : quatrepattes oui ! deuxpattes non! Un poète composa un nouveau chant pour la cérémonie du dimanche :
Ferme des Animaux, Ferme des Animaux,
jamais de mon fait ne te viendront des maux.
8- Certains animaux s’interrogèrent. Ce qui s’était passé n’enfreignait-il pas le sixième commandement ? Ils furent fixés en lisant sur le mur de la grange Nul animal ne tuera un autre animal sans raison valable.
Napoléon décida de vendre un stock de bois à l’un de ses deux voisins, Mr Pilkington ou Mr. Frederick. Après de longues négociations conduites par Whymper, un accord sembla trouvé avec Pilkington, Frederick étant accusé d’être un complice de Boule de Neige. Lorsque finalement, la transaction se fit avec Frederick, les accusations furent abandonnées et Pilkington fut désigné comme le vrai complice de Boule de Neige. Finalement les billets de Frederick se révélèrent faux.
Le lendemain des hommes de Frederick firent irruption dans la ferme. Ils tirèrent sur les animaux qui leur barraient la route et détruisirent le moulin à l’explosif. La colère ayant pris le dessus, les animaux chargèrent sous le feu nourri des assaillants qui finirent par fuir.
Napoléon félicita les animaux pour leur courage et les victimes eurent des funérailles solennelles. Il créa à cette occasion l’ordre de la Bannière Verte dont il s’attribua la médaille. Le triomphe était amer pour les animaux. Des mois de travail acharné venaient d’être réduits à néant.
Le soir, les cochons trouvèrent une caisse de whisky et organisèrent une fête entre eux. Le lendemain, on craignit pour la santé de Napoléon mais il se remit rapidement de son malaise et décida d’ensemencer un champ avec de l’orge.
Peu après un incident bizarre survint : Brille-Babil fut retrouvé avec un seau de peinture en bas d’une échelle cassée au pied du mur de la grange où l’on pouvait lire le cinquième commandement : Nul animal ne boira d’alcool à l’excès. Les deux derniers mots avaient jusque-là échappé aux animaux.
9- La reconstruction du moulin reprit immédiatement. Il fallut vendre une partie des récoltes pour acheter le matériel nécessaire et les rations furent à nouveau réduites. Malgré les privations, chacun était convaincu que grâce à Napoléon la vie était bien meilleure que dans l’ancien temps. Aussi, les manifestations patriotiques en son honneur étaient de plus en plus nombreuses.
Malabar qui allait fêter ses 12 ans, l’âge de la retraite des chevaux, ne ménageait toujours pas ses efforts. Un soir qu’il travaillait au moulin bien après la fin de la journée, il s’effondra. Napoléon s’occupa en personne de son transfert à l’hôpital. Mais les animaux s’aperçurent trop tard que le camion qui emmenait leur ami portait l’inscription équarrisseur. Trois jours plus tard, la mort de Malabar fut annoncée. Brille-Babil déclara l’avoir assisté pendant ses derniers instants et mit fin à une ignoble rumeur : le vétérinaire venu chercher Malabar avait acheté son camion à un équarrisseur et ne l’avait pas encore fait repeindre. Voilà tout. Napoléon présida la cérémonie donnée en l’honneur du cheval dont les restes n’avaient pu être rapportés. Le soir, les cochons qui avaient trouvé une autre caisse de whisky, festoyèrent.
10 – Avec les années, le souvenir de Jones s’estompait. Rares étaient ceux qui avaient connu le soulèvement. Napoléon et Brille-Babil avaient engraissé. Depuis longtemps il n’était plus question de retraite. La ferme était aujourd’hui prospère et bien tenue. Le moulin utilisé finalement pour moudre le blé dégageait de bons bénéfices. Seuls les cochons et les chiens s’étaient enrichis mais chacun était fier d’appartenir à la communauté et savait que ses sacrifices ne servaient à engraisser aucun humain.
Un jour, à la surprise générale, les cochons se mirent à marcher sur deux pattes. Rompant le silence des animaux abasourdis, les moutons se mirent à bêler à tue-tête le nouveau slogan que leur avait appris en cachette Brille-Babil : quatrepattes bon ! deuxpattes mieux ! Peu après les animaux découvrirent sur le mur de la grange, à la place des sept commandements, l’inscription : TOUS LES ANIMAUX SONT EGAUX MAIS CERTAINS SONT PLUS EGAUX QUE D’AUTRES.
Les cochons firent ensuite installer le téléphone, s’abonnèrent à des journaux et se mirent à porter des vêtements. Une après-midi, ils reçurent Mr Pilkington et d’autres fermiers avec qui ils voulaient entretenir de bonnes relations. Après la visite de l’exploitation, cochons et hommes, complices, burent et jouèrent aux cartes, devisant sur la main d’oeuvre, les classes et les animaux inférieurs. En portant un toast, Napoléon annonça que la ferme s’appellerait désormais la Ferme du Manoir. Les animaux qui s’étaient risqués près des fenêtres pour assister à la scène constataient que les traits des cochons ressemblaient de plus en plus à ceux des humains. Soudain Pilkington et Napoléon abattirent ensemble un as de pic. Dans la violente dispute qui suivit, il n’était plus possible de distinguer les cochons des hommes.
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Le résumé de : George Orwell 1984
Le commentaire de lecture de 1984 – partie 1
Le commentaire de lecture de 1984 – Partie 2

L’absurde n’existe que dans un monde où l’on y consent.
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Qu’entendez vous par là ? Qu’appelez vous absurde ?
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Pensez-vous que le soulèvement des animaux soit une réussite ? Justifiez votre réponse en donnant un exemple précis. ( La ferme des animaux de Orwell
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J’ai quatre heures ?
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